L’enfant qui tape… Voilà un des comportements les moins facilement acceptés par la société. Et pourtant, c’est un comportement qui se présente très fréquemment. Ce n’est pas du tout anormal de voir un enfant, même tout-petit, adopter un comportement agressif. Pourquoi l’enfant tape-t-il ? Comment y réagir ? Comment l’aider à évoluer dans sa maturité et à réagir autrement ? Autant de questions auquel cet article cherche à répondre.
(Au passage : je m’interroge sur cette société qui considère qu’un enfant qui tape se comporte mal, mais trouve au contraire normal qu’un parent tape son enfant pour lui apprendre à bien se comporter…
Cette contradiction est évidemment à noter dans les bonnes raisons de ne pas taper son enfant.)
Commençons déjà par nous interroger sur les causes. Il est toujours plus efficace de chercher la raison derrière le comportement que de s’adresser seulement au comportement lui-même, c’est à dire à la manifestation extérieure du problème.
Pourquoi tape-t-il ?
En général, quand on en arrive à frapper, c’est qu’on se sent démuni. Frapper, pour un enfant – comme pour un adulte – est un aveu d’impuissance. Celui qui frappe croit qu’il n’a plus d’autre solution !
Plus l’enfant est jeune, moins il a eu le temps de développer des solutions alternatives. Logiquement, un enfant de 2 ans est encore en recherche d’options.
Il est donc assez logique pour lui de taper celui qui l’agresse (en tout cas selon son ressenti), c’est sa manière de se défendre.
Et voilà comment son parent se retrouve sur internet à taper « mon fils de 2 ans tape tout le monde »… à la recherche de solutions !
C’est en grandissant que l’enfant va développer d’autres solutions, moins violentes, et nous pouvons l’y aider.
Et cela prend plus ou moins de temps en fonction des enfants. Certains (surtout s’ils sont hypersensibles) tapent encore à 6 ou 7 ans. Rien d’inquiétant, mais ça vaut la peine de l’accompagner.
Le cerveau de l’enfant est encore en développement. Il apprend énormément, et a des capacités que nous, adultes, n’avons plus. A l’inverse, certains de ses circuits ne sont pas encore complètement mûrs. En particulier, toute la partie de gestion des émotions et des sentiments. Voilà pourquoi un jeune enfant peut se jeter par terre pour hurler et taper des pieds quand il fait face à une trop grande frustration !
Si nous ne faisons jamais ça au bureau, c’est bien sûr parce que nous avons enregistré certaines règles sociales, mais pas seulement ! Nous avons aussi une capacité à processer nos émotions que l’enfant n’a pas encore. Cette partie du cerveau ne sera complètement développée qu’à 25 ans…
Il revient donc au parent d’accompagner l’enfant dans son vécu de l’émotion.
Pour cela, un outil central : recevoir l’émotion en question !
Il est difficile de vivre sa colère, mais si en plus, la personne qui nous fait face nous commente : « Arrête de t’énerver ! », on va plutôt exploser ! Face à un enfant en colère, on commentera donc plutôt : « Tu sembles très énervé ! ». Le simple fait de voir que l’émotion est perçue par l’entourage aidera à calmer l’enfant.
Si, comme dans le cas qui nous intéresse, l’enfant va jusqu’à en taper un autre (ou un parent), on peut également constater cela : « Tu es tellement énervé que tu n’as pu t’empêcher de me taper ! ». Ce n’est pas la peine de le nier, c’est un fait. On l’observe, c’est tout. Ca ne veut pas dire qu’on est d’accord. On va au contraire passer le message à l’enfant que les émotions sont toutes permises, mais que les actes ne le sont pas. Parce qu’il reste vrai que taper l’autre est inadmissible. On peut donc exprimé notre mécontentement, avec fermeté, et bienveillance à la fois : « Je vois que tu es très énervé ! En même temps, je ne peux pas te laisser taper ton frère. Il va falloir trouver d’autres façons d’exprimer ta colère ! »
Le modèle
Un enfant reproduit ce qu’il observe. Donc, plus l’enfant verra autour de lui des adultes qui tapent, plus il tapera lui-même. Comme nous le disions en début d’article, si nous voulons que notre enfant apprenne à ne pas taper, le premier principe à suivre sera évidemment de ne pas le taper !! Jamais. C’est aussi simple que cela. C’est aussi inadmissible que le fait qu’il frappe ou morde quelqu’un. Si nous voulons lui enseigner le respect des autres, nous devrons lui montre comment cela se vit, verbalement, même lorsque nous perdons patience.
Et si nous sommes à court d’alternatives, passons le temps qu’il faudra à développer d’autres compétences, nous gagnerons bien plus de temps à long terme qu’en entrant dans un rapport de force ou une lutte de pouvoir qui va encourager sa rébellion.
Le temps de pause
L’outil le plus essentiel pour éviter d’exprimer sa colère de telle façon, c’est de prendre un temps de pause.
Là encore, cette méthode est valable autant pour les enfants que pour les parents.
Un temps de pause, cela signifie qu’il faut s’extraire un moment de la situation.
Attention cependant : nous ne sommes pas dans le schéma de l’isolement « pour y réfléchir ». Car, en étant submergé par la colère, on n’est pas capable de réfléchir !! Le vocabulaire utilisé, le ton, notre présentation des choses enfin, fera toute la différence.
Le message : « Je vois que tu es trop énervé pour pouvoir parler pour l’instant. Je te propose de prendre un temps de pause, pour laisser la colère retomber. »
L’idée est qu’il prenne le temps de se reconnecter à lui-même. Alors seulement, il sera possible de parler de la situation.
L’idéal serait de pouvoir l’y aider, l’accompagner dans cette démarche. Surtout pour les plus jeunes.
Cependant, ce n’est pas toujours facile. Je suppose que cela dépend également du parent. De mon côté, je sais que je ne suis pas capable de faire face trop longtemps à une tempête émotionnelle : si je prends trop sur moi pour cela, je serai tellement tendue que c’est ensuite moi qui me mettrai à crier, ce qui n’est pas souhaitable non plus !! Alors, je m’écoute. Lorsque je suis sereine, je reçois et j’écoute tout en continuant à parler doucement. Parfois, je fais appel à l’image de la coupe pour recevoir les pleurs de l’enfant, qui me permet de m’en détacher.
Et puis, lorsque je sens que je ne le peux pas, que je dois également prendre soin de moi pour pouvoir prendre soin des enfants, je fais le choix de laisser le temps à l’enfant de son côté. « Je comprends que tu aies besoin de temps. Tu peux aller pleurer dans ta chambre, si tu veux. »
Jane Nelsen (auteur de la discipline positive) suggère même la création d’un endroit spécial pour le retour au bien être. Cet endroit peut avoir été conçu avec l’adulte en dehors d’un moment de colère. L’enfant peut alors décider d’y mettre un coussin, un livre, ce qu’il veut pour l’aider à se sentir mieux.
Cette méthode est également à utiliser lorsque les enfants se tapent entre eux. Bien sûr, il faudra intervenir, et poser un cadre solide. Mais pour commencer, il vaut mieux les séparer.
Là encore, l’intonation joue un rôle clef. Nous ne choisirons pas de les séparer avec des mots associés à la punition tels que « Chacun dans sa chambre ! Et vous n’en sortez pas avant que je vous le dise ! », mais plutôt : « Je vois deux enfants très énervés, et je crois que vous avez besoin d’un temps de pause. »
Prévenir plutôt que guérir
Autant lorsque l’enfant est sous le coup de la colère, il est impossible de l’atteindre, autant en parler avec lui pendant un moment calme sera une bonne idée.
Plus nous parlerons avec l’enfant de ce que sont les émotions, mieux il pourra les comprendre et les contrôler. Il ne les maîtrisera pas forcément, et ce n’est pas ce que l’on cherche, mais il réagira différemment à son mécontentement.
Donnons-lui le vocabulaire qui convient pour qu’il puisse communiquer ce qu’il ressent, et cherchons des options avec lui : « Ecoute, je vois que tu as encore du mal parfois à exprimer ta colère autrement qu’en frappant. Est-ce que tu voudrais qu’on réfléchisse ensemble à d’autres façons de réagir ? »
Et les autres façons de réagir ne manquent pas :
respirer, dessiner sa colère, s’isoler (dans un coin de retour au calme conçu pour, comme évoqué précédemment, c’est encore mieux !), compter jusqu’à 10, courir autour de la table, aller crier dans le jardin…
Une bonne manière d’exposer ces alternatives peut être de construire avec l’enfant une roue des options !
Lorsque l’enfant tape, développer son empathie
Je me joins à Jane Nelsen pour dire que chaque erreur est une opportunité d’apprentissage.
Lorsque l’enfant tape, il fait une erreur. Ne lui tombons pas tout de suite dessus, il a besoin d’apprendre.
Que va-t-il apprendre cette fois ? L’empathie !
Lorsqu’il sera en mesure de nous écouter (inutile, je le répète, d’essayer de lui parler tant qu’il est sous le coup de la colère), nous pourrons l’encourager à essayer de se mettre à la place de l’autre : « Je crois que tu as fait mal à ton copain. As-tu vu qu’il s’est mis à pleurer ? Sais-tu pourquoi ? »
Un exemple incroyable d’accompagnement de l’enfant vers l’empathie après un épisode où un enfant tape l’autre : celui du blog Happynaiss avec ses filles.
Lorsque j’ai un épisode de geste violent entre mes plus jeunes, j’en profite pour leur parler de nos valeurs familiales. Je leur explique que dans notre famille, nous aspirons à nous sentir en sécurité. En général, ils sont d’accord sur l’idée ! Et c’est déjà un vrai pas en avant. Cela m’encourage à avoir confiance. Confiance dans le fait qu’en grandissant, ils sauront réagir différemment. Ils sont en train d’apprendre la sociabilisation, et ce n’est pas une mince affaire…
Et si l’enfant nous tape ? Poser nos limites.
Si l’enfant nous tape, c’est encore une opportunité ! L’opportunité de lui donner l’exemple de ce que l’on peut faire lorsque quelqu’un nous tape. Parce que l’enfant apprend par l’exemple, notre façon de réagir l’inspirera le jour où cela lui arrivera. Cela peut nous aider à décider comment nous réagirons face à lui, conscients de l’exemple que nous sommes en train de lui donner.
Pour cela, prenons le temps d’y réfléchir : imaginons qu’un camarade lui donne des coups. Comment voudrait-on qu’il réagisse ? C’est probablement de là qu’il faut partir pour décider comment nous réagirons face à lui.
Je ne sais pas quelle sera votre réponse face à cette question. Chacun la sienne.
De mon côté, je n’ai pas envie qu’il réagisse en rendant les coups (à son petit frère qui n’aura pas encore appris à se contrôler par exemple), ni pour autant qu’il accepte juste de recevoir des coups.
Non, je voudrais qu’il sache poser ses limites, et communiquer le fait qu’il n’est pas d’accord.
Alors, c’est ce que je vais faire.
Je ne le laisse pas me taper, et je le lui dis clairement et fermement : « Je sais que c’est difficile pour toi. En même temps, je refuse de me laisser frapper.« .
Ainsi, je reçois sa colère, je ne l’humilie pas, je suis juste ferme sur ma position. Et si cela ne suffit pas, j’agirai, en m’éloignant, et en restant hors de portée.
Après l’épisode, et pour que ce soit clair, j’en parlerai avec mon enfant.
Je chercherai d’abord à « prévenir plutôt que guérir », comme évoqué plus haut : « Je vois que parfois, tu es tellement énervé que tu as envie de me taper. Tu as le droit d’être d’énervé, mais pas de me frapper. On peut chercher ensemble d’autres moyens d’exprimer ta colère si tu veux. ». Si cela est trop fréquent, je le préviendrai également de la conséquence dans le cas où il n’y parviendrait pas : « Si à un moment où tu n’y arrives pas, tu recommences à me frapper, je changerai de pièce. Je serai ravi(e) de revenir te parler et t’écouter si tu le veux lorsque tu seras prêt à communiquer avec moi sans me taper. »
Ainsi, si cela recommence, effectivement changer de pièce, simplement. Sans trop commenter.
Soit en disant juste : « Tu es énervé. Je ne veux pas me laisser taper. », soit même en ne disant rien, puisqu’il le sait déjà. S’en aller, simplement.
S’il se calme et revient, parfait.
S’il hurle, à nous de revenir au bout d’une minute, et demander : « Je voudrais bien t’aider. Es-tu prêt à ne plus me frapper ? » Simplement.
Parce que c’est bien ce que je voudrais que mon enfant fasse si quelqu’un le tape. Qu’il s’en aille. Pas qu’il se laisse taper. Je lui donne ainsi le modèle de comment poser ses limites physiques. Je me respecte moi-même et lui montre comment faire.
La courbe d’apprentissage
Dans cet apprentissage, comme pour n’importe lequel, le temps est clef. Rome ne s’est pas faite en un jour.
Chez nous, à un moment, on répétait : « on ne tape pas, on ne pousse pas, on exprime sa colère avec des mots ». Parce que mon 3e tapait régulièrement mon 4e.
En théorie, ma priorité était claire : je voulais qu’il apprenne à s’exprimer. Que sa colère ne soit plus communiquée par des gestes, mais verbalement, par des mots. Et, en même temps, je ne voulais pas non plus qu’il crie ! Puis j’ai compris qu’il fallait laisser le temps de l’apprentissage, alors j’ai accepté les cris. Parce qu’il valait mieux qu’il crie plutôt qu’il tape..
Parfois, il faut savoir gérer les priorités, ne pas s’attaquer à tout à la fois.
Et sur son chemin, l’enfant a également besoin de se construire. De construire une image de lui-même selon laquelle il est capable de réagir sans taper. Alors, plutôt que d’insister sur le fait de ne pas taper lorsque cela lui arrive, remarquons plutôt les moments où cela se passe bien.
Ainsi, dans cette période évoquée ci-dessus, je notais : « Dis donc, je t’ai entendu crier, tu étais très enervé !! Et tu as réussi à le dire sans frapper. » Pas besoin de compliment, rien que le fait que vous l’ayez noté suffit ! Ca aide l’enfant à changer l’image qu’il a de lui-même. Parce que si on passe trop de temps à lui dire tout ce qui ne va pas, il ne voit plus qu’il sait faire autrement.
Plus tard, on a travaillé sur les cris…
La clef donc : ne pas se désespérer, persévérer, et surtout, surtout, avoir confiance. Votre enfant apprendra. C’est certain.
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