L’éducation traditionnelle a encore du mal à s’éloigner des VEO (ou Violences Educatives Ordinaires) – taper les enfants, les humilier…
Le débat soulevé en France par la proposition de loi “anti-fessée” (qui recouvrait en fait bien plus que la question des fessées) montre bien l’intensité de la polémique sur le sujet.
Les parents voudraient pouvoir employer les méthodes qui leur conviennent avec leurs enfants ! Avec parfois cet argument phare : “J’ai pris des fessées quand j’étais petit, je n’en suis pas mort…”

Ok. Je vois l’idée… mais si on la poussait ?
Considérons un homme qui donne une claque à sa femme. Finalement, juste une claque… elle n’en sera pas morte !
Est-ce que du coup, c’est ok ? Est-ce qu’on rejette toute loi contre les violences en jetant les droits des femmes comme les droits des enfants à la poubelle ?

Je me perds, je m’enflamme, et vais donc de suite m’interrompre pour me recentrer sur l’objet de cet article !

Il est évident que ce « je n’en suis pas mort » ne veut pas vraiment dire ça.
Je sais que l »ambition des parents, même de ceux qui défendent certaines violences faites aux enfants, va au delà de leur survie, j’en suis convaincue.
Ce que je devine, c’est que cela signifie : “Je ne m’en porte pas plus mal.”
Or, je ne pense pas que l’on puisse affirmer cela.

Peut-on vraiment mesurer l’impact de ces punitions corporelles sur la confiance en soi, sur la faculté à prendre des risques, à essayer ?
Sur la manière de percevoir le rôle de l’autorité, de l’obéissance ?
D’ailleurs… le parent qui dit cela est devenu quelqu’un qui considère qu’il est normal de taper un enfant…

Aujourd’hui, sans me lancer dans la défense d’une éducation sans violence, je voudrais simplement vous présenter 6 bonnes raisons de ne pas taper son enfant.

 1. Taper son enfant lui fait mal

Rien que ceci devrait être une raison suffisante !
Il est rare qu’un parent ait vraiment envie de faire mal à son enfant.
Nous aurions même plutôt l’élan de nier leurs moments douloureux, d’où notre tendance à nier leurs sentiments difficiles.
(ce qui, de façon surprenante, est l’un des premiers points sur lesquels on évolue quand on s’intéresse à la parentalité positive)

Pour cette fois, écoutons-nous, et épargnons-leur une douleur venue directement du parent.

A cette idée, certains répondent au contraire que c’est le but : s’il a mal, il n’aura pas envie de recommencer ! C’est toute la « vertu éducative » du procédé…
Oui, mais cela crée une vraie détresse pour l’enfant. Sa famille est théoriquement l’endroit où il se sent en sécurité.
Il a une grande confiance en ses parents, en particulier pour ce qui est de le protéger.
Si ses parents le frappent (en précisant même parfois que c’est « pour son bien » – comme dans le cas d’autres maltraitances), comment l’enfant peut-il vraiment ressentir de la sécurité, fondamentale pourtant pour qu’il donne le meilleur de lui-même ?

C’est tout le principe du développement d’un attachement sécure.
Malheureusement, même des parents aimants utilisent ces moyens ordinaires pour faire en sorte que leur enfant leur obéisse.
C’est peut-être votre cas, et si vous êtes là, c’est déjà un sacré pas !

 2. Cela lui montre que frapper est un acte autorisé

L’éducation passe majoritairement par l’exemple. Nos enfants reçoivent bien moins ce que nous leur disons que ce que nous faisons.

Ainsi, taper sur la main d’un bébé est malheureusement la meilleure manière de lui enseigner que taper fait partie des options possibles…

Si nous frappons l’enfant qui se comporte “mal”, il n’y a pas lieu d’être surpris du fait qu’il se mette lui-même à frapper son camarade qui ne se comporte pas comme il le voudrait. C’est ce que nous lui avons enseigné.

Note : il existe des alternatives dans nos réactions face à l’enfant qui tape.

Le terme « frapper » peut vous toucher, et que votre réaction interne soit de l’ordre de « il y a quand même une différence entre frapper un enfant et lui mettre une petite fessée… »
Et je peux comprendre votre approcher. Donner des fessées est tellement une violence ordinaire qu’il est difficile de le percevoir autrement. Et oui, il y a différents degrés dans la violence, je l’admets.
(c’est tout le principe de cette violence dite ordinaire)
Pour autant, cela reste une violence physique.
– Je vous conseille à ce sujet la lecture de « La fessée », d’Olivier Maurel, dont j’aimerais vous faire un jour un résumé… –
Si on s’ouvre à une petite fessée, pourquoi ne pas s’ouvrir à une « petite claque » ?
Ou en tout cas, il faudra bien comprendre que notre enfant ne fasse pas forcément la différence quand, à son tour, il utilisera la violence face à ceux qui n’auront pas le comportement adéquat…

Je préfère donc avoir un message clair, et pour lui et pour moi : toute forme de violence est à éviter ; on ne doit jamais taper. Point.

 3. Taper un enfant rompt notre relation avec lui

Lorsque nous tapons l’enfant, nous rompons le lien affectif. Il se met automatiquement en position de repli, de rancoeur, de colère.
Il aura évidemment encore moins envie de coopérer.

Alors bien sûr, l’idée, c’est de démontrer une forme d’autorité parentale.
Heureusement, il y a d’autre méthodes pour cela.

A une époque, dans les salles de classe, les enfants désobéissants prenaient des coups de baguette sur les doigts.
Les châtiments corporels envers les enfants étaient monnaie courante.
Depuis que le respect des droits de l’enfant ont fait en sorte d’interdire explicitement ces sévices, les enseignants trouvent d’autres manières de fonctionner.

Je sais… certains croient encore que c’est pour cela qu’il y a tant de violence à l’école !
Les études montrent bien pourtant que la violence appelle la violence.
Allez voir les salles de classe dans lesquelles les enseignants s’attachent à créer une connexion avec les enfants (ceux qui suivent les principes de la Discipline Positive par exemple), et vous verrez que ce n’est pas là que vous trouverez le manque de respect si souvent regretté. Est-ce que c’était vraiment du respect, en fait ?

Revenons à la famille. Un des grands principes de l’éducation bienveillante (et dont j’ai bien constaté les effets autant chez moi que dans les familles que j’accompagne…), c’est de se connecter avant de corriger.

Si nous ne cultivons pas le lien avec notre enfant, on voit les chances de coopération s’amenuiser fortement…
Et clairement, la violence quotidienne ne va pas dans le sens du lien !
(Remarque : c’est également vrai pour le fait de crier… et si c’est encore trop dur pour vous, comme ça l’était pour moi il y a quelques années, procurez-vous mes clés pour arrêter de crier)

4. Cela ne lui enseigne rien

Taper l’enfant pour corriger un comportement, c’est axer l’enseignement sur un réflexe pavlovien : “quand je fais ça, ça me fait mal, donc je ne vais plus le faire.”
Ça marche peut-être sur les chiens (encore que, d’après ce que j’ai entendu dire, cette méthode de dressage de animaux soit également en train d’évoluer…), mais dans la démarche, notre enfant ne comprend pas pourquoi le comportement en question est inapproprié.
Il pourra d’autant moins le comprendre que nous éliminons par nos gestes toute possibilité d’y réfléchir : notre tape lui aura donné une distraction mentale. Il ne pensera plus qu’à cela.

(Cette idée de distraction apparait également dans les critiques de la punition par Haïm Ginott, vous vous en souvenez ?
Et on voit le lien avec le titre de cette partie : plus globabement, punir n’enseigne rien, puisque c’est une méthode éducative qui ne s’intéresse pas aux causes derrière le comportement… et il y a en particulier peu de chances que ça calme les choses)

J’en veux pour preuve cet épisode qui nous a permis de constater à quel point une “simple” tape sur la main de son grand-père est encore présente, même émotionnellement, dans l’esprit de notre fils de 3 ans, un an après les faits…
C’est toujours un peu un traumatisme, en fait… en tout cas, c’est resté dans sa mémoire traumatique, alors que la raison de la tape a, elle, disparu !

Pour moi, éduquer son enfant, c’est l’aider à grandir, ce qui inclut une bonne partie d’apprentissage.
Quand il ne se comporte pas de manière adéquate, c’est qu’il ne sait sûrement pas encore comment faire mieux.
Le taper ne l’aidera pas à développer d’autres compétences !

 5. Taper encourage au mensonge

Si l’enfant n’a pas compris pourquoi son comportement nécessitait correction (!), il comprend au moins que ce n’est pas à notre goût.
Donc, s’il n’est pas prêt à y renoncer, il s’attachera en revanche à faire en sorte que nous ne soyons pas au courant, afin d’éviter nos gestes brutaux.

Le même principe est valable d’ailleurs pour toute forme de punition. Infliger des punitions à l’enfant, c’est l’encourager indirectement à cacher ce qui pourrait nous déplaire…

C’est alors un vrai choix : faire passer l’aspect « éducatif » d’abord, ou la confiance entre l’adulte et l’enfant.

 6. Cela peut détruire son estime de lui-même

Comme nous le soulignions au point 1, un jeune enfant a une grande confiance en ses parents. Il cherchera souvent à justifier leur comportement.
(C’est d’ailleurs aussi l’une des raisons pour lesquelles certains parents se refusent à changer de méthodes éducatives : ils ne veulent en fait pas remettre en cause ce qu’ont fait leurs parents !)

Donc, une partie de lui-même est en colère, plein de ressentiment, et, en même temps, une autre internalise que si le parent frappe, c’est qu’il le méritait.
Il a donc vraiment mal agi, il est mauvais…

Et c’est alors l’image qu’il aura de lui-même… à long terme !

Remarque : il en va bien sûr de même pour toutes les violences verbales et humiliations.
On comprend mieux pourquoi les approches qui s’intéressent de près au développement de l’enfant veulent interdire ces pratiques, qui ont toujours également des effets psychologiques…
Parents et éducateurs ont en fait une vraie responsabilité !
Et en même temps… nous ne sommes pas des super-héros

Anecdote personnelle :
Mon frère faisait partie du groupe “J’ai pris des fessées, je n’en suis pas mort !”.
En prenant le temps d’y réfléchir ainsi, il ne lui a pas fallu plus d’un quart d’heure pour changer d’avis.
Pour moi, c’est la magie qui nait du fait de mettre de la conscience dans nos pratiques.

Et vous ? Cela vous parle-t-il ?

Note : Pour télécharger une fiche résumé de cet article, il vous suffit de cliquer ici.

Plus le temps passe, et plus je me rends compte à quel point la parentalité positive est une question de rythme. Pour réussir à en appliquer les principes, il ne faut pas être dépassé par le quotidien. C’est ce qui en fait la difficulté, je crois.
Nous vivons dans un monde dans lequel l’immédiat prime, et les parents ne sont pas toujours prêts à réfléchir à long terme.

Au début de l’année, j’ai répondu à un appel à témoins du magazine « Grandir Autrement » (numéro 63, mars/avril 2017) pour un article intitulé « la nécessité de s’accorder des pauses ».

Sophie Elusse y parle d’abord de la pause qui nous permet de vous ressourcer. Parce qu’avant de pouvoir aider l’autre, et en particulier nos enfants, il faut être en état de le faire. Donc, prendre soin de nous. Bien sûr. (De là, d’ailleurs, ma décision récente de me mettre réellement à la pratique de la méditation en pleine conscience)

Dans le livre Parents respectueux, enfants respectueux, est évoquée l’image du masque à oxygène des avions : mettre le sien pour être en mesure d’aider l’autre. Ce n’est pas la première fois que j’entends cette image, et je l’aime bien. Elle illustre bien le fait que prendre soin de soin n’est pas égoïste, c’est aussi faire en sorte d’être en mesure de prendre soin de l’autre !

L’article fait ensuite écho à ce que j’avais mis en avant dans mon témoignage, sur les pauses de réflexion éducative.
Etre parent est un rôle difficile, parce qu’il met nos nerfs à l’épreuve.
Autour des notions de parentalité positive, ou d’éducation bienveillante, on constate que certains parents en ressentent surtout de la culpabilité, parce que, si le modèle est attirant, il parait hors d’atteinte…
Certains prennent de bonnes résolutions, décident qu’ils ne vont plus crier… puis sortent de leurs gonds, parce qu’ils sont humains, et démunis. Et surtout, parce qu’ils ne s’arrêtent pas.
Je crois que c’est là qu’on a tous besoin d’une pause. Une pause que je qualifierai d’éducative.
Une pause qui va nous permettre de prendre de la distance par rapport à la situation. Pas de l’oublier, mais d’y réfléchir. Pouvoir sortir de notre réaction immédiate pour analyser le problème, et réfléchir à la façon de l’aborder.

Extrait de mon témoignage dans l’article :

Ainsi, Coralie, maman de quatre enfants, envisage la pause comme « nécessaire également en gardant les enfants dans l’équation. Quand je lis des livres d’éducation, j’ai le sentiment de faire une pause, parce que je m’arme pour la famille. J’apprends les compétences qui vont me permettre d’apporter plus d’harmonie à la maison. Ce n’est plus une pause pour autre chose, c’est une pause pour eux. Pas avec eux, mais pour eux. […] Pour moi, voilà la pause fondamentale. Celle qui nous aidera à poursuivre plus sereinement. Celle qui non seulement aidera à débloquer la situation, mais également à nous rendre plus fort en tant que parent. Parce qu’on aura pris le temps de choisir la bonne solution. Il y a souvent plusieurs façons de voir les choses. Et ce n’est pas sous le coup de la colère qu’on va les voir positivement… Alors, mon astuce, si je ne dois en garder qu’une, c’est de faire des pauses, seule ou en couple, qui sont en fait des “moments éducation”, des moments où l’on prend du recul, pour pouvoir décider plus sereinement du chemin à prendre. Et c’est souvent un cercle vertueux: plus on trouve le temps de faire ces pauses, moins il y a de stress à la maison, et moins on en a besoin! »

Enfin, apportant sa touche plus personnelle, l’auteure parle des pauses avec les enfants. Celles dans lesquelles on les inclut : on oublie pour un moment la liste de tout ce qu’il y a à faire, pour choisir plutôt un vrai moment partagé.
Et elle a raison de dire que c’est également important : c’est ce qui nous permettra de nourrir le lien, lien qui est à la source même de la coopération que nous cherchons à développer entre eux et nous !

Et vous, quel type de pauses vous accordez-vous ?

“Pensez qu’à tout moment vos interactions avec vos enfants reposent soit sur l’exercice d’un pouvoir SUR eux, soit sur l’exercice d’un pouvoir AVEC eux.”
Sura Hart et Victoria Kindle Hodson, Parents respectueux, enfants respectueux.

Vers laquelle de ces alternatives désirons-nous tendre ?

Il est probable que tout soit là, comme je le soulevais déjà dans cet autre article tournant autour de la notion de pouvoir.

Quand nous cherchons à changer notre mode de fonctionnement en éducation, il nous faut réussir à passer au dessus des modèles reçus. Réussir à modifier notre posture en profondeur.

C’est probablement cet exercice qui est le plus difficile.

Lorsque j’ai commencé à suivre le chemin de la parentalité positive, je n’avais pas conscience que ce n’était pas seulement m’armer d’outils pour aider à développer l’harmonie de la famille, mais que j’avançais également vers des termes tels que coopération, respect, considération…

Des termes que chacun apprécie, que tous considèrent positivement, mais qui sont dans la pratique bien moins appliqués que ce que l’on pourrait espérer.

Car lorsque les parents demandent la coopération de leurs enfants, sont-ils bien eux-mêmes dans une attitude de coopération aux besoins de leurs enfants ?

Lire encore et encore est probablement ma manière personnelle de faire pénétrer le message. Une partie de mon enseignement se joue au niveau de l’inconscient. Je sens que ma posture change, sans toujours en identifier les déclencheurs.

Car chacun a son approche pour traduire ce changement de modèle :
Quand je lis Jane Nelsen, je sens que mon message face à mon enfant est : “Je suis dans ton équipe.”
Quand je lis Faber et Mazlish, je m’ouvre à la connexion par l’écoute emphatique.
Quand je lis Thomas Gordon, j’envisage enfin une éducation “sans perdant”.
Quand je lis Marshall Rosenberg, j’appréhende l’équivalence des besoins de chacun.
Peut-être que cette lecture variée, qui me nourrit, vous inspirera.
Si vous pensez que cela peut être le cas, faites donc un tour par ma bibliothèque.

Si la lecture de ces ouvrages n’est pas votre tasse de thé, ou que vous manquez de temps, le format blog peut être un bon compromis.

L’échange avec d’autres parents qui ont les mêmes valeurs également !

Nous vivons dans un monde qui tourne plus souvent autour de la notion de compétition que de celle de coopération.
J’aspire à offrir un autre modèle à mes enfants.

J’ai basculé dans une parentalité consciente du long terme, dans laquelle je m’interroge sur les effets de nos choix éducatifs.

Car je suis pénétrée par le principe suivant :
“La manière dont vous élevez votre enfant n’influera pas seulement sur lui, mais sur la vie de centaines, voire de milliers de personnes qu’il rencontrera dans l’avenir. Vous ne pouvez pas choisir d’exercer ou non une influence sur cette situation d’interdépendance, mais vous pouvez choisir QUELLE influence vous exercez.”
Sura Hart et Victoria Kindle Hodson, Parents respectueux, enfants respectueux.

Et c’est parce que je crois en l’être humain que je cherche à partager cette aspiration, le plus possible, et que je voudrais vous encourager à faire de même.
Pour que, pas à pas, nous changions le monde.
Etes-vous prêts ?

Un article qui n’en est pas un aujourd’hui : c’est une interview… de moi !

Oui, j’ai été interviewée par Frédérique, une maman sophrologue, également sur le chemin de la parentalité positive !

Elle me fait parler de mon rôle de maman, de mes difficultés, de mes réussites.

Si cela vous intéresse, vous pouvez faire un tour sur son blog, et voir l’interview :

Dans un couple, il y a régulièrement des conflits quant à la discipline à mettre en oeuvre face aux enfants.

Depuis que j’accompagne des parents our le chemin de la parentalité positive, qui demande de remettre pas mal de nos idées reçues en question, j’ai vu bien des cas où les parents ne sont pas en ligne. Evidemment, cela complique d’autant plus la mise en place d’un mode alternatif.

S’il est vrai qu’il n’est pas nécessaire que les parents soient toujours en ligne et « fassent front » face aux enfants, comme on avait tendance à le dire avant, il n’en reste pas moins qu’un parent qui cherche à changer ses façons de faire aura particulièrement de mal à le faire s’il avance seul, voire à contre-courant de son partenaire !

Malheureusement, il n’est pas rare de voir un des parents s’accrocher à des méthodes disciplinaires qui ont « fait leurs preuves » (leurs preuves qu’elles ne marchaient pas, en fait…), et imposer ce qu’il pense savoir. Tandis que l’autre, qui touche du doigt un autre modèle, doute. Et le doute ne permet pas d’imposer.

On touche à une certaine relation de pouvoir dans le couple, cette fois : qui peut imposer son mode de fonctionnement à l’autre ?

Dans Il n’y a pas de parent parfait, Isabelle Filliozat soulève un paradoxe qui me semble particulièrement intéressant : elle observe que c’est souvent le parent le plus présent auprès de l’enfant qui remet les schémas reçus en question. Parce que ses principes se heurtent à la réalité. Parce qu’en faisant vraiment face à l’enfant, il ne peut ignorer ses réactions, son état émotionnel. « Mais, hélas, c’est fréquemment l’autre qui a le pouvoir dans le couple. Parce que c’est lui qui travaille à l’extérieur et ramène l’argent. » écrit Isabelle Filliozat. Si c’est un peu caricatural, ce cas de figure reste cependant fréquent dans notre société qui reste encore très patriarcale…

Nous arrivons donc bien devant un paradoxe : le parent absent sait comment les enfants s’éduquent en théorie, alors que le parent présent doute, et a du mal à imposer son point de vue. 

Face à ce constat, que peut-on faire ?

  • De la communication ! Au fur et à mesure que nous avançons sur notre chemin, partageons nos doutes et nos interrogations. Chez nous, lorsque j’ai pris conscience du tournant éducatif que j’étais en train de prendre, j’ai compris que j’avais besoin d’être accompagnée et soutenue dans cette démarche. Nous avons alors mis en place, Nicolas et moi, des « réunions éducation » hebdomadaires, pour que je lui parle de mes dernières lectures, et de comment elles s’appliquaient à nos enfants.
  • Exprimer notre demande d’aide : Quand on cherche à être sévère face à un enfant, on demande le soutien de l’autre, afin qu’il ne « sape » pas notre autorité. Essayons de faire de même quand on cherche à se connecter à son enfant : demandons de ne pas être interrompus, pour ne pas nuire à ce processus.
  • Amener l’autre à se heurter à la réalité : en le laissant en charge. S’occuper des enfants est beaucoup plus éprouvant que ce que ceux qui le font peu peuvent penser. Je ne dis pas que travailler dans un bureau n’est pas fatigant. Mais c’est émotionnellement beaucoup moins dense. Si le moins présent des parents pouvait passer une semaine seul en charge des enfants, il est fort probable que ses principes seraient ébranlés…
  • Observer des situations qui ne sont pas les nôtres. Lorsque nous sommes impliqués, il est toujours très difficile d’être objectif. Si nous saisissons les opportunités de la vie quotidienne pour observer les autres familles, nul doute que nous trouverons de quoi illustrer nos propos sans mettre en cause l’autre parent. C’est parfois beaucoup plus facile d’avoir un point de vue extérieur, et on peut en tirer un bon enseignement !
  • Enfin, enseigner par l’exemple. J’ai vu des cas où le parent réticent à lire ou même à écouter est amené à changer malgré tout en constatant le changement de dynamique dans la relation des enfants à son conjoint. La difficulté de cette méthode réside dans le fait que cela nécessite d’être fort, de croire suffisamment en soi pour suivre notre chemin, indépendamment de l’autre, en espérant qu’il évolue peu à peu. Pas facile…

Quoi qu’il en soit, et même si l’idéal est bien sûr d’avancer à deux, restez persuadé(e) qu’il vaut mieux pour l’enfant avoir un parent qui l’écoute, plutôt qu’aucun…

Lors d’un de mes récents ateliers, l’une des mamans parle du fait qu’elle brosse encore les cheveux de sa fille de 13 ans tous les matins…
Nous poussons un peu l’analyse de la situation :
« Pourquoi la coiffes-tu toi-même ?
– Parce que sinon, j’ai beau le lui rappeler, elle ne le fait pas !
– Et quel est le problème si elle ne le fait  pas ?
– Elle aura les cheveux tout ébouriffés pour aller à l’école !!
– Et quel est le problème d’avoir les cheveux tout ébouriffés ?
– … Les autres vont penser que je suis une mauvaise mère… »

Ainsi, cette mère craint le jugement des autres sur sa fille, non pour ce que cela impliquerait pour sa fille, mais bien pour ce que cela impliquerait sur elle-même.

Au travers du jugement de nos enfants, nous nous sentons jugés en tant que parent…

Réfléchissons : si ma voisine sort avec des cheveux non brossés (aie, l’exemple est mauvais pour moi, parce que mes voisines ont en général les cheveux brossés, c’est moi qui ne les ai pas !! Qu’importe…), je ne me sentirai pas jugée comme mauvaise voisine. Non, parce que ma voisine et moi sommes deux personnes différentes, elle fait ses choix, je fais les miens. (En l’occurence, en général, celui de ne pas me brosser les cheveux, mais encore une fois, restons centrés sur la question.)

Pourquoi est-ce différent lorsque c’est un enfant ? Parce qu’on devrait avoir une influence sur eux, plus que sur la voisine ? C’est possible. On en a d’ailleurs.

Cependant, nos enfants sont quand même des personnes indépendantes. Si le fait d’avoir les cheveux brossés ou pas importe peu à cette fille, est-il juste d’en tenir rigueur à la mère ?

D’ailleurs, l’on ne sait même pas si le fait de se brosser les cheveux n’importerait pas à la fille, sa mère ne lui a pas laissé l’occasion d’en vivre l’expérience… Mais même si c’était le cas, la fille doit-elle nécessairement correspondre à ce que désire la mère ?

Dans l’introduction de Il n’y a pas de parent parfait, Isabelle Filliozat écrit : « Notre enfant est un peu notre miroir. Nous avons tendance à le considérer comme notre prolongement, comme une partie de nous. »

Je crois que le problème est là : s’ils sont une partie de nous, alors tout jugement sur eux est un jugement sur nous.

Je crois que pour les laisser être eux-mêmes, je dirais même pour les aider à être eux-mêmes, il nous faut réussir à accepter qu’ils ne sont pas une partie de nous. Qu’ils ne nous appartiennent pas. Qu’ils ne reflètent pas forcément ce que nous sommes.
Qu’ils sont eux, avec leurs propres qualités, et leurs propres défauts ; avec leurs propres forces et leurs propres faiblesses ; avec leurs valeurs et leurs envies, parfois alignées sur les nôtres, et parfois… non !

Je remonte enfin mes manches pour aborder vraiment la question de la punition. Se faire son avis sur ce point n’est pas toujours évident. Et pourtant, je vais le formuler simplement : êtes-vous pour ou contre la punition ? La première fois que j’ai écrit ici sur le sujet, c’était il y a près de 2 ans, en résumant le chapitre sur la punition de Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent. C’est drôle pour moi de relire cet article, parce que j’y notais que mon mari et moi n’étions pas encore bien en ligne, et que je ne croyais plus tellement à la punition. Depuis, non seulement ma croyance s’est affirmée, mais mon mari est devenu également convaincu ! Nous avons avancé ensemble sur ce chemin. Je vous invite ici à mieux comprendre pourquoi. Tout d’abord, nous pourrions commencer par nous poser la question suivante :

Pourquoi punissons-nous ?

C’est vrai, ça, pourquoi ? C’est étrange quand on y pense : lorsque nous abordions les raisons pour lesquelles nous nions les sentiments des enfants, nous avons parlé de notre tendance à vouloir leur éviter les expériences négatives,  à les protéger de leurs moments de détresse… et pourtant, nous n’hésitons pas à les faire se sentir mal pour les encourager à se comporter bien… bizarre… Enfin, cette remarque mise de côté, je vous encourage surtout à vous retourner sur les cas dans lesquels vous êtes tentés par cette solution. Quels sont les moments où vous avez recours à la punition ? Ayant déjà posé cette question à de nombreux parents, je sais que la réponse la plus fréquente est : « quand je ne trouve plus d’autre solution ». Voilà, tout est là. En fait, punir un enfant, c’est avouer qu’à ce moment-là, on est incompétent ! On ne sait pas quoi faire d’autre, on est désemparé !! Bon. Mais arrivons alors à la question suivante : la punition fonctionne-t-elle ? Après tout, on pourrait dire que si la punition atteignait son but, même si elle n’est pas agréable, elle est nécessaire, et c’est une méthode à employer. Cependant, est-ce le cas ? La punition d’un comportement inadéquat permet-elle de corriger ce comportement ? Oui. Souvent, l’enfant cesse. La punition fonctionne. A court terme. Oui, c’est bien ce que j’ai écrit : à court terme. Parce que finalement, dans la majeure partie des cas, le comportement en question revient. Ou bien, pour que ça continue à marcher, il faut punir plus fort. Et on entre dans un cercle vicieux… Ce n’est pas tout à fait vrai, il est également possible que ça fonctionne à plus long terme si on réagit de façon vraiment forte. Si l’enfant a vraiment peur de nous, et que nos réactions lui font passer le message qu’il ne vaut rien. Du coup, il n’essaye plus, il entre en mode de soumission complète, avec une confiance en lui complètement anéantie. Hum. Je ne peux même pas m’attarder sur ce cas qui me brise le coeur. Revenons donc au cas plus courant de la punition à court terme.
Question suivante :

Que ressent un enfant qui est puni ?

D’abord, évidemment, il est en colère contre le parent qui lui a posé la punition ! Ca lui donne de la rancoeur, ça encourage son désir de vengeance… Je fais ici appel à votre imagination : vous êtes au travail, et vous avez oublié de rendre le document que votre responsable attendait de vous. Il vous en fait le reproche, puis décide que puisque c’est comme ça, vous resterez 1h de plus tous les soirs de la semaine suivante. Comment vous sentez-vous ? Ca vous parait logique, juste ? Ca vous donne envie de mieux collaborer avec lui la fois suivante ? D’un certain côté, un peu, parce que vous avez peur que ça vous arrive de nouveau, mais le ferez-vous de gaieté de coeur ? Essayerez-vous de rendre le meilleur travail possible ? Ou serez-vous tellement rancunier qu’à la première occasion, vous essayerez de lui mettre des bâtons dans les roues ? Mais attention : sans vous faire prendre ! Donc, en plus de la rancoeur et du désir de vengeance, ça encourage aussi un désir de dissimulation !! L’erreur suivante ne sera pas assumée, elle sera cachée, simplement. Nous pouvons donc abandonner nos espoirs d’enseignement du sens des responsabilités… Toute connexion est brisée, et toute démarche de coopération tuée dans l’oeuf… Car, comme le dit Jane Nelsen, il est nécessaire de connecter avant d’enseigner. (Au passage, quelques pistes pour connecter dans cet article) Arrivé à ce stade de la réflexion, normalement, on commence à comprendre que la punition n’est pas seulement inefficace, mais carrément contre-productive.  Mais ce n’est pas fini. Car le raisonnement peut aller plus loin. Marshall Rosenberg (le créateur de la CNV – Communication Non Violente) suggère de se poser 2 questions quand on fait face à un comportement inadéquat de l’enfant : « Que voulez-vous que votre enfant fasse différemment ? » « Quelle motivation souhaitez-vous que votre enfant ait pour faire ce que vous lui demandez ? » Et c’est cette deuxième question clef qui change tout : si la réponse est « la peur de la punition », alors on peut continuer à punir. Toute autre réponse nous aide à remettre la punition en cause, parce qu' »elle l’empêche d’agir pour les raisons que nous aimerions qu’il ait. » Oui, elle l’empêche. Car, comme le disait le Dr Ginott (le mentor de Faber&Mazlish), en le punissant, nous offrons à l’enfant une distraction : au lieu de réfléchir à ce qu’il a fait, il rumine sa colère contre nous ! En fait, la punition est simplement une forme de contrôle extérieur. Nous ne développons pas en punissant la motivation interne mais l’obéissance à la personne qui a le pouvoir. Mais j’ai des raisons de ne pas vouloir d’enfant obéissant, et je ne veux pas leur donner ce modèle de l’usage du pouvoir positionnel. Voilà pourquoi la punition n’existe plus chez nous. Ce qui nous amène donc à la dernière question de cet article, celle que vous attendiez avec impatience :

Sans punition, comment faire ?

D’abord, commençons par discuter du problème. Car parler vaut mieux qu’une punition ! Cherchons à comprendre ce qu’il s’est passé, en leur accordant le bénéfice du doute. Nous aiderons ainsi nos enfants à avancer, en leur enseignant la valeur de l’erreur, opportunité d’apprentissage (comme nous l’avions évoqué quand nous avons exposé les principes adlériens, fondateurs de la discipline positive). Ensuite, si la situation se répète, nous entrerons avec lui dans une démarche de recherche de solution. Vous en trouverez la description dans le chapitre 4 de Parler aux ados pour qu’ils écoutent, les écouter pour qu’ils parlent, et son application ne se limite absolument pas aux ados. (Voici d’ailleurs des exemples qui vous inspireront peut-être : avec Léon, 3 ans, qui nous réveillait le matin avec Léon et Anatole, 5 et 3 ans, pour savoir qui aurait le premier câlin avec les enfants de mon amie, 11 et 5 ans, qui sautaient sur le trampoline) Enfin, si la recherche de solution ne donne rien, ne fonctionne pas (ou pas encore), on pourra penser à mettre les enfants face à leurs responsabilités en imposant des conséquences. Pas des punitions, des conséquences.
Vous voulez, vous aussi, apprendre ces alternatives ? 👉🏻 Inscrivez-vous à la formation « Sortir des punitions »
Ainsi, nous éloignant enfin de cette VEO (Violence Educative Ordinaire) qu’est la punition, nous entrerons enfin dans une relation plus respectueuse avec notre enfant, (le respect ne sera plus une notion toute relative), et nous lui passerons le message que nous sommes dans son équipe. Que nous sommes son guide pour l’aider à grandir, et à se développer, comme une personne responsable, et capable de trouver sa propre motivation. Ayons confiance.

Parentalité positive, parentalité bienveillante… j’ai récemment découvert “parentalité consciente”.
Le terme n’est en effet pas mal choisi : il s’agit d’être conscient de l’effet de nos choix éducatifs. A long terme.

Parce que, comme le dit Thomas Gordon, il n’y a pas doute : nous avons une influence sur nos enfants. A nous de choisir si elle sera positive ou négative.
Ou du moins d’essayer de faire en sorte qu’elle ressemble le plus possible à ce que nous voudrions, parce que, quoiqu’on choisisse, on dérapera sûrement un peu, et c’est normal.

Quand je présente la parentalité positive à des gens qui ne savent pas de quoi il s’agit, je parle souvent de cette notion de long terme. De ce que nous pouvons chercher à développer chez nos enfants. Et surtout, surtout, de la différence entre le contrôle extérieur et le contrôle intérieur.

En effet, nous pouvons contrôler nos enfants, dans une certaine mesure.
Nous pouvons surveiller (en partie) ce qu’il font, nous pouvons imposer des règles, et mettre des punitions en place s’ils ne les respectent pas. Mais cela reste du contrôle extérieur.

Thomas Gordon prend l’exemple d’une salle de classe, dans laquelle le professeur est très autoritaire. Il a un “bon” contrôle sur ses élèves.
Cependant, qu’arrive-t-il dès qu’il quitte la salle de classe ?
…. Peu de chance que le calme persiste longtemps… On l’a tous vécu !

Finalement, ce contrôle extérieur a-t-il vraiment enseigné quelque chose à ces enfants ? Oui, sûrement : qu’il faut adapter son comportement aux moments où l’on peut se faire attraper !

Mais que voulons-nous à plus long terme ? Qu’ils répondent à cette forme de contrôle extérieur, ou qu’ils développent des facultés d’auto-contrôle qui leur permettront de choisir un comportement adéquat, que quelqu’un soit là pour les surveiller ou pas ?

Ce raisonnement peut s’appliquer à toutes les choses de la vie que nous cherchons à enseigner à nos enfants, en tenant compte bien sûr de leurs étapes d’apprentissage.

Ainsi, la mère qui continue à rappeler à son fils de 13 ans de se brosser les dents tous les soirs reste dans le contrôle extérieur… (et un contrôle usant de surcroît !) : certes, son fils se brossera les dents -mal- tous les soirs qu’il passera chez lui, mais que se passera-t-il les soirs où il n’y sera pas ?

Dans une démarche de parentalité positive, on responsabilisera l’enfant, on lui enseignera les conséquences du non brossage des dents, on l’encouragera à en parler au dentiste, on lui fera confiance pour y penser seul tout en l’accompagnant avant que cela devienne un réflexe.

Les soirs où mon fils de 5 ans, qui a atteint depuis quelques mois l’étape où je n’ai plus besoin de le lui indiquer, me demande de ne pas se brosser les dents parce qu’il est très fatigué, je n’entre pas dans une dynamique dans laquelle j’ordonne et il obéit. Je commence plutôt par valider ses sentiments : « Je vois que tu es très fatigué… Tu as juste envie d’aller au lit sans avoir à te brosser les dents ! » Puis j’explique, de sorte à l’amener à comprendre seul : « Je crois cependant que tu as mangé un bout de chocolat chez nos amis avant de partir, ce qui veut dire qu’il y a du sucre dans tes dents, et que, si tu ne te brosses pas les dents avant de te coucher, les bactéries vont pouvoir agir toute la nuit et abimer l’émail… », et tout en lui expliquant cela, je le guide doucement vers la salle de bain, où il se brosse alors les dents, tout fatigué qu’il est.

Pensons bien à ce que nous cherchons à développer chez nos enfants.

Pensons long terme.

Soyons conscients.

Et abandonnons le contrôle extérieur pour se focaliser sur leur contrôle intérieur. Pour les aider à grandir et à se prendre en charge, par eux-mêmes, et pour eux-mêmes !

Quand j’ai commencé à cheminer vers la parentalité positive, je ne pensais pas me heurter autant à ces questions autour du pouvoir.

Ce n’est effectivement pas le premier thème soulevé dans les livres.
Pourtant, on parle bien de luttes de pouvoir dans certaines phases d’affrontements avec nos enfants…

En fait, je crois que la première fois que j’ai mis le doigt dessus, c’était en lisant Arrête d’embêter ton frère, laisse ta soeur tranquille, d’Elizabeth Crary. Je me souviens avoir mis bien longtemps à résumer le chapitre 4 de ce livre, parce qu’en plus de la résolution de problème, elle y abordait ces questions de pouvoir.

Puis, j’en ai encore entendu parler dans ma formation en ligne de Positive Parenting Solutions, qui soulignait que le pouvoir participait au fait de se sentir important, l’une des nécessités de base de nos enfants (et de nous tous).

Depuis, cette question de pouvoir est souvent en toile de fond. Elle m’aide à mieux analyser et comprendre certaines attitudes et comportements, et c’est pourquoi je désirais y revenir plus précisément.

En fait, j’ai maintenant bien compris qu’il existe deux types de pouvoirs : le pouvoir positionnel, et le pouvoir personnel.

Le pouvoir positionnel, c’est celui qui découle de notre position : pouvoir du parent sur l’enfant, du maître sur l’élève, du patron sur l’employé…

Le pouvoir personnel, c’est celui que chacun a, y compris les enfants, et qu’on peut choisir ou non d’exercer.

Cette analyse du pouvoir et de la manière de l’utiliser est fondamentale, parce que c’est à présent ce qui pour moi explique le mieux le choix de la parentalité positive.

Il existe en effet différentes manières d’utiliser chacun de ces pouvoirs.

Dans une éducation autoritaire, le parent utilise son pouvoir positionnel en suivant le principe de la loi du plus fort. Comme il a le pouvoir, il peut imposer ce qu’il veut.
Or, rappelons-nous que les enfants apprennent énormément par l’exemple.
Ainsi, si nous nous comportons de manière autoritaire avec eux, nous leur enseignons indirectement deux choses :

  • qu’il est normal que celui qui a le pouvoir impose à l’autre
  • que celui qui n’a pas le pouvoir doit obéir

S’ils apprennent bien, ils pourront donc à leur tour :
imposer à l’autre lorsqu’ils se retrouveront en position de pouvoir (face à leur petit frère, ou à un copain plus timide)
suivre les instructions qui leur sont données par les copains plus influents… leur responsabilité n’étant alors même pas mise en question.

Il ne faudra donc plus s’étonner qu’ils malmènent ou se laissent malmener, puisqu’ils ne feront alors que reproduire le modèle que nous leur aurons donné.

A l’inverse, dans une éducation permissive, le parent abandonne tout pouvoir personnel, laissant l’enfant aux commandes.

Or, il n’est pas toujours facile de savoir comment exercer son pouvoir personnel, de savoir poser des limites, d’avoir suffisamment d’aplomb pour réclamer le respect de nos besoins.
Nos enfants ont besoin de nous voir faire pour apprendre eux-mêmes comment se comporter face à ceux qui piétineraient leurs plates-bandes. Ils ont besoin de voir comment exprimer leurs besoins avec respect, comment trouver des solutions qui permettent de prendre chacun en considération ; choses qu’ils n’apprendront pas avec un parent permissif.

Ainsi, savoir utiliser notre pouvoir personnel pour faire valoir nos limites, et notre pouvoir positionnel pour encourager la coopération sans imposer est un modèle pour nos enfants. C’est prendre conscience de notre influence à long terme.

Mais ce n’est pas facile.
En fait, c’est tout un art.
Celui de la parentalité positive.

Lorsque la colère nous emporte, nous perdons souvent nos moyens et disons des choses que nous regrettons ensuite.
Ainsi, si la fatigue est l’ennemi numéro 1 du parent positif, la colère en est clairement l’ennemi numéro 2 !

Heureusement, j’ai la solution :
il suffit de ne pas s’énerver !

Oui, je sais…

Je reprends. Voyons plutôt les choses avec réalisme.

Première partie : Quels sont les arguments qui vont nous permettre de moins nous énerver ?

1- Baisser le niveau de conflit en incluant les enfants dans l’établissement des règles.

Nous sommes toujours plus enclins à suivre des règles à l’établissement desquelles nous avons contribué, et il en est de même pour nos enfants.

En effet, si nous leur avons demandé de participer à la décision, c’est que nous avons écouté leur besoin, nous en avons tenu compte. La règle va donc mieux leur correspondre, et nous aurons dans la démarche répondu à leurs nécessités de base qui sont d’appartenir et d’avoir de l’importance.

2- Développer une plus grande tolérance face aux comportements inadéquats de nos enfants.

Mieux comprendre les étapes de développement de l’enfant nous permet de mieux les accepter. Oui, mon enfant a le droit d’être frustré. Non, il ne fait pas un caprice, il n’a pas encore appris à gérer ses émotions.

Savoir que le petit a parfois besoin du geste pour comprendre l’instruction, que le moyen aura besoin qu’on entende son sentiment, nous permettra de le considérer avec bienveillance. De mieux comprendre le message derrière le comportement.

Or, ce qui nous met en colère, c’est le décalage entre la façon dont on voudrait qu’ils se comportent et la réalité. Mieux on acceptera la réalité, plus il nous sera facile de rester patient. En poussant le raisonnement, comme le dit mon mari avec ironie : “Pour ne pas s’énerver, il suffit de n’avoir aucune attente !”  Il n’est évidemment pas question d’en arriver là, mais quand même de développer notre « fenêtre d’acceptation », dans une démarche de respect mutuel.

3- Changer de regard sur l’erreur.

Continuité claire du point précédent, apprendre à voir l’erreur comme une opportunité plutôt qu’un échec nous permettra également d’adopter une autre approche face à certains comportements irritants. Nous en avions en effet parlé lorsque nous avions expliqué la différence entre punition et conséquence : n’oublions pas que nous sommes tous imparfaits, et que nous avons le droit à l’erreur ! Nos enfants sont encore plus que nous sans cesse dans l’apprentissage, et vont commettre des erreurs. C’est ainsi qu’on apprend.

4- Eviter de parler, ou de parler trop.

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais de mon côté, c’est très clair : plus je parle, plus je risque de déborder…
C’est pourquoi j’essaye d’économiser mes mots.
Soit en m’en passant complètement, et en passant à l’écrit, cela fonctionne plutôt bien avec mon ado.
Soit en me limitant, usant de la méthode de Faber et Mazlish d’un mot pour obtenir la coopération. Ca permet d’économiser beaucoup d’énergie !
Soit en suivant les directives de mon garde-fou, mon mari, qui connait mon problème, et me chuchote parfois :  “trop long”, quand je dérive. – une remarque par rapport à cette dernière technique : si je suis déjà partiellement noyée, ça ne marche pas plus que les autres, et ça peut faire dévier ma colère sur lui… Oups… peut-être mieux que rien ?

5- Marquer un temps de pause.

Dernière étape avant le point de non retour : lorsque nous sentons l’agacement monter en nous, nous pouvons tenter d’endiguer le flot.
Pour cela, encore faut-il savoir s’écouter… Ce qui n’est pas évident, puisqu’on ne nous l’a pas appris, mais je suis persuadée que nous pouvons le développer. En tout cas, je travaille dessus, petit pas à petit pas.
Ainsi, il arrive que nous sentions qu’il est temps de se retirer de la situation.

Plusieurs méthodes sont alors possibles :
On peut s’en aller. Vraiment. Physiquement. Aller dans une autre pièce, le temps que la tension redescende.
On peut se retirer simplement de la conversation : “En fait, je ne suis pas capable d’en parler maintenant. Il faut que je me calme, on reprendra cette conversation à un autre moment.”
On peut juste faire une pause. Un peu de silence, une bonne grosse respiration. (“Maman, tu fais des efforts ?” me demande alors Anatole, 3 ans.) Ecouter les bruits autour… Objectif : faire baisser le niveau émotionnel avant de réagir.

6- Avoir un rappel visuel.

Au début, quand on décide qu’on va moins s’énerver, moins crier, on est vite rattrapé par les vieilles habitudes. C’est une étape pendant laquelle il peut être utile d’avoir un rappel visuel. Chez nous, c’est une main à 6 doigts qui m’a permis de trouver ce chemin. Une main affichée dans le salon, visible de tous, et sur laquelle j’allais poser ma propre main pour faire mon temps de pause.

Certains mettent ces rappels à plusieurs endroits, pourquoi pas les endroits clefs (la porte de la maison, devant laquelle on s’énerve que les enfants ne soient pas encore prêts à partir pour l’école, la salle de bain, que sais-je..?). Ca peut être gros pour être bien visible, ça peut être juste un petit rond qui nous rappelle de respirer.

Chacun son cadre.

Ainsi, appliquant toutes ces méthodes, nous aurons normalement réussi à faire notablement baisser le niveau de stress dans la maison, et de ce fait la fréquence de nos colères. C’est déjà une réussite à savourer. Une réussite qui nous prouve que nous sommes sur le bon chemin, et que nous en sommes capables. Et nous allons encore avancer.


Vous avez l’impression de trop crier ?

Voir l’atelier « Des clefs pour arrêter de crier » vous permettra de sortir de cette situation !


Deuxième partie : la colère viendra quand même !

Cependant, il est probable que cette colère reviendra quand même. Et c’est normal. Parce que nous sommes humains, et que la colère fait partie des émotions données à l’humain. Comme toutes les émotions, elle a sa fonction. Elle nous encourage à poser nos limites, à faire valoir ce que nous sommes.

Ces limites variant d’une personne à l’autre, certaines seront certainement douées de plus de patience que d’autres. Je fais plutôt partie de celles qui n’en ont pas tellement, et celle-ci est encore régulièrement mise à l’épreuve, quand les petits inondent la salle de bain, ou que mon ado ne supporte pas qu’on lui parle normalement… Et donc, oui, parfois, c’est comme une vague, la colère arrive, et je me retrouve submergée !

Je vous rappelle que nos sentiments aussi sont bien réels. Il est inutile de nier notre colère…

En revanche, l’astuce consiste, en théorie, à exprimer sa colère sans attaquer le caractère de l’enfant.
“Sans attaquer le caractère de l’enfant”, ça veut dire sans l’insulter, sans le mépriser, sans le diminuer… et pour cela, rien de tel que le message “Je”. C’est à dire parler de nous. De ce que nous ressentons, sans accuser l’autre.

Prendre la responsabilité de nos sentiments, en lien avec nos besoins.

Voyez plutôt… Sentez-vous la différence entre :
« Vous faites trop de bruit, je n’en peux plus ! » et « J’ai besoin de silence pour travailler. »
« Tu as encore tapé ton frère ?? Combien de fois faudra-t-il te le dire ? » et « Je suis furieuse quand je vois un enfant qui en tape un autre !! »
« Tu peux arrêter de m’agresser ? » et « Je n’aime pas qu’on me parle agressivement. »

Le message de fond est le même, et je sais, je sais, que parfois, on a juste envie de le dire sans prendre de gants parce que justement on est en colère, et que, mince, c’est pas juste ! mais face à un message qui attaque, l’autre se mettra systématiquement en position de défense, et on ne risque pas de résoudre les choses. Plutôt de les aggraver…

Nous sommes ici aux frontières avec la CNV (Communication Non Violente), et je me réjouis de suivre une formation spécifique sur ce thème l’été prochain ! Je suis persuadée que cela m’aidera à mieux transmettre mon message…

Alors, soyons l’adulte, et apprenons (petit à petit, avec bienveillance envers nous-même également) comment exprimer notre colère sans accuser !

Ainsi, nous leur donnerons en même temps l’illustration de ce que nous leur disons régulièrement : que les sentiments sont autorisés, les actes pas toujours !

Nous leur disons : « Tu as le droit d’être en colère, mais pas de taper ton frère. Il faut apprendre à exprimer ta colère avec des mots. ». Nous nous dirions peut-être : « Tu as le droit d’être en colère, il faut apprendre à l’exprimer en gardant une attitude respectueuse… »
(Pour plus d’inspiration sur des manières d’exprimer sa colère, vous pouvez consulter le chapitre à ce sujet de Parents épanouis, enfants épanouis)

Bonne chance !!