Je crois très fort au fait que la paix, ça s’apprend. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que si je ne crois pas ça, alors je perds l’espoir, qui est source de toute piste de progrès ! Mais surtout parce que je le vis au quotidien.
Depuis des années maintenant que j’avance sur le chemin de la parentalité positive, je vis et je vois une évolution chez moi, chez mes enfants, vers une écoute de l’autre et une gestion des conflits qui n’a rien à voir avec celle qu’elle était.

Cette semaine, j’ai encore une fois eu l’occasion de vivre un épisode qui m’a confirmé cette croyance aidante. Je vous raconte…

Une dispute qui dégénère


Vendredi dernier, j’ai vu deux petits garçons se disputer. Ils avaient seulement 6 ans.
La situation avait tellement dégénéré que ces garçons en étaient à se jeter des cailloux à la tête !

Mais bon sang… que se passe-t-il dans notre monde pour que ça puisse se passer comme ça ??

Mon intervention

Quand j’ai vu ça, j’ai immédiatement interrompu les choses d’un « STOP ! » sonore.
Un garçon a fui. L’autre, que je connaissais, s’est éloigné de moi. Tandis que je le suivais, il cherchait à m’échapper. Visiblement, il avait peur que je lui fasse des reproches, bien conscient que lancer des cailloux n’était pas vu d’un bon oeil.
Mais je me suis approchée doucement, et lui ai dit calmement : « Attends, je ne vais pas te gronder. » Il m’a donc laissée m’approcher.

Je me suis mise à sa hauteur, et lui ai dit :
« Dis donc, tu devais être sacrément énervé pour en venir à lancer des cailloux !
– ouuiii,
me répond-il, les larmes aux yeux
– il s’est passé quelque chose ?
– ouuuii
– tu veux m’en parler ?
– il m’a jeté des cailloux !! J’en ai reçu un, là !! »

J’ai pu l’écouter, entendre comme c’était désagréable, et, on a ensuite pu échanger sur le fait que lancer des cailloux en retour ne ferait probablement qu’aggraver la situation.
Cet enfant m’a écoutée parce que j’ai fait le premier pas.

S’il s’est comporté ainsi face à l’autre garçon, c’est parce que, sur le coup, aucune autre alternative ne lui est apparue.
Ensemble, on a pu y réfléchir, et en trouver.

Ma réflexion

Je ne peux pas dire comment il réagira si une telle situation se reproduit, mais je sais que la probabilité est plus forte qu’il évite de jeter des cailloux maintenant qu’on a discuté d’autres stratégies que si je m’étais contentée de lui reprocher son comportement.

Cependant, son attitude, lorsque j’ai voulu lui parler, démontre bien une chose : c’est qu’il s’attendait à la leçon de morale. (et qu’il n’en avait pas besoin !).
Ce qui prouve que c’est la réaction classique des adultes qui l’entourent.
Je ne suis pas surprise… ça aurait aussi été la mienne il y a quelques années.

Parce que, tous autant que nous sommes, nous reproduisons ce que nous connaissons.
Nous n’avons pas appris à faire autrement.

Pourtant…

Il est possible de changer les choses

Oui, il est possible d’enseigner à nos enfants à

  • entendre et laisser passer la vague de l’émotion
  • chercher différentes idées pour faire face à une situation qui leur déplait
  • choisir celle qui convient le mieux

Je vous montre exactement comment dans la formation « En finir avec les disputes dans la fratrie ».

Est-ce facile ? Pas toujours…
Cela demande-t-il du temps, de l’énergie ? Oui, un peu, comme tout apprentissage !
Cela en vaut-il la peine ? Franchement… ai-je besoin de répondre à cette question ?

La paix, ça s’apprend

En fait, soyons clair : La paix, ça s’apprend. Comme les maths ou le foot.
Et là, ce n’est pas moi qui le dis : c’est Thomas d’Ansembourg.
(Une célébrité dans le monde de la communication non violente francophone, dont je suis complètement fan !)

Il soulève même cette réflexion – et je dois dire que j’ai la même :

« Qu’est-ce qui fait que pour des choses très agréables -comme conduire une voiture, parler une autre langue, pratiquer un sport- mais pas fondamentales pour bien vivre, nous sommes prêts à faire des apprentissages rigoureux, déterminés, engagés, avec des efforts, en acceptant que ça ne tombe pas du ciel… et pour la paix, la paix avec soi, toutes les parties de soi, la paix avec l’autre, toutes les parties de l’autre, la paix avec la vie ; on attend que ça tombe du ciel, sans faire le moindre effort… c’est surprenant, non ? »

« Les enfants n’ont point d’affaires plus sérieuses que leurs jeux. » Michel de Montaigne

(article rédigé par Emilie) 

La parentalité ludique est tellement complémentaire de la parentalité positive qu’on pourrait dire qu’elle en est l’une des facettes. 

Elle utilise le jeu et l’humour pour répondre à de très nombreux objectifs du parent positif :  la connexion, le remplissage du réservoir, la validation des sentiments, la coopération, la diminution des conflits …  

Le premier soir où j’ai assisté à une soirée de formation sur la parentalité ludique dans le cercle des parents heureux , j’étais tellement enthousiaste, que j’avais envie d’aller réveiller mes enfants pour tester et partager avec eux ! 

Je remercie d’ailleurs énormément, Gwen , du blog petit bou(t) par petit bou(t) pour cette soirée riche d’enseignements et de bonne humeur ! 

Je vais essayer de vous montrer dans cet article à quel point le jeu c’est du sérieux …et  j’espère  titiller votre plaisir et votre créativité pour vous donner l’envie d’essayer et d’adopter la parentalité ludique 

DES 1001 RAISONS DE PRATIQUER LA PARENTALITÉ LUDIQUE…. 

On a dit sérieux hein !? 

Nous allons donc balayer ici les différents fondements théoriques du parentage ludique. 

Du plus évident ….

a. Jouer et rire ensemble mettent de la bonne humeur et de la légèreté dans notre quotidien, aussi bien pour les enfants que pour nous-même.  Mettre de la joie peut changer la dynamique en nous mettant dans une belle énergie face aux aléas de la vie. 

b. Puisqu’il y a plus de complicité, la connexion est meilleure et donc la qualité de la relation l’est nécessairement aussi. Cela est précieux à tout âge, mais encore plus à l’adolescence, quand le besoin d’appartenir à la bande de copains prend le pas sur l’appartenance à la famille. 

c. Dans une atmosphère détendue et connectée on obtient plus facilement la coopération, diminuant ainsi de nombreux moments de tension. 

d. C’est un moyen de recharger notre réservoir et celui de nos enfants  . On sait comme ce sont des éléments clés pour se sentir bien en famille. Gros bonus : pouvoir le faire simultanément est vraiment précieux dans nos vies à 100 à l’heure ! 

e. Pour l’enfant tout est jeu, ça tombe bien quand on sait qu’il apprend par le jeu ! C’est prouvé scientifiquement on apprend mieux dans la jubilation que dans la douleur. 

…. Au plus subtil.

f. Grâce au jeu et à l’humour on montre comment rendre agréables des moments rébarbatifs de la vie, transmettant ainsi le goût de l’effort.  Cela peut paraitre contre-intuitif et pourtant quand il faut faire quelque chose et qu’on n’en a pas très envie, autant rendre ça plus plaisant : moins de découragement, plus de petits et grands projets aboutis ! 

g. Le jeu permet à l’enfant d’exercer son pouvoir personnel, un de ses 2 besoins fondamentaux. Il n’a alors plus d’intérêt  à le faire en s’opposant à nous.

h. Il permet de préparer en amont des situations délicates (hospitalisation, déménagement …)

i. Il a même un pouvoir guérisseur.  Parfois on engramme un traumatisme, c’est-à-dire un souvenir que le cerveau n’arrive pas à traiter et qui reste donc à vif. En le rejouant on oblige le cerveau à l’assimiler pour qu’il ne vienne plus nous tarauder. 

j. Grâce au jeu on va pouvoir accompagner des enfants à sortir de leur « rôle » et abandonner leurs étiquettes

k. On pourra parfois libérer des blocages et dénouer des situations complexes et engluées, aussi bien chez les plus jeunes que chez les adolescents. 

l. Il sera possible de renouer le contact physique, donner de l’attachement et de la sécurité, sans trop en avoir l’air. 

m. On favorisera ou restaurera l’estime de soi en perdant lamentablement, au profit des enfants qui sont suffisamment en position d’infériorité dans la vie de tous les jours.

n. On peut améliorer la relation dans la fratrie, construire la complicité et l’esprit d’équipe en laissant les enfants s’opposer ensemble contre nous. 

o. Dans la même veine, si l’on sent que le jeu se tend pour des histoires d’égo, on peut y prendre part en prenant la place du nul/clown : la bonne humeur revient, les estimes de chacun sont préservées. 

p. Bon je ne suis pas allée jusqu’à Z mais quand même , ça fait un bon nombre de raisons de tester vous ne trouvez pas ?! 

MISE EN PLAISIR …euh pardon MISE EN PRATIQUE et CAS CONCRETS DE LA PARENTALITÉ LUDIQUE 

Place maintenant aux différents types de jeu et d’humour et à leurs jubilatoires illustrations ! ☺ 

Les chansons et les jeux insolites

Tous deux sources de motivation pour se lever, ranger, aller à la douche, se brosser les dents… 

Les chansons peuvent, en plus, permettre de créer du lien en entrant dans le monde de votre ado, ou, à tous les âges, en transmettant une culture musicale. 

On peut laisser le choix de la chanson aux enfants, et qui dit choix dit pouvoir personnel.

On peut en inventer, en personnaliser et créer une proximité avec cet air rien qu’à nous.

C’est une belle journée, une si belle journée qui commence … ♬♩.

Aldebert : range ta piaule ! 

Les jeux insolites, eux, sont redoutables pour les transitions difficiles.  

On y va comme un éléphant, une fusée, un gorille,  en fermant les yeux, on demande à l’enfant de nous rejoindre en faisant une entrée spectaculaire, on met les chaussettes sur les mains …. 

Les défis

Pour faire vivre le plaisir de gagner et favoriser l’estime de soi, ou pour donner du rythme quand il en manque.  

Dans les deux cas on prend soin de rater, de rater ridiculement et lamentablement, on en fait des tonnes !  

L’exemple emblématique est celui de la course, mais aussi tous les jeux et défis pendant lesquels les enfants vont s’unir contre nous : jeux de société, cap de … ? 

  💣   Le défi se fait contre l’adulte pas entre enfants, pour ne pas stimuler la rivalité. 

Quand on prend le rôle du perdant et que les enfants peuvent lutter contre nous, ils n’ont plus besoin d’essayer de se défausser du rôle du nul sur une autre personne (le copain , le petit frère … ) 

Faire parler les objets

Un must,  qui marche aussi bien chez les plus jeunes que chez les grands. Le message est pérenne, l’humour aide à ancrer sans répéter ni harceler. Il enlève un poids à tout le monde ! 

On peut coller une affiche ou un post-it avec un message humoristique. 

On peut faire écrire un courrier de la part de l’objet et pourquoi pas le personnifier en lui donnant un nom ? C’est vrai ça ! Lucette la lunette des toilettes en a ras le bol de se faire arroser à tout va ! 

On peut prendre une voix insolite pour faire parler un objet : la serviette qui pleure parce qu’elle traine par terre toute mouillée, le sol qui éternue car il s’enrhume… 

Du vécu : C’est un peu la lutte pour avoir des toilettes propres quand on passe après mon plus jeune fils.

Un jour, j’ai collé cette affiche , que je me suis bien régalée à créer. On en a bien ri et l’effet est radical depuis. De temps en temps un petit rappel «  tu as checké gentleman ? » , ou un peu d’humour avec l’accent anglais et c’est réglé ! 

Les jeux de chahut et de contact physique

Ils permettent de libérer les tensions de la journée.

Ils sont aussi très puissants pour les enfants qui ont du mal à réclamer les câlins alors qu’ils en ont besoin. 

Avec les ados qui prennent leur distance c’est un moyen de cultiver un contact physique devenu plus difficile à instaurer. 

Pistolet à bisous , bataille de coussins, trappe-trappe , karaté chaussette (accroupi  essayer d’attraper les chaussettes de l’autre ), le jeu du géant ( les enfants tentent de faire tomber l’adulte qui joue le géant )  …

Encore une fois on prendra soin de perdre théâtralement et de laisser les enfants « se liguer »  contre nous !  

Après quelques jours de mise en place c’est une super méthode de reconnexion pour des soirées plus apaisées et plus fluides ! 

 💣   On peut craindre que l’excitation de ces jeux ne retombe pas. Cela procure tellement de plaisir aux enfants que ça pourrait être le cas. La solution c’est de le ritualiser :  5 minutes par jour avec des règles précises (on reste sur le lit, on tape seulement en dessous des épaules… ) . 

Si les enfants savent que c’est quotidien, ils seront rassurés sur le fait qu’ils auront leur dose et accepteront de s’arrêter. 

Les jeux de pouvoir

Laisser l’enfant exercer son pouvoir de manière non conflictuelle : 

L’enfant détermine les règles.  On peut en plus modéliser le fait que ce n’est pas facile pour nous de suivre des règles qui nous déplaisent (ça aidera quand ce sera son tour ) . 

Il est la locomotive du train, on est le robot qu’il guide ou la poupée molle dont il fait ce qu’il veut. 

Les jeux d’attachement 

C’est la mise en scène de l’amour par le jeu. On joue à expérimenter le plaisir de se séparer et de se retrouver. 

Chez les touts-petits c’est l’emblématique caché-coucou !  Avec les plus grands on joue à s’attraper et à des parties de cache-cache en milieu varié ! 

Les jeux inappropriés

Parfois l’enfant porte en lui une préoccupation qu’il ne parvient à exprimer que par une utilisation inappropriée du jeu (coller des gommettes de manière compulsive, décapiter les playmobils, jeter des objets par la fenêtre, casser, jouer frénétiquement aux jeux vidéos … )

Jouer avec lui  ( en dépassant notre malaise ) permet à l’enfant de lâcher sa préoccupation . Une fois que la pulsion d’agressivité est accueillie par l’adulte, l’enfant s’en libère.

Pour les ados qui sont souvent enfermés dans leur chambre à jouer aux jeux vidéo, et que l’on désespère de voir coopérer, il y a de très nombreux bénéfices à partager une partie avec eux de temps en temps.

Du vécu : Que ce soit pour évacuer de l’anxiété, exercer son pouvoir personnel ou attirer l’attention, qui n’a pas rencontré le problème des gros-mots intempestifs ? 

La parentalité ludique offre plusieurs solutions : dédier un lieu pour déverser les gros-mots, faire une fête aux gros mots où durant quelques minutes tout est permis, remplacé le gros mot par des mots insolites ( cucurbitacée , les gros mots du capitaine Haddock …).

Les jeux « thérapeutiques »

  1. On remet en scène des moments difficiles pour aider le mental à les digérer. 

On utilise les peluches, les légos ou playmobils, on théâtralise ensemble pour revivre l’opération, la séparation, une douleur … 

Tout en le guidant, on laisse l’enfant diriger le jeu , choisir une version exacte ou la modifier et répéter autant qu’il en a besoin. 

2. Même processus pour anticiper un moment délicat : un déménagement, une hospitalisation, ou bien comment il faudra se tenir au restaurant. 

On joue à imaginer des variantes : être un enfant horrible au restaurant ou au contraire le client d’un restaurant très « select » , être le docteur , être le malade…

On apprivoise la situation dans un contexte aimant et avec du rire. 

Les jeux pour expérimenter autrement

Par le jeu, on s’entraîne à adopter de nouveaux comportements, on sort de son rôle ou de son étiquette. 

En utilisant des situations imaginaires, l’enfant se met dans des rôles différents.

L’enfant timide va pouvoir faire un spectacle, le fragile sauver une personne en détresse, le gros dur s’adoucir en jouant le médecin, le brusque jouer les funambules ….

💣   Se laisser guider par l’enfant pour voir ce qu’il est prêt à expérimenter, sans le forcer. 

Les injonctions paradoxales

Le principe est de casser la résistance qui n’a alors plus de sens, tout en permettant à l’enfant d’aller à l’encontre de notre demande. 

La philosophie c’est de reconnaitre que chacun fait le meilleur choix pour lui à l’instant T.  

Plus on va essayer de le convaincre du contraire plus l’autre va s’accrocher à son idée. 

Au contraire si on admet que c’est le meilleur choix pour lui en ce moment, alors l’enfant peut prendre du recul sur ce choix et se demander s’il n’en aurait pas d’autres. 

Du vécu : Ca fait plusieurs fois que j’appelle les garçons pour faire les devoirs , rien n’y fait . Je leur dis « ok , je comprends , plus de devoirs , ça ne sert à rien de s’entrainer un peu de toute façon et puis ça prend du temps sur le jeu c’est embêtant…. » Dans les 10 minutes ils étaient au travail. 

Autre exemple : « je ne te donne qu’une règle surtout, surtout ne mets pas ton pyjama !!! »

Avec un ado, on m’a rapporté l’anecdote suivante :

L’enfant est décrocheur de l’école depuis plus de deux mois :  il se lève tard , ne se lave plus … 

Après avoir tout essayé la maman à bout d’argument tente un « ok j’imagine que tu as de bonnes raisons … ».  15 jours plus tard le jeune avait rangé sa chambre, s’était lavé , habillé et demandait du soutien pour être réadmis au lycée .

 💣   Attention au ton qui ne doit être ni moqueur ni ironique mais bienveillant pour que l’enfant entende que l’on reconnait sincèrement son choix.

Pour conclure, il est bon de se souvenir que chaque enfant sera sensible à un moyen ou à un autre. Leurs besoins vont changer en fonction du moment, du vécu de la journée et de l’âge.

On pourra mixer certaines pratiques, changer, bref faire preuve d’adaptation et de créativité. 

Pas toujours évident.

Comme tout, c’est un apprentissage qui se révèlera facile pour certains et demandera des efforts à d’autres. 

Il n’empêche, tout le monde peut s’approprier certaines de ces approches.  

Si vous avez envie d’aller plus loin je vous conseille la lecture des deux livres de référence dans le domaine : 

Surtout, surtout, je vous invite à expérimenter et à partager ce que vous mettez en place ! 

Déménager, c’est toujours stressant. Sur un plan logistique comme émotionnel. Un déménagement, c’est en effet un vrai chamboulement, qu’il soit choisi ou subi. Et quand on ajoute des enfants dans l’équation, cela s’avère encore plus délicat… Le déménagement pour l’enfant est toujours subi. En tant que parent, quelles précautions pouvons-nous prendre pour que nos enfants vivent au mieux ce déménagement ? Pour les accompagner dans cette période, alors que nous-mêmes sommes sous stress.

Faire les cartons, vider l’appartement ou la maison, vendre, donner, trier… plus tout l’administratif… Et encore, tout cela ne parle que de l’aspect pratique des choses. Que se passe-t-il au niveau émotionnel ? Et surtout : comment garder une ambiance familiale la plus sereine possible, dans ce chamboulement ? Pas facile ! Quel est l’impact du déménagement sur les enfants ?

Dans notre famille, des déménagements, on en a connu énormément. Cela ne rend pas les choses simples pour autant.. mais à force, on a appris quelques trucs. On a appris à prendre quelques précautions bien utiles lorsqu’on déménage avec des enfants. Alors que nous venons de vivre un n-ième changement de pays, j’ai pensé qu’il pourrait être utile de les partager avec vous !

Précaution no1 : Ecouter ce que nos enfants vivent

S’il n’y avait qu’un conseil à retenir, ce serait celui-là.

Si nos enfants ne font pas face au même stress logistique que le nôtre, ils n’en vivent pas moins un stress émotionnel.

Avant, pendant, et après le déménagement en tant que tel.

Il n’est pas simple de tout quitter, et le mieux que l’on puisse faire pour eux dans ces moments-là, c’est de les écouter. Simplement. Je vais encore vous parler d’accompagner les émotions. Accompagner les émotions quand il faut tout quitter.

Oui, parce que c’est bien ce qui leur arrive. Et ce n’est pas simple.

On ne va pas changer leur situation, on ne va pas trouver des solutions. Notre rôle est simplement d’être là, et d’entendre.

Entendre pourquoi ils ne veulent pas partir, ce qui va leur manquer. Ils ont le droit et le besoin de le partager, sans qu’on leur réponde « Mais tu vas voir, ça va être bien là-bas ! » (même si on va également les aider à se projeter, en choisissant nos moments, on en reparle plus bas…).

Le droit, ensuite, de dire qu’ils n’ont pas envie d’être dans ce nouvel endroit, qu’ils voudraient retourner à l’ancien, sans qu’on leur réponde : « Pourtant, tu as dit hier que c’était bien ici… ».

Comme chez tout être humain, leurs émotions vont et viennent, et rien ne peut mieux les aider à développer leur résilience que de les vivre, simplement.

On me demande parfois « Comment faire accepter un déménagement ? ». Mais l’idée n’est pas de faire accepter. L’idée est plutôt de s’ouvrir à ce que vit notre enfant dans ce déménagement qu’il n’a pas choisi. C’est en recevant cette information là qu’on l’aidera le mieux à accepter sa situation. Parce qu’au lieu de se sentir forcé, il se sentira entendu et compris.

« Pour se comporter bien, il faut se sentir bien. »

Haïm Ginott

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Laissez-moi vous parler un peu de ce dernier déménagement avec les enfants. Nous avons quitté la région parisienne pour nous installer à Londres.

Au fur et à mesure que la date approchait, une certaine excitation montait en nous : l’envie de la découverte, savoir comment ça allait être… Notre exclamation régulière : « London, baby ! »

Alors, quand l’Eurostar est entré dans la banlieue londonienne, j’ouvrais grand mes yeux, tout en montrant ce que je pouvais à Anatole (6 ans), en lui expliquant qu’on arrivait. Mais, lorsque je me suis tournée vers ma fille Alice (13 ans), je me suis rendue compte qu’elle pleurait. Cette arrivée n’était pas une joie chez elle. Pas à ce moment-là. C’était au contraire, probablement, le signe concret qu’il n’y avait plus de retour en arrière, qu’elle allait vraiment vivre dans une ville loin de ses copains…

J’ai donc atténué mon enthousiasme, et j’ai essayé de recevoir : « Je suis désolée. »

Et c’est vrai. Je suis désolée de lui faire subir cela. Car c’est le bon terme : « subir ». Pas seulement bien sûr ! Je sais que nous offrons également de grandes chances à nos enfants, en leur faisant découvrir le monde, en leur donnant l’opportunité d’apprendre d’autres langues. Mais la médaille a son revers, et, vraiment, j’en suis désolée.

Précaution no2 : Les aider à se projeter

Transition délicate après ce que je viens d’écrire, mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’un déménagement, pour un enfant, c’est un peu comme des montagnes russes. (Pour nous aussi, d’ailleurs…)

Donc, si on doit être là pour écouter et entendre leur détresse lorsqu’elle se présente, on peut aussi être présent pour susciter leur enthousiasme dans les moments où ils sont au sommet.

Vous voyez la différence ?

Autant il n’est pas question de leur dire « Mais ça va être bien, tu verras ! » au moment où ils nous parlent de leur tristesse, parce qu’alors, on ne serait pas du tout dans l’écoute de ce qu’ils vivent, autant on peut saisir les bons moments pour parler de notre destination avec enthousiasme.

Et dans ces moments-là, une bonne méthode, c’est de les aider à se projeter. Concrètement.

Parce que ce déménagement, il reste très théorique pour un enfant. Surtout pour les plus jeunes.

On va donc essayer de les aider à visualiser ce que cela signifiera pour eux.

Pour cela, plusieurs méthodes, à adapter à l’âge des petits.

Le plus simple, et qui marche pour tous : des photos !

Des photos du lieu de vie en particulier. Je ne vous dis pas combien de fois on a montré les photos de la future maison à Léon (8 ans). On a même pu parler des attributions de chambre, de comment on placerait les meubles, etc…

On a également été sur google maps pour voir le plan de Londres, où on serait, le parc d’à côté – et puis on a pris le petit bonhomme pour se promener grâce aux photos satellites : on a virtuellement fait le chemin de la maison au parc, puis de la maison à l’école…

Avec Alice, plus grande, j’ai eu des échanges autour du choix de son collège, les discussions que j’avais eues, les impressions. On a sorti le plan de métro, on a regardé les adresses des différentes maisons à visiter et le temps de trajet à partir de chacune d’elles… Je l’ai en fait impliquée ainsi dans les préparatifs, pour qu’elle soit moins dans la position de l’enfant qui subit, justement.

Et en même temps, j’ai un souvenir d’elle, quand elle avait 2 ans, et que nous quittions l’Afrique du Sud pour la France. C’était compliqué pour une si petite fille de comprendre ce qu’il se passait autour d’elle.

L’agitation, les meubles qui partaient en container, nous avec nos valises…

On avait alors eu recours, pour rendre les choses plus concrètes pour elle, au jeu.

J’avais pris des personnages playmobils, pour représenter les membres de notre famille – grands-parents compris – un avion jouet, des paquets-valises, un camion, et j’avais joué les scènes devant elle de tout ce qui allait se passer :

les déménageurs qui chargent les meubles dans le camion, qui les emportent, et les mettent dans un bateau, tandis que nous préparons nos valises, et prenons l’avion. Nous arrivons chez les grands-parents, chez qui nous logeons le temps de trouver un appartement ; pendant ce temps, le bateau avec les meubles arrive, puis nous leur demandons d’apporter les meubles dans l’appartement qu’on aura trouvé, et on y va à notre tour, avec nos valises !

Je sentais bien que tout cela restait compliqué pour elle, mais ça l’avait quand même apaisée. Elle avait compris qu’il y allait avoir un nouveau dans lequel on allait retrouver nos affaires. Elles n’étaient pas simplement emportées par des gars costauds !

Les personnages playmobils ont alors intégré notre sac de voyage, et on les sortait régulièrement pour refaire des bouts de la scène – je les vois encore dans l’avion, ils faisaient à l’époque partie des objets rassurants de cette petite fille qui avait bien du mal à appréhender ce qui se passait autour d’elle…

Précaution no3 : Impliquer les enfants dans le tri pré-déménagement

Cette fois, on va parler un peu de l’aspect concret de ce déménagement avec les enfants.

Parce qu’on le sait bien : un déménagement, c’est l’occasion de faire le tri, de se délester un peu. Et ce serait plus facile de faire ce tri sans eux : pas question de déménager tous les petits bouts de carton gardés « pour le jour où », les bâtons et autres bouts de ficelle.

Oui mais…

Oui mais parfois, un bout de ficelle a une importance qui nous échappe.

Là encore, il faudra s’adapter à l’âge de l’enfant. Il va de soi qu’un enfant de 2 ans aura du mal à identifier ce qu’il faut garder ou pas. En revanche, quand l’enfant a 6 ans, il peut être impliqué.

Impliqué dans le rangement et le tri des jouets. L’aider à voir ce qui ne lui correspond plus, ou ne lui va plus, et décider ensemble de le donner au petit frère d’un copain, par exemple.

Impliqué ans la préparation de la valise, pour décider ce qu’il veut garder avec lui. (C’est également une occasion de se projeter : les premiers jours, tout sera dans les cartons, que voudras-tu avoir pour t’occuper ?)

Et cela demandera de notre part un certain lâcher-prise.

Si on se rappelle que déménager est un chamboulement pour notre enfant, on pourra plus facilement accepter d’assouplir la limite quant à ce qu’il faut garder ou pas.

Avec Léon (8 ans), nous avons préparé une boîte qu’on a intitulée « activités manuelles », dans laquelle il a choisi les morceaux de ficelle et autre bric-à-brac « pour fabriquer un truc un jour » qu’il voulait. C’était le bon équilibre pour lui et moi.

C’est également rassurant pour les enfants, à l’arrivée, de retrouver leurs objets.

Précaution no4 : Prendre le temps de dire au revoir

Avant d’arriver, il faut partir.

Et partir, ça veut dire quitter un endroit qu’on aime, et des personnes auxquelles on tient.

Je vois encore Léon, au moment où l’on a quitté la cour d’école pour la dernière fois, il y a quelques semaines, fondre en larmes en réalisant qu’il ne passerait plus ce portail…

De notre côté, un bon mois avant de partir, nous avons fait la liste des personnes que nous avions vraiment envie de voir encore une fois avant le départ. Pourquoi ne pas faire la même chose avec nos enfants ?

Dans cette période, je savais que rien n’était plus important pour eux que ces derniers moments partagés.

Alors, on a invité des copains, on a laissé Alice passer tout le temps qu’elle voulait à l’extérieur, ou à dormir chez des copines. Elle est même partie passer un week-end à Lyon chez des amis !

On a organisé un goûter d’anniversaire en avance pour Léon.

Tout ça ne marche que si on accepte que « todo no se puede ». Je vous traduis… Ca veut dire « Tout ne se peut pas ». C’est une phrase que j’ai apprise et intégrée lorsque nous avons vécu au Mexique, et qui m’aide à me défaire de la perfection à choisir mes combats.

Ainsi, je me suis moins attachée à l’aspect scolaire… Les relations étaient plus importantes, dans cette période de leur vie. Donc, tant pis si Alice est rentrée fatiguée de son week-end à Lyon, ça en valait tellement la peine !

Pour le goûter d’anniversaire, on ne pouvait pas rajouter des contraintes… alors on a juste invité les enfants au parc, et j’ai acheté un gâteau chez Picard (et une maman nous en a apporté un maison !)

Ce qu’on faisait, c’était déjà bien. On faisait de notre mieux.

Et même quand on se rate, on peut se rattraper. Ainsi, j’ai réalisé que j’aurais aussi dû inviter Chloé, une copine d’Anatole. Il m’en malheureusement parlé trop tard (de l’importance de faire la liste avec eux avant…).

Ce raté est ressorti en arrivant à Londres, lorsqu’il a vu pleurer sa soeur…

Alors, dans le taxi, j’ai appelé la maman de Chloé, et nous avons pris rdv pour le lendemain, pour que les enfants puissent se parler, et qu’Anatole puisse dire vraiment au revoir à son amie.

Précaution no5 : Impliquer les enfants dans l’installation post-déménagement

Ça y est, le déménagement en tant que tel a eu lieu. C’est l’heure d’investir le nouvel espace.

Certains parents pensent alors qu’il est plus simple de tout préparer avant l’arrivée des enfants (quand c’est possible), et je crois que c’est une erreur.

Moins les enfants seront impliqués dans la démarche, plus ils seront dans la position de la subir. Si on repense à cette fausse bonne idée de « faire accepter » le déménagement aux enfants, on comprend que la meilleure piste, c’est de les en rendre acteurs.

C’est comme pour tout en fait : imposer à nos enfants aura tendance à engendrer l’opposition. Redonner du pouvoir à nos enfants encouragera la coopération.

Ici, on leur donne du pouvoir par l’action, par les choix.

Comment tu veux placer tes meubles ? Tu m’aides à remonter celui-là ? Tiens, voilà les vis… Et ces jouets-là, on les met plutôt ici, ou plutôt là ?

Pour les ados, bien sûr, pas besoin de leur donner le choix du placement des jouets… ils sauront organiser leur chambre seuls.

Mais on peut les impliquer sur d’autres plans, tout en étant à l’écoute. Ainsi, Alice m’a aidée à installer la cuisine, à décider où on mettrait les assiettes, les casseroles.. Je n’aurais pas demandé ça à son grand-frère Oscar que ça n’aurait pas du tout intéressé ! Lui aurait plutôt participé à remonter le canapé. (Malheureusement, Oscar est resté en France pour ses études, mais c’est une autre histoire…)

Jusqu’où peut-on aller dans cette implication de l’enfant à l’arrivée ? Y a-t-il une règle ? Je vais partir d’un exemple.

Récemment, une maman m’a demandé conseil pour son fils. Voici ce qu’elle m’écrit :

Mon fils (4 ans1/2) dort toujours dans son petit lit de bébé (bien juste pour lui !!). Il a un lit au sol (taille adulte 1 personne) sur lequel je lui propose régulièrement de dormir en lui disant qu’il y serait plus à l’aise. Mais il refuse. Je m’étais dit que dans le nouvel appartement, je lui mettrais directement son lit de grand, mais ça fait peut-être bcp pour lui, non ?

En fait, il n’y a pas de réponse toute faite à une telle situation. Tout dépend du garçon : comment il se sent dans ce déménagement, s’il a besoin de retrouver le cadre sécurisant qu’il connait, ou s’il se sent au contraire prêt à ce nouveau départ.

Parfois, un changement d’environnement fait grandir nos enfants d’un coup. Parfois, au contraire, cela leur fait perdre leurs repères, et on sent qu’ils ont besoin de se récréer un cadre de sécurité.

Lorsque nous sommes rentrés de Puerto Rico, il y a deux ans, Anatole, 4 ans, voulait que je m’asseye tout proche de lui à chaque repas. Et cela a duré des semaines. Parce qu’il avait besoin de se raccrocher à quelque chose.

J’encourage donc cette maman à être à l’écoute de son fils. A soulever la question avec lui. Et à voir comment il réagit aux différentes options. Peut-être que la solution est dans un lit intermédiaire : un lit d’enfant juste pour lui, qui ne soit plus à barreaux ?

Précaution no6 : Ne pas être trop pressé de vider les cartons !

Si l’installation dans ce nouveau lieu est importante, pour s’y sentir bien, il y a également quelque chose d’encore plus important : de se sentir bien ensemble !

Cela demande de veiller à l’ambiance familiale, surtout au début.

Là encore, des choix à faire.

Bien sûr, on n’a pas envie que l’installation traine des mois. Mais l’échéance n’est plus la même qu’avant le départ. On peut donc se permettre de prendre un peu plus de temps, pour avoir celui de partager.

Faire passer le message, d’abord, que « notre maison, c’est notre famille. »

Cela changera peu à peu, au fur et à mesure que chacun se fera à son nouvel environnement, se récréera son sentiment de bien-être, se sentira de nouveau appartenir à un lieu, et acceptera enfin pleinement ce déménagement.

Mais au début, c’est clair : rien ne nous attend dans le nouveau lieu, et la seule constante, c’est notre famille !

Alors, prenons-en soin, et mettons-là en priorité.

Faites des pauses dans le déballage pour vous retrouver, et créez les activités qui vous ressemblent.

Lorsque nous sommes arrivés à Puerto Rico (il y a 6 ans de cela), un de mes premiers achats a été un gaufrier ! Et je l’ai ressorti ici, pour créer des goûters sympas en famille…

Une tradition chez nous : la lecture de Harry Potter à haute voix… C’est notre moment de reconnexion, de partage.

On l’a lu avec Oscar en arrivant au Mexique, puis avec Oscar et Alice en arrivant à Puerto Rico, maintenant avec Alice, Léon et Anatole, dans ce contexte londonien qui lui correspond si bien !

Des semaines de moments partagés tout définis (nous en sommes actuellement au tome 4…)

Trouvez votre équilibre entre ce besoin d’aménagement et ce besoin de lien. Tout peut se faire, il suffit de se donner le temps.

Et puis, bien sûr, n’hésitez pas à sortir, à découvrir votre environnement, votre nouveau lieu de vie.

Lorsque l’on vient d’arriver dans un endroit, on pose sur les choses un oeil encore neuf, qui permet de s’émerveiller bien plus. C’est le moment de partager cela ! La forme du métro, l’accent des gens, le soleil sur la tamise, les écureuils de Hyde Park… voici quelques unes de nos premières découvertes… Même si les règles du confinement ne nous aident pas !!

Précaution no7 pour bien vivre un déménagement avec les enfants : Prendre soin de soi

Enfin, je terminerai par un conseil pour vous. Car dans le déménagement avec les enfants, il y a toujours vous.

Et si ce conseil de prendre de soi est toujours valable, il l’est encore plus dans cette période. Car, si déménager est stressant pour nos enfants, il l’est également pour nous.

Alors, si l’on veut être en mesure d’accompagner nos enfants.

Si on veut pouvoir faire des gaufres, ou les impliquer dans le remontage des meubles, il faut d’abord avoir l’énergie de le faire. Or, si notre réservoir est vide, nous n’aurons aucune énergie.

Je sais bien que le temps nous manque pour prendre soin de nous… Il est pourtant nécessaire de trouver ce qui nous permet de maintenir cette énergie qui nous permettra de traverser ces changements sereinement. Trouver ce qui nous ressource en temps limité.

Et puis, adapter nos attentes, accepter de faire de notre mieux, même s’il est moins haut qu’à d’autres moments.

Petit rappel : Bienveillance bien ordonnée commence par soi-même.

Alors, vous aurez toutes les ressources nécessaires pour mettre en place toutes ces précautions, et faire en sorte que ce déménagement avec les enfants, et en famille, se passe au mieux !

Avez-vous déménagé récemment ?

Qu’est-ce qui vous a aidé ?

Il y a peu, j’ai assisté à une présentation sur le thème de la culpabilité. Cette conférence était organisée par une association de familles, alors évidemment, le public était majoritairement composé de parents, mais le thème était la culpabilité en général. Au début de la présentation, l’intervenante a demandé à chacun de citer une situation dans laquelle nous nous sentions coupables.
Une bonne moitié des réponses concernait le comportement face aux enfants :
“Je me sens coupable quand je crie sur mes enfants.”
“Je me sens coupable quand je n’arrive plus à être patiente en fin de journée.”
“Je me sens coupable quand je n’arrive pas à me faire obéir et que je bascule dans la force.”

La culpabilité est un sentiment très présent chez les parents, et particulièrement chez les mères.
J’avais donc envie de vous en parler.

Comme d’habitude, écrire m’aide à réfléchir. Et ce n’est sûrement pas un hasard si je trouve aujourd’hui une illustration concrète de ce thème dans ma vie personnelle.
J’ai commencé à écrire cet article il y a quelques jours, et ce matin, justement, je me sens coupable…
Je vais donc vous raconter pourquoi, en toute honnêteté, et en ravalant ma honte.

Si vous voulez écouter cet article sous sa forme audio, en voici l’enregistrement.

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Mes premiers mots de l’année

Le contexte

Nous sommes en vadrouille en famille en Inde. Cette nuit, notre camp de base est un genre de lodge au bord d’une réserve d’oiseaux, en pleine nature. C’est super beau.
Nous logeons dans des espèces de grandes tentes-maisons. Et c’est ici que nous avons fêté le nouvel an.

Ce matin, c’est le bruit de Léon fermant la tente en sortant qui m’a réveillée. Il avait été très discret, ai-je découvert ensuite, puisqu’il s’était habillé dans le presque noir, et avait bien bordé ses doudous avant de sortir.
Il est ensuite allé rejoindre son frère et son copain devant la tente voisine, et ils se sont mis à jouer.
Seulement voilà, leur enthousiasme occultait complètement l’heure…
Nous sommes le matin du 1er janvier, il est 7h30, et eux crient.
Moi… je m’énerve !

Un déclencheur

On est tous plus ou moins résistant au manque de sommeil. Je ne lui suis pas.
Pour moi, la fatigue est réellement un ennemi. Elle a facilement pour effet de me transformer en sorcière.
Comme je le sais, je m’énerve d’avance, et le bruit le matin est un de mes déclencheurs : je n’arrive pas à supporter que ceux qui sont réveillés ne fassent pas attention à ceux qui dorment. Je me répète que c’est un manque de respect dingue, alors même que l’autre voix dans ma tête sait que cela n’a rien à voir, que les enfants oublient et ne se rendent pas compte… Mais c’est malgré tout souvent la première voix qui l’emporte, malheureusement.

Et c’est ce qui se passe ce matin, alors que je me lève pour dire :
“Oh, les gars !! Y’a des gens qui dorment dans ce camp ! Il y a nous de ce côté, et d’autres gens de l’autre côté !
Alors soit vous êtes capables de jouer dehors sans faire de bruit, soit c’est dans les tentes avec un bouquin, c’est clair ?”

Hum…. comme parent positif, on fait mieux…

C’est drôle d’ailleurs ; on sent dans mes mots que j’ai intégré certains principes, qui ressortent même dans la colère.
Je ne leur dis pas qu’ils sont insupportables : je décris la situation, je leur donne un choix et une conséquence claire.
J’aurais presque pu dire la même chose et que ce soit adapté.
Seulement les mots ne font pas tout. Ici, mon ton est agressif.
Quoi que je dise, je le dis mal. Je ne suis pas dans l’encouragement, mais dans le rabaissement. Je ne suis pas dans l’écoute mais dans l’imposition et l’exigence. Je ne suis pas dans la coopération mais dans le reproche et le pouvoir.

La culpabilité pointe son nez

Je me recouche, aussitôt envahie par la culpabilité.
Mes premiers mots de l’année seront donc ceux-là. Une agression. Je ne peux plus changer ça.

Et puis… comment puis-je leur demander de parler gentiment quand je leur donne ce modèle-là moi-même ?
Je respire.

Changement d’approche

Cinq minutes plus tard, quand les cris reprennent (ils font à présent un concours de lancer de billes et hurlent : “gagné !!”), je ressors calmement, m’approche, et leur dis :
“Ecoutez, les gars. D’abord, je voudrais vous demander pardon du ton que j’ai utilisé avant.
Ensuite, je vois que c’est vraiment difficile pour vous de ne pas crier.
Vos billes arrivent juste devant la tente des voisins, et vous les gênez forcément.
Vous aurez encore plein d’autres moments dans la journée pour jouer à ça, et faire du bruit.
Là, maintenant, il vaudrait mieux trouver une activité qui ne dérange pas les autres.”
Alors, Léon part en courant : “Je vais à la cible !”.
Il y a en effet une cible avec un arc et des “flèches” au bout en caoutchouc dans la partie commune du camp, un peu plus loin des dormeurs.

Les deux autres veulent suivre.
“Aucun problème, leur dis-je, il faut juste être habillé pour aller là-bas.”
Ils rentrent dans leur tente pour enlever les pyjamas.
Je retourne dans la mienne, un peu soulagée.
Mais je sais que je ne dormirai plus.

Comment je me sens

Honnêtement, mes sentiments sont confus à ce moment-là :

  • un reste de culpabilité
  • un soulagement d’avoir su redresser la barre
  • un sentiment d’injustice parce que finalement, ma nuit a bien été interrompue
  • de l’acceptation, parce que ce sont des enfants
  • du ressentiment quand même à cause de cette interruption.

Pour autant, je me dis :
Oui, il est injuste que je sois réveillée parce qu’ils font trop de bruit, alors qu’ils auraient pu -ils auraient dû même !- jouer calmement.
Mais voyons les choses objectivement : est-ce que les agresser aide à résoudre la situation ?
Absolument pas !
On peut même penser, et observer, que c’est lorsque j’aborde les choses calmement que les solutions apparaissent.
J’aurai donc toujours plus à gagner à éviter l’agression.
A court terme pour mon sommeil, à long terme encore plus, pour tous leurs conflits à venir, au cours desquels ils vont vraisemblablement user des techniques qu’ils auront observées.

Et je reste donc, avec mon sentiment de culpabilité.
Que vais-je en faire ? On en parle ?

Qu’est-ce que la culpabilité ?

Commençons par le commencement. D’où vient ce sentiment de culpabilité ?
Qu’est-ce qui se joue en nous pour faire naître cette expérience émotionnelle, somme toute plutôt désagréable ?

Voilà la première chose que nous explique Camille Sépulchre, l’intervenante, et que je note immédiatement en gras, tant ça me parait limpide.

La culpabilité nait d’un conflit psychique : elle vient du décalage entre moi tel(le) que je voudrais être, et moi tel(le) que je suis.

C’est exactement ce qui s’est joué ce matin : le décalage entre la maman positive, qui enseigne à ses enfants, par le modèle, à parler gentiment, qui fait preuve de tolérance pour leur temps d’apprentissage, et celle qui s’est mise à agresser ses enfants de but en blanc.
Ce décalage a immédiatement déclenché ma culpabilité.

Pour notre esprit, la culpabilité est alors une façon de réparer : on s’en veut et ça répare un peu ce qu’on a fait.
Vous avez déjà senti ça ?

Nous sommes juges de nous-mêmes

Discuter de cette culpabilité est également l’occasion de revenir sur un point fondamental : la responsabilité de nos sentiments.
C’est une notion fondamentale, très bien expliquée dans la CNV (cf. Les mots sont des fenêtres) :
nous sommes responsables de nos sentiments.

Si vous lisez cela pour la première fois, vous pouvez être surpris.
L’idée est pourtant simple. Des circonstances identiques font naitre des sentiments différents.
Je suis facilement agacée par quelque chose qui, au contraire, plait à mon voisin. C’est donc bien que ce n’est pas la situation elle-même qui engendre mon sentiment, mais moi.
Ou, plus précisément, mes pensées.

Dans le cas de la culpabilité, nos propres pensées sont des jugements.
“Je n’aurais pas dû..”, “J’ai tort…”, “Je ne suis pas capable..”, “Je devrais…”

Nous sommes notre propre juge, et nous nous jugeons nous-mêmes très durement.
Cependant, le fait que cette culpabilité découle de nos pensées en fait un sentiment réellement très personnel.
D’autant qu’elle est particulièrement influencée par nos expériences passées, comme nous allons le voir.

Les différentes formes de culpabilité

Ces pensées qui créent chez nous un sentiment de culpabilité viennent elles-mêmes de niveaux différents.
Elles viennent :

  • de nous et de nos aspirations
  • de ce que la société nous a transmis
  • de ce que nos parents et ancêtres nous ont transmis

Plus la culpabilité vient de loin, plus elle est inconsciente.
Car beaucoup de nos jugements sur nous-mêmes sont directement liés à des croyances qui sont véhiculées sans même que l’on en ait vraiment conscience.

Quelques exemples de ce que peut nous avoir transmis la société :
“Je dois savoir gérer mon travail, ma famille, et ma maison.”
“Je ne suis pas là pour me faire plaisir.”
“Les enfants doivent obéir aux adultes.”
“Je dois penser aux autres avant de penser à moi.”
“Un garçon, ça ne pleure pas.”
“Il faut être efficace.”
“Il faut travailler à corriger ses faiblesses plutôt que se focaliser sur ses forces.”

Quelques exemples de ce que peuvent nous avoir transmis nos parents, qui se confond parfois avec ce que nous a transmis la société :
“Je n’ai pas le droit à l’erreur.”
“Je me débrouille seul.”
“On ne peut pas savourer si on n’a pas d’abord souffert.”
“La vie, c’est comme un match de boxe, il faut être le premier.” (spéciale dédicace à mon grand-père qui nous disait ça régulièrement… Heureusement, on n’écoutait pas toujours !)

Toutes ces croyances ancrées en nous, influencent nos pensées, qui, à leur tour, créent ce sentiment de culpabilité.
Par rapport au geste qu’on vient de faire, à la pensée de ce qu’on aurait pu commettre…
Et que l’on traduit par ce genre de pensées, mi-conscientes :
“Je ne suis pas à la hauteur de ce que les gens attendent de moi.”
« Je ne passe pas assez de temps avec mes enfants. »
En fait, nous sommes en décalage avec une certaine idéalisation de nous-mêmes.

Nous voyons bien ici la part de l’inconscient dans ce sentiment de culpabilité :
1- la culpabilité vient du décalage de ce que nous sommes avec l’idée que nous nous faisons de ce que nous “devrions” être.
2- or, ce que nous devrions être vient de nos croyances héritées de nos parents et de la société.

Ce qui est clair, c’est que plus nous nous situons dans l’inconscient, et plus il est difficile de passer au dessus de notre sentiment de culpabilité.

La culpabilité est un signe de bonne santé psychologique

En effet, que serait un monde sans culpabilité ?
Alors, on verrait probablement :
un manque de scrupules, un égoïsme absolu, un manque d’empathie…
Bref, éradiquer la culpabilité ne serait pas une bonne idée !
Comme tous les sentiments, en fait, la culpabilité a bien une raison d’être.

Notre sentiment de culpabilité prouve que nous savons reconnaitre le bien et le mal.
Seuls les vrais psychopathes n’ont pas de culpabilité !

La culpabilité nous arrive sans que nous le choisissions.
En revanche, nous avons alors le choix de ce qu’on fait de cette culpabilité.
C’est à nous de décider comment y réagir.

Que peut-on faire de notre culpabilité ?

Il y a quelques années, j’écrivais ici-même que “notre culpabilité est une bonne nouvelle.
J’expliquais en effet que la culpabilité était pour moi une prise de conscience qui pouvait servir de point de départ, et c’est ce dont nous allons parler ici.

Culpabilité saine et culpabilité malsaine

Il existe en fait deux manières de vivre notre culpabilité.
On peut parler de culpabilité saine et de culpabilité malsaine.

Culpabilité malsaine

Je me figure la culpabilité malsaine comme un boulet à notre pied.
Cette culpabilité est celle que l’on ressasse, en boucle.
Plus on s’enfonce, plus elle est présente. Plus elle est présente, plus on se juge, et plus cela détruit notre estime de nous-même. C’est alors un cercle vicieux, très pénible.

La culpabilité malsaine nous immobilise, c’est évidemment celle dont on veut le plus se débarrasser.
Cependant, s’en débarrasser ne veut pas dire faire une croix sur la culpabilité dans son ensemble, mais plutôt décider d’agir pour en faire une culpabilité saine.

Culpabilité saine

La culpabilité saine, elle, est plutôt un moteur.
Lorsque l’on sait la recevoir, elle nous donne l’énergie qu’il nous faut pour avancer.

On a vu déjà que la culpabilité découlait d’un décalage entre ce que nous sommes et ce que nous voudrions être. En prendre conscience permet d’entamer un travail sur soi.

Travailler sur soi n’est pas toujours simple, car cela implique souvent une remise en question qui nous rend inconfortable. Sans parler du temps d’investissement nécessaire.
Mais notre culpabilité est sans aucun doute une motivation : l’envie de ne plus la ressentir nous poussera à avancer ! Voilà pourquoi je parle de moteur…

Cependant, l’action ne sera pas toujours la meilleure voie à suivre. En fait, la culpabilité saine engendrera toujours une réflexion chez nous.
Ensuite, nous déciderons s’il convient d’entrer en action ou non.

Deux scénarios sont possibles :

  • Agir pour se transformer
  • Surmonter notre culpabilité

Agir pour se transformer : la méthode

Nous parlons ici d’utiliser la culpabilité comme moteur pour se transformer. Pour tendre un peu plus vers cet idéal que nous avons en tête et qui nous fait nous sentir coupable.
Encore faut-il savoir comment faire cela.

Je vais donc vous livrer ici un exemple personnel, que Camille, la présentatrice, m’a aidée à creuser lors de sa présentation.

Ma situation

“Je me sens coupable quand j’en veux à mon mari de prendre du temps pour lui.”

Oui… je l’avoue (et j’ai un peu honte).
Le week-end, mon mari trouve de plus en plus souvent l’occasion de faire un peu de saxophone.
Une partie de moi se réjouit qu’il renoue avec cette passion qui a été un peu moins présente ces dernières années, et l’autre lui en veut d’y consacrer du temps.
En toute objectivité, je sais que je ne devrais pas lui en vouloir. (Vous remarquez le “je ne devrais pas”, qui parle de qui j’ai envie d’être). Ce n’est pas comme s’il ne s’impliquait pas dans la maison ou avec les enfants. Il trouve honnêtement le bon équilibre, et pourtant, je sens cette négativité en moi, que je ne voudrais pas ressentir !

Camille m’a encouragée à chercher les conflits intérieurs et les idéalisations auxquelles cette situation me renvoyait.

La situation est celle qu’elle est. Soit.
J’ai donc le choix : soit je reste avec ça, je me morfonds, et je tourne en rond avec l’idée que je ne devrais pas ressentir ça, mais sans rien y faire, ce qui devient un boulet à mon pied (culpabilité malsaine), soit je décide d’entamer un travail qui me permettra de mieux comprendre ce qui se joue.

Recherche des idéaux cachés derrière ma culpabilité

On voit bien qu’il y a ici un décalage entre qui je suis dans cette situation et la personne que j’aimerais être. Je vais donc m’y arrêter un moment.

Quel est mon idéal ?
J’aimerais être contente pour lui.
J’aimerais moi aussi prendre du temps pour moi. → Ah ! Il y a également de la jalousie là-dessous ! Mais pourquoi est-ce que je ne prends pas du temps pour moi ?
Je voudrais avoir une maison qui tourne (et pour cela, j’y consacre de l’énergie, c’est mon choix)
Je voudrais qu’il soit présent à ses enfants. – Hum… voilà qui nécessite également une réflexion plus poussée : d’abord, parce qu’il est présent à ses enfants – pas un week-end sans un jeu de société par exemple -, ensuite parce que je sais bien que pour être réellement présent à ses enfants, il faut également prendre du temps pour soi !

Voici donc mon idéal, très clair :
me réjouir qu’il puisse prendre du temps pour lui sans arrière-pensée
et prendre également du temps pour moi sans arrière-pensée

Une réflexion qui se prolonge

Dans les jours qui suivent cette présentation, j’ai l’occasion de pousser encore un peu cette réflexion.
Je m’aperçois que la construction de notre équilibre de vie crée un décalage entre nous.
Du fait que je travaille à la maison, j’ai parfois l’occasion de prendre du temps pour moi dans la semaine. Bien sûr, comme tout le monde, je cours plutôt après le temps ! Mais quand même, convaincue que respirer et remplir mon réservoir est fondamental, faute de quoi je ne suis pas la maman que j’ai envie d’être, je m’accorde des pauses qui me font du bien.
De son côté, Nicolas a peu d’occasion de faire de même. Faire du saxophone est son moment. Et je sais que lorsqu’il a pu souffler dans son saxo, il est ensuite plus détendu, et s’occupe par exemple plus facilement du bain des enfants. Parce qu’il a rempli son réservoir.

La transformation

Cela n’a l’air de rien, mais cette analyse m’a aidée à passer à l’action.
Le week-end suivant, je sens une vraie transformation en moi.
Nicolas part faire du saxo, et moi, je me réjouis pour lui. Réellement, et sincèrement !

Reste à voir si cela durera, mais je sens bien que j’ai franchi un pas important.
D’ailleurs, je n’hésite plus à aller prendre un bain avec un bon livre, dont je sors à mon tour plus reposée ! Cela va également avec un apprentissage du lâcher-prise qui m’appartient complètement.

Quand nous ne sommes pas dans l’action : surmonter la culpabilité

Il existe encore des tas de situations où il est possible de se sentir coupable sans que nous puissions agir pour que la situation change.
Prenons le cas de quelqu’un qui a du mal à supporter d’être privilégié sans l’avoir forcément mérité.
Ex : “J’ai des enfants facilement, alors que ma voisine n’y arrive pas.”

Encore une fois, tout le monde ne ressent pas de la culpabilité dans une telle situation. Mais, si nous nous plaçons dans le cas d’une maman qui en ressentirait, voyons quel serait l’idéal derrière ce sentiment.
Probablement quelque chose de l’ordre de :
« Dans mon idéal, tout le monde a les mêmes chances, et dans mon idéal je ne fais pas face à la tristesse de l’autre. Dans mon monde idéal, je ne rendrais personne triste. »

Pas possible de changer la situation, mais pourquoi pas essayer de développer son empathie, d’écouter l’autre, d’adapter son comportement…

Et puis, on peut se poser soi-même la question suivante : “Je ressens de la culpabilité. Qu’est-ce que j’en fais pour moi ?”
Surmonter sa culpabilité dans ce cas peut signifier s’en débarrasser par la gratitude.
Reconnaître qu’on n’est pas responsable de la situation des autres, et se sentir reconnaissant de ce que l’on vit.

Un choix

Voilà, je vous ai livré tout ce que je savais, ou presque.
Je sais qu’il me reste à mener le travail que je vous ai décrit plus haut sur la situation exposée en début d’article. J’ai commencé à le faire, mais j’aimerais mener ce travail à son terme pour vous en parler un peu plus sans alourdir cet article déjà long.

Une chose à retenir en tout cas : on ne choisit pas de se sentir coupable, mais on choisit bien ce que l’on fait de cette culpabilité.
Pour moi, le choix est désormais fait : je veux embrasser ma culpabilité pour chercher les idéaux et croyances qui se cachent derrière.
Attendre que les choses changent d’elles-mêmes ne fonctionne pas.

Et vous, quand ressentez-vous de la culpabilité ?

Ca y est, cette première semaine de rentrée est terminée. J’espère qu’elle a été bonne chez chacun d’entre vous. C’est souvent délicat cette semaine-là. Toujours plein d’émotions ! La fin des vacances, le retour à un rythme plus contraignant. La joie de retrouver ses copains, éventuellement, l’anxiété de la découverte des enseignants, parfois un changement d’école… Il n’est pas rare que toutes ces émotions combinées fassent comme des ampoules qui s’allument toutes à la fois, et qui nous éblouissent un peu. Ajoutons à ça le stress des premiers matins qui ne sont pas encore tout à fait rôdés, la reprise pour les parents aussi, et ça peut donner un cocktail sympathique.

A titre d’illustration, je voulais vous raconter notre première semaine.

Lundi

Lundi n’est pas une vraie journée de rentrée chez nous, sauf pour Oscar, qui démarre avec enthousiasme une classe prépa.

Pour Alice, en 4è, c’est seulement la rencontre avec le prof principal et la classe. Elle est contente de retrouver ses copains, et d’y aller doucement.

Avec Léon et Anatole, nous passerons une heure à l’école : rencontre en individuel avec chacune des maîtresses. C’est une vraie chance, cela leur permet à chacun de créer un premier lien avec douceur.

Tous les deux commencent dans une nouvelle école.

Léon, évidemment, puisque nous avions commencé l’école à la maison en janvier ! Il aurait bien aimé rester en école à la maison, alors j’attendais un peu de voir comment se déroulerait l’adaptation. La maîtresse l’a vraiment très bien reçu. Elle l’a écouté, s’est montré intéressée par ce qu’il avait à dire, ça a vraiment été un tres bon premier contact.

Pour Anatole, c’est l’entrée au CP. Je suis ravie : il est dans la classe de l’institutrice chez qui je suis intervenue toute l’année dernière en séances de Discipline Positive. (ce que je vais très probablement continuer à faire cette année d’ailleurs, nous aurons l’occasion d’en reparler…)

Mardi

Cette fois, ça y est, chacun prend son chemin tôt le matin.

De mon côté, j’emmène les garçons par le train : une seule station, ce n’est pas très loin, mais rudement efficace.

Au moment de se séparer devant le portail, je vois mon Anatole faire une petite moue.

Nous avions justement lu la veille au soir une histoire de rentrée, et étions tombés sur un commentaire du type : “Bastien rentre au CP maintenant. Il est grand. Et les grands, ça n’a pas peur !”. Evidemment, nous en avions discuté entre nous, et étions tombés d’accord pour dire que si, les grands aussi, ça avait peur !

Donc, devant le portail, je me penche vers mon Anatole, et lui demande : “Tu as un peu peur ?”

“- Ouiiiii….”. Larmes aux yeux.
“Tu sais, c’est normal d’avoir un peu peur. C’est une nouvelle école, avec des gens que tu ne connais pas, ça fait un peu peur les endroits nouveaux. Après, tu vas entrer dans la cour, et puis tu vas retrouver ta maîtresse, que tu as rencontrée hier, et elle va tous vous faire monter dans la classe, et tu pourras rencontrer les autres enfants. Alors, ça ira mieux. Pour l’instant, c’est un peu difficile.”

Je le prends dans mes bras doucement, et lui demande :
“Tu penses que ça t’aiderait si Léon entrait avec toi en te tenant la main ?
– oui.
– Léon, tu serais d’accord pour prendre Anatole par la main pour entrer dans la cour ?
– bien sûr ! »

Et voilà mes deux plus jeunes qui s’éloignent… Mission accomplie.

Pour moi, cette journée est une parenthèse merveilleuse. J’ai une très bonne amie argentine de passage, et nous allons voir Paris ! D’abord une expo à l’atelier des lumières, puis nous allons acheter du thé chez Mariage Frère, déjeuner dans un bistrot, balade en scooter, dessert dans une pâtisserie japonaise…  (La pâtisserie Tomo, que je vous recommande si vous aimez ce style…) J’en profite à fond !

Je me sens privilégiée.

Si je n’avais pas eu cette amie, je me serais directement mise au travail. Là, j’ai pu savourer cette première journée de retrouvailles avec moi-même, et me ressourcer avant de passer à ma propre rentrée. Ça m’a fait du bien.

Mercredi

Aie.. mercredi est un peu plus difficile… On sent que, même s’ils sont contents de leur nouvel environnement, il y a pas mal d’émotions contenues chez mes garçons. Les disputes sont plus fréquentes, les cris se multiplient.

Mon amie part en fin d’après-midi, et j’essaye de puiser dans mes envies de maman positive pour ré-orienter les choses.

Avec succès d’abord : nous faisons des jeux de société, tout se passe bien.

En fin de journée cependant, tandis que je prépare le dîner, l’ambiance se tend.
D’abord, j’entends Léon et Anatole qui jouent avec Alice. C’est un jeu de poursuite et de bataille. Ça fait beaucoup, beaucoup de bruit, et cela me pèse…

Au bout d’un moment, Alice veut arrêter, et n’est pas écoutée. Son ton se durcit : “Anatole, rends-moi mon coussin !”

Je monte alors, avec l’idée de prendre le relai.

Oh, la mauvaise idée ! Je n’avais pas pris le temps d’écouter d’abord ce qui se passait en moi, et j’aurais dû !

Dès que je me suis retrouvée en haut, j’ai craqué :

J’ai trouvé Anatole accroché à un coussin qui appartenait à sa sœur, et ne voulant pas le rendre. Il jouait encore, elle non. Je lui ai arraché le coussin en le poussant à moitié, il s’est mis à pleurer, et j’ai crié : « je n’en peux plus de vos hurlements depuis ce matin ! »… Là, j’ai réalisé que je ne calmais pas tellement les choses, et je suis repartie…

Heureusement, plus tard, j’ai pu remonter calmée, me suis excusée, et ai accompagné Anatole seul pour un petit bain, afin de le détendre aussi.. et ça a été efficace.

N’empêche, sentiment un peu amer en cette fin de journée… je me couche en souhaitant faire mieux le lendemain…

Jeudi

Allez les garçons, le train part à 8h12 ! C’est difficile d’être prêts à partir. Nous ne ratons pas le train, mais il nous faut courir sur le quai pour l’attraper… Les préparatifs du matin sont encore à peaufiner. Nous avons un peu perdu le rythme.

D’autant que Nicolas, mon mari, est en déplacement toute la semaine. Je dois donc m’assurer seule que les choses avancent tout en me préparant.

Tout va bien cependant.

Encore une nouvelle expérience aujourd’hui : Mélissa, une jeune américaine, m’accompagne pour aller chercher les enfants. C’est la première fois qu’elle va les voir, et elle sera ensuite chargée de les récupérer et de les garder tous les jeudis en fin d’après-midi. (Cela permet aux enfants de continuer à parler anglais de temps en temps depuis notre retour de Porto Rico)

Une réussite. Tout se passe bien avec Mélissa, et j’en profite puisque cela me permet de travailler un peu plus longtemps. Chouette. Un point de plus qui s’installe dans notre organisation.

Le soir, comme la veille, je savoure un moment avec mes grands.

En effet, je les vois moins : Alice profite des premiers jours pour trainer un peu avec les copains après l’école, Oscar dîne et travaille sur place, et rentre après 20h.

Alors, une fois que Léon et Anatole sont au lit, nous restons tous les trois un moment, à discuter et à voir Friends !

Vendredi

Yes ! Cette fois, le matin se passe sans stress. Tout est fluide, nous sommes en train de prendre le rythme, je suis super contente.

Jusqu’au moment où… en montant dans le train, Léon me dit : “Maman, on n’a pas les cartables !” Oups…

Tant pis, j’accompagne les enfants à l’école, puis je reviens à la maison, et je retourne à l’école pour poser les cartables.

N’empêche, ça nous servira de leçon, je crois que nous n’oublierons plus les cartables !

Ouf. Il est 16h20, je récupère mes garçons, ravis de leur semaine de rentrée. Le vendredi, c’est toujours plus cool : pour moi, c’est déjà le week-end. Ils peuvent jouer dans le jardin, bricoler à la cave, on est tranquille.

Et puis, je les entends chanter les chansons apprises à l’école. Chansons que j’aime beaucoup, déjà.

Léon chante des bulles qui s’envolent, et Anatole clame : “Je veux apprendre ! Je veux apprendre !”

Enfin

Voilà, c’est la fin de cette semaine. J’ai hâte du week-end, et de retrouver mon mari, de voir plus mes grands, bref, que nous nous retrouvions tous ensemble… Brièvement, car dès mardi, je pars à mon tour une semaine, avec mon groupe de travail. Alors, je savoure.

Ah, je ne vous ai pas parlé de la découverte des devoirs pour Anatole… mais je crois que cela pourra faire l’objet d’un article à part entière, parce que c’est un thème qui en vaut la peine.

Et chez vous ? Comment s’est passée la rentrée ?

Je vous avais fait part en janvier de ma décision de prendre mon fils Léon, 7 ans, en école à la maison. Cela fait maintenant 4 mois, et je vous en ai peu parlé depuis. Non parce que je n’avais rien à dire, mais parce qu’avec l’IEF, tout d’un coup, notre temps s’envole… Et pourtant, ce parcours est intéressant, je crois. Comment s’est passée l’adaptation, comment nous sommes-nous finalement organisés, quelle sera la suite… En somme, quel est le bilan, après 4 mois d’école à la maison ? J’avais pas mal d’interrogations sur la manière dont se déroulerait l’IEF, aujourd’hui j’ai plus de réponses. C’est ce dont je voudrais vous parler aujourd’hui.

Est-ce que Léon se sent bien en école à la maison ?

Commençons pas le commencement. Nous avions décidé de retirer Léon de l’école parce qu’il y était mal, alors la première question à laquelle je voudrais répondre, c’est celle de savoir s’il se sent mieux.

Là, aucun doute : c’est le jour et la nuit !

Depuis que nous avons mis l’IEF en place, mon fils s’est remis à respirer autrement. Déjà, les pipis au lit avaient disparu depuis que la décision avait été prise. Et à partir du moment où il est resté à la maison, nous avons retrouvé notre joli sourire. Lui qui était devenu tendu et agressif s’est détendu. On sentait qu’il pouvait de nouveau s’épanouir.

Il adore avoir du temps pour lui, l’école ne lui manque absolument pas, il trouve son équilibre, c’est un bonheur.

Les liens sociaux

Nous avons quatre enfants. Nos enfants ne sont donc jamais très longtemps tout seuls… (nous non plus, d’ailleurs !). Léon et Anatole, qui sont les plus proches, en particulier. Dans tous les moments où son petit frère n’est pas à l’école, Léon joue avec lui. Beaucoup.

Cependant, Léon a également l’occasion de voir d’autres enfants :

  • le jeudi, nous allons régulièrement en forêt rejoindre d’autres enfants qui sont également instruits en famille.
  • après l’école, nous invitons parfois l’un de ses copains de CE1. En général, environ une fois par semaine. Et ça se passe bien.
  • le vendredi, il m’accompagne dans ma séance de Discipline Positive en classe de CP. Il n’y prend pas une part active, mais reste dans le groupe et assiste à la conversation. Souvent, nous arrivons en avance, et il participe d’abord à la fin de la récréation.
  • il fait également partie des farfadets (des scouts, en plus jeune). Une fois par mois, il participe donc à la rencontre d’une dizaine d’enfants.

Léon n’est donc pas isolé. D’ailleurs, il n’exprime aucun manque sur ce point-là. Si c’était le cas, il serait facile de trouver d’autres occasions de retrouver des enfants en IEF comme lui, car de nombreuses rencontres et sorties sont organisées. Je ne l’ai pas beaucoup fait parce que nous n’en ressentons pas le besoin, ni lui, ni moi.

L’apprentissage académique

Léon « travaille » beaucoup moins que lorsqu’il était à l’école, c’est évident. Il passe énormément de temps dans les BD. Astérix, Léonard, les schtroumpfs, n’ont plus de secret pour lui (merci la bibliothèque). Mais… n’avons-nous fait que ça pendant 4 mois ?

Le contenu

Il est tres facile d’apprendre des tonnes de choses au quotidien, sur tout un tas de sujets ! Ceux qui pratiquent le « unschooling » (soit aucun enseignement formel) en savent quelque chose.

Je crois cependant qu’il est plus facile d’avancer en francais avec un minimum d’enseignement formel. Nous réservons donc un temps de travail à cela, et nous y glissons également les maths !

Certes, Léon écrit beaucoup moins que ce qu’il ferait s’il était en classe. Cela ne nous a pas empêchés de faire de la grammaire, et d’apprendre les conjugaisons. Nous avons un classeur pour les fiches, qui contient tout ce que l’on apprend. Au niveau mathématiques, nous avançons également bien, dans les différentes opérations en particulier. Pour ces deux matières, j’applique pas mal de méthodes Montessori, et cela nous convient bien.

Le temps de travail

Le rythme n’est pas évident à trouver. Au début, nous travaillions le matin, jusqu’au déjeuner. Je me suis vite rendue compte que nous n’avions absolument pas besoin de tout ce temps-là ! Donc, l’horaire de travail a été raccourci et placé, au fil de nos envies, à des moments variants. Cela manquait de cadre… Nous avons alors convenu que ce serait fixe : tous les matins de 8h30 à 10h. Cela a très bien fonctionné pendant un bon moment. Depuis le retour des vacances, mon emploi du temps s’est alourdi, et les séances de travail de Léon s’en ressentent. Elles ne sont plus quotidiennes. Cela ne m’inquiète pas, et lorsque nous travaillons, c’est souvent tres efficace.

Je suppose que toutes les familles qui essayent de trouver l’équilibre entre le temps de travail et le reste passent par ces changements : essayer, observer, voir ce qui marche, changer, recommencer… C’est aussi ça la vie ! Egalement un apprentissage en soi !

L’apprentissage informel

La magie de l’école à la maison est là : dans l’apprentissage informel, qu’il soit autonome ou non.

Les sorties

D’abord, il y a tout ce qu’on a eu l’occasion de voir et d’apprendre lors de nos sorties :

J’ai très vite acheté le pass annuel du palais de la découverte et cité des sciences (c’est le même). Malheureusement, la cité des sciences est un peu loin.. Moins facile donc, mais quand même, entre les fois où nous avons l’énergie d’y aller, et les moments palais de la découverte, on a appris tellement de choses dont nous n’aurions probablement pas parlé autrement :

  • le lien entre les saisons et la rotation de la terre autour du soleil, les jours qui rallongent et raccourcissent, les étoiles dans le ciel…
  • les poissons électriques : pour se défendre ou pour communiquer
  • les bactéries du corps humain, l’intestin, le microbiote
  • le fonctionnement des gênes dominants et récessifs, l’hérédité

Léon est systématiquement passionné, et, je dois dire, moi aussi ! A chaque fois, je ressors en me disant qu’il faut qu’on y aille plus souvent !

Vous l’aurez compris, je suis plus attirée par les sciences… Mais j’ai quand même saisi cette occasion du temps que nous avions pour initier Léon à l’art :

  • au musée d’Orsay, où il a apprécié les statues, et découvert les impressionnistes
  • à l’atelier des lumières où mes parents l’ont amené voir une expo de Van Gogh en sons et lumières

Nous allons aussi bien plus régulièrement à la médiathèque, et piochons au hasard de nos trouvailles dans : ce qui se trouve sous Paris, les cathédrales, les atlas… (et les BD !)

Sans aller loin

Et puis, il y a tout ce que l’on apprend sans bouger, juste parce qu’on suit l’énergie insufflée par l’enfant.

Nous avons ainsi passé des jours à dessiner et colorier tous les drapeaux d’Europe, et à les disposer sur le sol en fonction de la position du pays correspondant. Nous avons lu la signification des couleurs qui les composent, grâce à l’excellent livre « Les drapeaux du monde expliqués aux enfants« . C’était incroyable de voir Léon se passionner pour cela, et identifier les positions des pays d’Europe…

Nous avons également créé un herbier avec les feuilles que nous avons trouvées dans la rue, et appris à identifier le noisetier, le bouleau, le marronnier, et autres arbres que je regardais à peine avant de prendre le temps de le faire avec lui.

Nous faisons régulièrement des parties de jeux de société, et nous cuisinons. (Quels progrès sur ce plan-là !!)

Il bricole toujours beaucoup, et construit ses propres objets… il a également appris à coudre.

Et puis, bien sûr, il est au point sur l’invasion de la Gaule par Jules César (et le village qui résiste encore et toujours à l’envahisseur), et sur la forêt palombienne (celle du Marsupilami), qui l’a mis sur la trace de l’Amazonie, que nous avons pu repérer dans l’atlas, et dont il connait également la faune par « la cabane magique » !

Est-ce que je me sens bien en école à la maison ?

Enfin, pour faire écho à la première question que j’ai soulevée, je terminerai avec cette question qui, cette fois, me concerne. Car nous sommes en fait deux à faire l’école à la maison. La question se pose donc de savoir si cette solution convient à tous.

Vous vous en souvenez, lorsque nous avons pris cette décision, elle était temporaire.

Je suis tellement contente de voir tous les aspects que je viens de vous présenter que je me suis cependant sérieusement interrogée sur l’opportunité de continuer. Je vois le bonheur de la douceur du rythme, des moments partagés, de l’apprentissage plaisir, et je me dis que ce serait chouette de continuer…

Et en même temps.

En même temps, c’est clair : je manque de temps pour moi.

L’école à la maison, c’est top, mais ce n’est pas l’équilibre que je recherche, ou en tout cas, pas en ce moment. Depuis le début, je suis frustrée de tout ce temps que je n’ai plus pour continuer à développer mon activité au rythme que j’aimerais. Frustrée par les réunions auxquelles je ne me rends pas. Par les idées qui me viennent et que je n’ai pas le temps d’implémenter.

Et pourtant, j’ai déjà l’impression de voler tous les moments que je peux pour travailler entre deux activités…

Alors, j’ai décidé que l’expérience s’arrêterait là pour le moment.

Léon et Anatole ont été acceptés tous les deux à partir de septembre dans une autre école, où je sais que l’ambiance est plus bienveillante. Ce n’est pas mon école idéale, mais elle offre un bon équilibre entre ce que je cherche et ce que je peux offrir.

Je suis ravie d’avoir eu l’occasion de vivre cette expérience. L’occasion se représentera peut-être un jour. Mais aujourd’hui, j’ai envie et besoin d’autre chose. Je vous dis souvent que pour bien s’occuper de ses enfants, il faut d’abord prendre soin de soi. Remplir d’abord son propre réservoir. C’est le choix que je fais.

Qu’en pense Léon ?

Léon aimerait continuer à rester à la maison. Il me suggère même des idées d’organisation : « Tu me donnes plus de travail en autonomie, et tu fais les leçons à Anatole, et après c’est lui qui apprendra le travail en autonomie, et comme ça, tu pourras travailler ! ». Mais il comprend. Il appréhende un peu le retour à l’école, sans plus.

Et puis, hier, nous avons eu un échange que je crois assez déterminant.

Il venait de passer la journée entière au centre aéré, ce qui n’arrive à peu près jamais. J’animais une formation en multi accueil, et n’étais pas disponible. Lorsque je l’ai récupéré, il m’a dit qu’il n’aimait pas certains animateurs. Il me raconte : « C’est fou, il y en a qui ne savent pas que ce n’est pas agréable de pousser ! »
Récit rapporté de sa conversation avec l’animateur Momo :
« Momo, tu peux arrêter de me pousser s’il te plait ?
– pourquoi ?
– parce que c’est désagréable…
– oui, ben si c’est désagréable, t’as qu’à aller plus vite, et puis c’est tout ! »

Il enchaine avec l’anecdote suivante où un animateur, trouvant qu’il trainait en rentrant de leur sortie, lui a dit : « Ca suffit d’être derrière ! Si ça continue, dès qu’on arrive au centre, tu es puni ! »

Je me suis alors mise à sa hauteur, et je lui ai dit :

« Tu vois, c’est pour ça que j’ai envie d’avoir plus de temps pour travailler. Parce que j’en ai assez de vivre dans un monde où les adultes parlent comme ça aux enfants, juste parce qu’ils en ont le pouvoir.

Ce matin, j’ai passé du temps avec des dames super qui gardent des enfants avant la maternelle, et qui apprennent à parler autrement, justement. Et j’ai envie de partager ça encore, et encore. D’aider le plus de gens possible à changer. J’ai besoin d’avoir plus de temps, pour aider à changer tout ça ! »

Je crois qu’il a compris.

Je vous ai déjà parlé ici de discipline positive, et en particulier de discipline positive en classe. L’éducation nationale affiche bien dans ses ambitions le développement des compétences socio-émotionnelles chez les élèves, apprendre à mieux vivre ensemble, à résoudre les conflits de manière respectueuse… Seulement voilà : les adultes qui les entourent n’ont souvent pas appris ces compétences-là, alors comment les enseigner ? Le défi des enseignants dans ce contexte est très proche de celui des parents, qui cherchent à transmettre des notions de bienveillance et de respect, qui ne sont pas vraiment dans la continuité de ce que nous avons reçu lorsque nous étions enfants… La discipline positive en classe, c’est un moyen de faire évoluer les choses, et j’adore y contribuer !

Le besoin de développer les compétences socio-émotionnelles

Les neurosciences sont aujourd’hui formelles : le cerveau d’un enfant sous stress se développe moins bien ! C’est au contraire lorsque l’enfant est entouré d’empathie que son cerveau se développe mieux, qu’il progresse, qu’il apprend, et qu’il donne le meilleur de lui-même. Il a alors plus confiance en lui et peut progresser encore. C’est un cercle vertueux.

En classe, cela se ressent aussi, évidemment. Dans son livre « Heureux d’apprendre à l’école », Catherine Gueguen présente les résultats de certaines recherches qui montrent que les élèves qui développent les compétences socio-émotionnelles voient leurs résultats scolaires s’améliorer. De façon intéressante d’ailleurs, cela est vrai également lorsque seuls les enseignants de ces élèves se forment !

Il existe aujourd’hui plusieurs manières de développer ce type de compétences. Plusieurs approches qui avancent dans le même sens. La CNV par exemple. La discipline positive est l’une de ces approches.

Qu’est-ce que la discipline positive en classe ?

La discipline positive est une approche fondée sur les principes d’un psychiatre autrichien, Alfred Adler, et qui a été développée par Jane Nelsen, enseignante et mère de 5 enfants.

L’association de Discipline Positive propose une approche très complète, puisqu’elle propose des formations aux parents et aux enseignants, et qu’elle propose également tout cet accompagnement à la Discipline Positive en classe.

De mon côté, j’ai été formée pour aider un enseignant à mettre en place la Discipline Positive dans sa classe, et pour animer des ateliers de parents.

A terme, j’ai l’intention de me former également à former les enseignants pour qu’ils puissent agir de manière indépendante. J’attends pour cela d’avoir plus d’expérience en classe moi-même.

Une démarche sur toute l’année scolaire

Accompagner les élèves dans la démarche de la Discipline Positive ne se fait pas en un jour. C’est en réalité une démarche étalée sur toute l’année scolaire, avec des séances régulières (en général, hebdomadaires).

L’objectif est d’atteindre une ambiance de classe dans laquelle le groupe peut discuter ensemble. De l’organisation nécessaire à la classe, leurs idées, des problèmes qui surgissent. Cela se fait au cours de TEC, ou Temps d’Echange en Classe, qui sont des réunions de classe. Pendant ces TEC, chacun peut s’exprimer. Chacun fait partie de la solution.

L’enseignant sort alors de son rôle d’autorité, pour chercher avec les élèves les solutions à mettre en place dans la classe pour que le groupe entier fonctionne mieux.

Cependant, avant de parvenir à mener ces réunions de manière harmonieuse, il s’agit de s’assurer que certaines compétences fondamentales sont acquises.

C’est pourquoi les premières séances (et quand je dis les premières, cela dure en fait un sacré temps, disons presque la moitié de l’année, cela dépend des classes, et de la manière dont on progresse) sont consacrées au développement de ces compétences fondamentales : implication de chacun dans le groupe classe, auto-régulation, respect mutuel, coopération, communication, etc…

Au fur et à mesure, les échanges s’enrichissent, la dynamique de la classe se modifie, et l’on peut aller plus loin. Dans le processus, enseignant et élèves grandissent ensemble.

Mon expérience de Discipline Positive en classe

J’ai suivi une formation de personne-ressource, pour aider à mettre en place la Discipline Positive dans une classe en mars 2017. Fin 2017, enfin, je commençais à me rendre en classe de CE1 pour les premières séances. Je vous en avais parlé à l’époque, et j’étais enchantée de mes débuts. Cependant, la ré-organisation des cours suite à l’ouragan Maria qui n’était pas passé inaperçu avait provoqué l’interruption du projet.

Lors de mon retour en France, j’ai de nouveau cherché un terrain d’entrainement, et j’ai trouvé !

Depuis novembre 2018 (nous sommes, à l’heure où j’écris en avril 2019), j’interviens de manière quasi-hebdomadaire en classe de CP. La maitresse est volontaire (bien sûr, sinon je ne serais pas dans sa classe), dynamique, et très ouverte. Elle, les élèves, et moi, progressons tous à la fois !

C’est tellement chouette de voir comment la classe s’investit ! D’être témoin de la magie qui s’opère dans ce groupe, alors qu’ils n’ont que 6 ou 7 ans ! … que j’ai bien l’intention de vous faire un article spécifique sur mon expérience dans cette classe ! Promis, il ne trainera pas.

—- septembre 2019, 2 petits compléments —

  • Hum… Finalement, l’article traine… puisqu’il n’est toujours pas écrit ! Ce sera l’occasion de vous faire carrément un bilan de l’année.. avant celle qui va commencer puisque, c’est décidé, je vais de nouveau intervenir dans cette classe !
  • En mai/juin, j’ai également mené un projet en classe de 5e, avec une bonne partie de l’équipe pédagogique. Les profs volontaires ont donné chacun une heure, plus quelques sessions en « vie de classe » : nous avons pu faire 8 sessions, et c’était MAGIQUE !! Là aussi, il va falloir que je vous détaille un peu tout ça. En attendant, sachez que l’on peut vraiment agir sur l’ambiance de classe, planter des graines sur des manières plus respectueuses de vivre ensemble. J’y crois, et n’ai pas l’intention de m’arrêter en si bon chemin !

La semaine dernière, j’avais un rendez-vous avec la professeur d’anglais de ma fille Alice, en 5e. C’était un rendez-vous à ma demande, suite à un épisode délicat. Ce n’est pas la première fois que je me sens en désaccord avec l’attitude d’un professeur. Plus j’avance sur le chemin de l’éducation bienveillante, plus souvent je me sens en décalage avec d’autres adultes. Il est devenu important pour moi de savoir le communiquer. En voici une illustration.

Préalable

Le matin de ce rendez-vous, j’ai écrit un mail à tous les abonnés des 6 doigts de la main (si vous n’en faites pas partie, je vous invite à corriger cela au plus vite en me laissant votre adresse dans ce formulaire) leur expliquant le contexte, et leur demandant leurs conseils.

J’ai eu plusieurs réponses intéressées et intéressantes, et j’avais promis de tenir mes abonnés au courant de la manière dont se passerait l’entretien. C’est le point de départ de cet article.

Le contexte

Au début de la semaine précédente, les élèves ont présenté un devoir maison qui, semble-t-il, ne correspondait pas à ce que voulait la prof. Elle a donc apporté pas mal de modifications aux papiers de certains élèves, à coup de blanc correcteur.

Ma fille, cependant, avait trop écrit, et les corrections auraient pris trop de temps. La prof a donc décrété que « ce n’était même pas la peine de commencer », et a simplement froissé le papier d’Alice pour le jeter à la poubelle…

L’histoire ne s’arrête même pas là : le papier en question devait leur servir pour le contrôle qui suivait, Alice a dû se débrouiller sans. « Tu n’as qu’à le faire de tête ! » lui a dit sa prof.
Heureusement, elle était au point sur ce qu’elle avait préparé, et a eu 15/15 au contrôle en question.

Pour autant, ce qui me gêne le plus dans cette histoire, c’est cette étape de papier à la poubelle !
Bon sang, est-ce qu’on trouverait cela normal dans un bureau ? Si le chef d’équipe jetait le travail de quelqu’un ainsi, ne considérerait-on pas qu’il lui manque de respect ?
Qu’est-ce qui autorise les adultes à se comporter ainsi avec les enfants ?

Et comment peuvent-ils ensuite demander du respect de la part des élèves, s’ils n’en montrent pas de leur côté ?
Comment faire en sorte d’encourager le monde à réfléchir en terme de respect mutuel ?

Cet épisode est encore pour moi une illustration du fait que le respect est une notion toute relative.

Dans le monde de l’éducation, de surcroit, un professeur pense-t-il qu’un élève peut ressortir motivé d’un tel échange ?

J’ai demandé ce rendez-vous, parce que je ne serais pas alignée avec mes valeurs si je ne cherchais pas à partager ce message avec cette enseignante. Je ne suis cependant pas très à l’aise… Comment va-t-elle me recevoir ?

Je sais que cela dépendra beaucoup de la manière dont je l’aborderai moi-même : il s’agit de faire en sorte qu’à mon tour, je ne lui manque pas de respect. Sinon, je ne risque pas d’être entendue.

Dans l’ensemble

Dans l’ensemble, l’entretien s’est bien passé.

Soit, j’y avais pas mal réfléchi, et je suis contente de la manière dont j’ai réussi à mener les choses. Je sais cependant que j’aurais pu être mal reçue, et cela n’a pas été le cas. Mon interlocutrice a été plutôt réceptive, et ce n’était pas facile pour elle non plus.

Je sais aussi que ce genre d’entretien ne se serait pas passé de la même manière il y a quelques années.

Je trouve toujours impressionnant de constater comment ce que j’ai appris sur le chemin de la parentalité s’applique dans mes relations avec les adultes également.

Première étape : se connecter à l’autre

Ainsi, ma première idée était de d’abord mettre en place une connexion.
En effet, si j’abordais directement un point difficile, j’avais moins de chances d’être écoutée (et encore moins entendue) que si j’échangeais d’abord pour créer un lien.

J’ai donc commencé mon entretien de la manière la plus neutre possible, remerciant la professeur de me recevoir, lui partageant le fait que j’avais déjà hésité à la voir au début de l’année, pour lui parler d’Alice, et que j’avais finalement décidé de les laisser prendre leurs marques. Que j’aimerais bien avoir son retour sur Alice maintenant.

Alice est en effet un cas particulier : elle arrive en 5è dans une classe d’anglais « normale », alors qu’elle sort de 7 années en école américaine, elle est donc parfaitement bilingue.

Sa prof me répond (avec un peu plus de mots que ça) que tout va bien. Je lui parle quand même du fait qu’Alice ne se sent pas très motivée, ce qui se comprend, et elle revient sur l’idée de laisser Alice lire des livres en anglais pendant le cours, puis de lui faire des compte-rendus écrits une à deux fois par semaine, plutôt que de suivre le cours avec les autres.

Je suis surprise par cette entrée en matière, qui est de bon augure ! La prof se montre en effet flexible, prête à voir la spécificité de chacun. Pourtant, cette idée avait déjà été soulevée en début d’année, et non suivie parce qu’elle demandait à Alice de suivre le cours en même temps qu’elle lisait… Il est possible qu’elle ait eu besoin de vérifier les acquis d’Alice, avant d’être à l’aise avec ce fonctionnement, ou bien qu’elle ait eu peur d’un sentiment d’injustice des autres élèves. Je ne sais pas, et ne le saurai pas. Je suis cependant ravie de cet arrangement, qui n’était pas mon but premier mais promet de changer les choses pour Alice désormais !

Deuxième étape : aborder la situation qui pose problème

Je savais que cela représentait le moment délicat.
Là encore, j’avais réfléchi en amont à la meilleure manière d’aborder les choses.

Finalement, c’est un message d’une lectrice, reçu juste avant mon entretien, qui m’avait offert l’accroche qui me semblait la plus appropriée : lui demander simplement de me raconter sa propre version de l’incident.

J’aimais beaucoup cette idée, pour deux raisons. D’abord parce qu’elle me permettait de m’ouvrir sincèrement à une autre perspective sur l’épisode. Ensuite parce que cela me donnerait l’occasion d’entendre la position de ce professeur sur son geste, pour pouvoir ajuster mon discours.

J’ai donc simplement fait la transition suivante :
“L’autre raison pour laquelle je voulais vous rencontrer, c’était pour parler d’un épisode de la semaine dernière. Il semblerait que les élèves aient dû préparer des notes sur des personnages, Alice avait choisi Alexander Hamilton, et visiblement, certains élèves avaient trop rédigé, et vous avez dû faire des corrections.
Pouvez-vous me dire ce qu’il s’est passé à ce moment-là avec Alice ?”

Etrangement, mon interlocutrice se met alors à réfléchir. “Avec Alice… ? Voyons… Non, je ne me souviens de rien de particulier…”
Je suis estomaquée… Est-ce réel ? Est-ce feint ? Je choisis de faire confiance, et réponds :
“Ca ne vous a pas marquée… C’est fou, je suis contente de venir vous voir, parce que chez nous, ça a été un épisode marquant.”

A présent, à moi de raconter l’épisode. Et je fais attention à ne pas lui dire “vous”, pour essayer de dépersonnaliser la scène, et qu’elle ne se sente pas trop attaquée. Parce que si mon discours provoque une position de défense, je ne pourrai plus faire passer mon message.

“Encore une fois, c’est un peu un téléphone arabe, mais ce qu’Alice m’a dit, c’est :
“Quand la prof a vu tout ce que j’avais écrit, elle a dit “ce n’est pas même pas la peine de commencer”, elle a froissé ma feuille, et l’a mise à la poubelle.”
Autant vous dire qu’en me racontant ça, elle pleurait…”
Réponse de la prof : “Je suis désolée qu’elle l’ait pris comme ça…”

Moi, intérieurement : “Mais bon sang, comment voulez-vous qu’elle le prenne ??”
Moi, extérieurement : “C’est à dire que parfois, on ne se rend pas compte, mais… si vous étiez dans une équipe, que vous rendiez un travail, et que le chef d’équipe jette ce travail à la poubelle, il est probable que vous ne le prendriez pas bien, non ?”

Troisième étape : la justification

C’est amusant, au paragraphe précédent, j’ai écrit que c’était le moment délicat, mais maintenant que j’en arrive à cette étape, j’ai envie de dire que c’est celle-ci !

Parce qu’on entre à ce moment-là dans l’étape dans laquelle la prof essaye d’expliquer son geste, de le justifier d’une certaine manière, ce que je peux comprendre.

J’ai déjà souvent été prise en faute, en contradiction avec mes principes, et il n’est pas rare qu’au lieu de simplement répondre “Tu as raison, je suis désolée”, je commence par me justifier. Si l’on est honnête, je crois que cela nous arrive à tous, non ?

Je sais donc qu’il faut lui laisser cet espace. Espace pendant lequel ni elle ni moi ne sommes bien à l’aise, mais j’ai besoin de ce temps pour passer ensuite à la présentation de mes valeurs.

Elle m’a donc expliqué qu’elle ne pensait pas à mal avec ce geste. Que, certes, il était probablement maladroit, mais qu’il fallait qu’elle puisse poser des limites, sinon les élèves n’apprennent pas à suivre les instructions. Que les notes prises servaient ensuite pour la rédaction individuelle en classe, qu’il n’aurait pas été juste de laisser Alice avec ses notes déjà rédigées alors qu’elle ne les avaient pas laissées aux autres. (Seulement, Alice avait trop écrit pour que cela puisse être ajusté).

Je sens bien pendant qu’elle m’explique cela, qu’elle est nerveuse. Des plaques rouges apparaissent sur son cou. Pour moi, c’est bon signe. Cela prouve qu’elle n’est effectivement pas fière de son geste, et que ses justifications ne la convainquent pas vraiment. Ce qui signifie qu’elle sera probablement réceptive à mon message.

Quatrième étape : partage de mes valeurs

Je suis venue pour cela, je tiens à partager ce en quoi je crois.
Après l’avoir écoutée, je lui explique donc, en essayant d’y mettre les formes, pour lui montrer que je reçois sa gêne :
“Je sais que nous avons tous parfois des attitudes qui ne correspondent pas à ce que nous aimerions. Ici, je dois dire que je vois deux conséquences, qu’il me semblait important de discuter.

La première, c’est la motivation. Je suis justement en train de lire le dernier livre de Catherine Gueguen, je ne sais pas si vous la connaissez (non), qui parle d’études montrant que le lien entre l’enseignant et l’élève rend l’élève plus motivé, et que ses résultats s’en ressentent, évidemment. Or, il me semble qu’un enfant qui voit son devoir partir à la poubelle risque de ne pas être motivé à le faire la fois suivante. – ce à quoi la prof ne peut qu’acquiescer –

La deuxième, c’est le respect. Nous, les adultes, demandons souvent que les enfants nous respectent, et pas seulement au sens de suivre les consignes, mais vraiment au sens de respect, d’humain à humain. Or, nous oublions souvent de les respecter de notre côté. Et je crois que c’est très important dans une relation, de respecter l’autre pour pouvoir être respecté.”

A ce moment-là, j’ai dit ce que j’avais à dire, et j’ai de la chance, car je sens bien que la prof est réceptive à ce que je dis, qu’elle est ouverte à mon partage. Seulement, même dans ce cas, puisque la conversation part d’une attitude sienne à l’encontre de ces principes, il est impossible qu’elle ne se sente pas accusée.

Or, de nouveau, ce n’est pas mon but. Parce que je sais d’expérience que le message est moins bien reçu dans ce cas-là. Il s’agit donc de vérifier cela, et de l’atténuer.

Cinquième étape : me sortir du rôle du juge

Pour la vérification, c’est facile, puisque la prof elle-même me dit : “Je me sens un peu comme au tribunal.” Là, au moins c’est clair.
Elle complète : “Je vous assure que j’ai toujours le souci de faire en sorte que les élèves se sentent bien dans ma classe. J’ai effectivement eu un geste inapproprié, je ne m’en suis pas rendue compte, et je suis désolée de l’impact qu’il a eu sur Alice. Mais j’ai du mal à vous entendre, parce que j’aime mes élèves et j’essaye vraiment de les écouter.”
Et je la crois. Tous, à notre niveau, on essaye, et on arrive plus ou moins bien selon les jours…

A moi de reconnecter, maintenant.
“Je suis désolée que vous vous sentiez ainsi. Je ne veux pas me poser en donneuse de leçons. Je vous remercie de me partager ce que vous sentez, ce n’est pas facile. Je sais que nous essayons tous de faire de notre mieux, et nous avons des failles, parce que nous ne sommes des super-héros.
Je ne vous connais pas. Chez les profs, comme chez tout le monde, il y a tout un spectre, et je ne sais pas où vous vous situez sur ce spectre. Aujourd’hui, j’entends que vous êtes réceptive à ce que je dis.
Comme vous le savez, nous venons d’un autre environnement. Les enfants étaient à l’école américaine jusqu’à cet été, et je savais qu’en rentrant en France, nous ferions face à un autre style éducatif, et que ce ne serait pas toujours évident.
Aujourd’hui, je voulais vous parler de cet épisode, parce que si je ne le faisais pas, j’aurais le sentiment de ne pas être alignée avec mes valeurs.
Ce n’est pas non plus évident pour moi, mais c’était important, et je vous remercie de m’avoir écoutée.”

Sixième étape : conclusion

Cette fois, nous avons dit tout ce qu’il y avait à dire. Et la prof me surprend en allant plus loin.
Elle me dit qu’elle va parler à Alice, et s’excuser.

En effet, elle le fera l’après-midi même, gardant Alice après le cours pour lui parler. Je ne peux que saluer le courage de cette prof. J’imagine que ce n’est pas facile de s’excuser auprès d’un élève. Certains penseraient y perdre de l’autorité. Pour en avoir parlé avec Alice, je crois qu’ici, au contraire, elle en a gagné.

Les leçons revues au passage

Ce que j’aime dans ce genre de situations, c’est qu’elles sont toujours l’occasion de revoir un peu la théorie en la mettant en face de la pratique.

La raison positive derrière le comportement

Nous avons déjà parlé du fait que derrière tout comportement, existe une raison positive. C’est une notion qui m’avait marquée dans une conférence de Marshall Rosenberg.

C’est vrai pour les enfants, c’est vrai aussi pour les adultes. Parfois, pour s’en rendre compte, il faut réussir à enfiler nos oreilles de girafe, ce qui n’est pas toujours évident.
Ici, je dois dire que je n’ai pas cherché la raison positive. Elle m’est quand même apparue au fur et à mesure de notre entretien.

La prof fait face à un problème : certains de ses élèves ne font pas leurs devoirs seuls, et reviennent avec des phrases complètement rédigées par leurs parents. Je n’y avais même pas pensé, car je crois très fort à l’autonomie dans les devoirs. Seulement, les élèves sont tous différents, et ce problème est une réalité pour cette prof.

Pour éviter ce problème, elle essaye de concentrer la production d’écrit en classe. Elle voulait donc que les élèves fassent leurs recherches à la maison pour avoir leurs renseignements sous forme de prise de notes, avant de rédiger leur présentation en classe, à l’aide de ces notes. Si les élèves reviennent avec des phrases rédigées, impossible pour elle de savoir s’ils les ont vraiment rédigées seuls.

Voilà pourquoi elle a procédé à des adaptations, et, de nouveau, le texte d’Alice était trop long. Elle s’est donc retrouvée bloquée : impossible de tout modifier, mais impossible aussi de le lui laisser, pour des raisons d’équité…

Bien sûr, il y avait d’autres manières de faire que de jeter le devoir à la poubelle, mais, au moins, on comprend d’où vient la décision. Ma fille ne l’avait pas compris, et trouvait très injuste de devoir faire sa rédaction sans avoir ses informations.

L’importance d’être authentique

Deux illustrations ici de ce point, que je cherche de plus en plus à vivre au quotidien.

D’abord, en continuation du paragraphe précédent sur la raison positive.
Il me semble que si la professeur avait pu communiquer sur la raison pour laquelle elle ne voulait pas laisser son devoir à Alice ; si elle avait utilisé, comme elle l’a fait devant moi, le terme d’équité, il est probable que non seulement Alice l’aurait mieux compris et mieux reçu, mais que ce geste ne lui aurait pas échappé. Car il lui aurait alors suffi de laisser la copie sur son bureau.

Nous avons eu un petit échange sur ce point (la difficulté d’être authentique), et elle a admis que, sur le coup, elle n’avait peut-être pas en tête les termes qu’elle a utilisés ensuite en m’expliquant la situation.

Et je ne suis pas surprise. Nous nous laissons souvent happer par nos émotions du moment. Pour elle, peut-être à ce moment-là, la frustration de devoir faire face à l’urgence des modifications, de ne pas avoir été claire dans ses instructions… et ces émotions prennent le dessus, nous aveuglant pour nous comporter ensuite de manière authentique.

Apprendre à nous écouter, à comprendre ce qu’il se passe en nous, faire preuve d’auto-empathie m’apparait aujourd’hui comme la pratique de toute une vie…
(d’où l’importance, je crois, de commencer cette écoute plus tôt avec nos enfants. Pour cela, une seule solution : apprendre à accompagner leurs émotions)

Ensuite, j’ai l’impression que la raison pour laquelle cet entretien s’est bien passé, c’est parce que nous avons chacune eu des moments d’authenticité, justement. Moi, lorsque j’ai partagé que ce n’était pas facile, mais que j’avais besoin d’être alignée avec mes valeurs ; elle, lorsqu’elle m’a partagée qu’elle avait l’impression d’être au tribunal.

Ces moments où nous avons pu montrer chacune ce qui était vivant en nous ont été déterminants pour notre échange.

Je sais que nous voyons tous le monde avec un biais qui nous permet de confirmer ce en quoi nous croyons déjà. Je suis donc, comme tout le monde, sous influence. C’est sûrement sous cette influence que j’ai pris ça comme une nouvelle confirmation que le monde serait plus agréable si nous apprenions tous à être authentiques…

Qu’en pensez-vous ?

L’école à la maison… est-ce réellement possible ? En quoi est-ce une école ? Officiellement, le terme est IEF : Instruction en Famille. Il est donc bien question d’instruction. Pourtant, les parents qui choisissent cette option n’ont en général pas de diplôme d’enseignant… Comment s’organiser lorsque rien ne nous a été fixé ? Par où commencer ? Faut-il continuer à suivre le rythme de l’école ou adopter sa propre organisation ? Délayer un peu d’enseignement formel au milieu d’autres activités, ou bien laisser l’enfant guider les choses ?

Depuis que je vous ai fait part, il y a 3 semaines, de notre décision de passer Léon, 7 ans, en école à la maison, j’ai reçu pas mal de questions de votre part.

Si vous avez raté les premiers épisodes de ce partage, n’hésitez pas à aller lire les deux articles précédents sur ce thème :
J’ai décidé de faire l’école à la maison avec mon fils de 7 ans
Ecole à la maison : mes interrogations

Lors de mon dernier article, je vous avais promis de vous parler plus spécifiquement de la partie enseignement. C’est donc mon but aujourd’hui. Comme nous ne faisons l’IEF que depuis 2 semaines, je vais surtout partager avec vous mes perspectives. Comment je vois les choses, comment je pense m’organiser… Il sera intéressant de voir, dans quelques mois, si la réalité suit bien ce que je prévois !

Par où commencer l’école à la maison : d’abord un choix d’approche

Avant de commencer, je voudrais qu’une chose soit claire : tout ce que je vais exposer là m’appartient. Ce que je veux dire par là, c’est que je n’ai d’autre ambition que de vous partager la manière dont je vois les choses pour mon fils et moi.

En aucun cas je ne voudrais affirmer que c’est la seule, ou même la meilleure, manière de faire. C’est plutôt celle qui nous correspond, à nous.

Chaque famille en IEF trouve son propre fonctionnement, sa propre organisation pour mettre en place l’école à la maison. D’abord, parce que les raisons pour faire l’IEF sont variées, ensuite parce que notre manière d’appréhender les choses peut également diverger.

Ainsi, j’ai déjà rencontré des familles dans lesquelles aucune forme d’enseignement formel n’est dispensé. Ce n’est pas mon choix. Pour autant, je respecte pleinement cette approche, qui leur correspond probablement. A l’inverse, certaines familles choisissent dans ce cas de suivre un enseignement par le CNED. Ce n’est pas non plus mon choix. Je comprends cependant que cela puisse rassurer des parents que l’éloignement de leur enfant à l’enseignement classique inquiète un peu.

L’important, je crois, c’est que chacun puisse trouver l’équilibre qu’il cherche. Nous faisons tous du mieux que nous pouvons, avec le contexte qui nous est propre.

École à la maison : savoir ce qui devrait être enseigné

Que l’on choisisse d’introduire une forme d’enseignement formel ou non, la question de ce qui devrait être enseigné se posera à un moment ou à un autre, ne serait-ce que parce que les familles qui font le choix de l’école à la maison ne sont pas complètement lâchées dans la nature. (Je vous en parlerai ci-dessous).

Comment, donc, peut-on savoir ce qui devrait être enseigné ? Ou, en tout cas, ce que notre enfant apprendrait s’il était à l’école…

Je trouve assez rigolo de voir que cette question se pose, en fait. Je veux dire, pas qu’elle se pose, mais qu’elle inquiète. Parce qu’il est en réalité très facile de trouver cette information !

On peut tout simplement s’adresser à des amis qui ont leur enfant à l’école et en parler avec eux…

On peut également, c’est certainement le plus efficace, aller consulter des manuels scolaires, voire des cahiers de vacances qui reprennent tout ce qui a été couvert pendant l’année. Cela donne une bonne trame pour savoir ce que l’on devrait aborder si l’on désire suivre le programme.

D’autre part, nombre de blogs existent autour de l’école à la maison, qui permettent non seulement d’avoir des infos sur le programme, mais également, si on le souhaite, des idées d’activités.  Je pourrai, si cela vous intéresse, vous en proposer quelques-uns. Je dois dire cependant, que, comme je fais un peu les choses à ma sauce, selon mon organisation, je n’ai pas encore passé beaucoup de temps sur ces blogs !

École à la maison et organisation : la gestion du temps

Pour l’instant, voici comment je prévois les choses.

Je n’ai pas l’intention de laisser de côté l’apprentissage formel, mais je n’ai pas l’intention d’y consacrer tout notre temps non plus. Je trouve mon équilibre entre les deux.

Routine du matin

Pour commencer, notre routine du matin n’a pas changé. Pas de raison pour qu’elle change : nos autres enfants vont à l’école (enfin… à la maternelle, au collège, et au lycée), et il nous faut en particulier accompagner Anatole, 5 ans, tous les matins.

Léon est donc réveillé en même temps que son frère, et suit, comme lui, la routine de préparation à l’école. Ensuite, selon que c’est moi ou mon mari qui accompagne Anatole, la journée se décale un peu ou pas.

Séance d’enseignement formel

En tout cas, une fois que nous sommes tous les deux prêts, nous commençons par le formel.

On sort les cahiers, et on se lance. En général, nous commençons par une phrase dans laquelle Léon doit identifier le verbe et le sujet. Puis, il remplace le sujet par un pronom. Au fur et à mesure, je fais évoluer l’exercice. Par exemple, mon sujet est un groupe nominal au singulier, et on le transforme au pluriel, avec accord du verbe…

Ensuite, on enchaine avec une autre forme d’enseignement : soit on reste sur du français, soit on passe à des mathématiques. La semaine dernière, il a construit une table d’additions.

Ce temps d’enseignement « formel » (je mets « formel » entre guillemets, parce que j’utilise parfois des méthodes un peu atypiques, dont je vais vous parler un peu plus loin) dure plus ou moins longtemps en fonction de notre programme pour la suite de la journée, ou de l’enthousiasme de Léon.

Si je vois que son activité lui plait, j’essaye de faire en sorte de ne pas l’interrompre, pour qu’il en profite le plus possible.

Je ne m’inquiète pas, en revanche, si la séance n’est pas très longue : je sais qu’en tête à tête ainsi, il apprend bien plus vite qu’en classe ! En revanche, je cherche à varier l’approche si je sens que je n’ai pas réussi à l’accrocher.

Il arrive que nous ayons alors un temps de pause. Je mets parfois celui-ci à profit pour travailler de mon côté, ou bien nous faisons une activité ensemble.

Préparation du repas

En fin de matinée (à moins que nous soyons de sortie), nous préparons ensuite le déjeuner ensemble. C’est un point que j’avais peu anticipé, et que je savoure particulièrement ! Peu à peu, je lui enseigne à préparer les aliments lui-même, et nous partageons toujours un bon moment.

J’ai d’ailleurs une petite anecdote à vous raconter, en rapport avec ce dernier point.
Hier matin, j’étais malade. Il n’y a donc pas eu école à la maison, car je suis restée au fond de mon lit. En fin de matinée, Léon vient me voir, et me déclare : « Il est 11h, je vais aller préparer le déjeuner. », puis vient me chercher une demi-heure plus tard. Il m’explique qu’il n’a pas pu faire de brocolis, parce qu’il n’y en avait plus, et a donc choisi pour légumes les restes de la veille, mais qu’il a préparé des pâtes pour aller avec. Effectivement, il y avait deux assiettes servies sur la table, avec les légumes réchauffés, et des spaghettis, qu’il avait cuits et égouttés tout seul… Moi qui cherche à développer l’autonomie chez mes enfants, je suis servie !

Et ensuite…

L’après-midi, ma foi, cela dépend.

On peut faire encore un peu d’apprentissage si rien d’autre n’a été prévu, mais dans ce cas je prévois en général quelque chose de plus informel. La semaine dernière, par exemple, il a construit une roue des saisons, en notant les mois, et en coloriant les saisons.
Ou bien, nous organisons un petit atelier couture…

Les sorties

Et puis, il y a les jours où nous sommes de sortie :

  • le premier mardi, nous sommes allés au palais de la découverte, suivre un atelier sur les saisons, après une séance de planétarium, c’était excellent !
  • le premier jeudi, nous avons rencontré un groupe de familles en IEF pour balade et pique-nique en forêt. Léon avait apporté de quoi bricoler (marteau, clous, scie), ils s’en sont donné à cœur joie !
  • le deuxième mardi, nous devions aller à la cité des sciences, mais il neigeait, et les transports étaient perturbés… Nous en avons donc profité pour faire une séance de bonshommes de neige !
  • le deuxième jeudi, nous avons fait l’impasse sur le pique-nique, parce que j’avais peur du froid.. mais nous avons quand même de nouveau rejoint le groupe en forêt après le déjeuner. Je ne l’ai pas regretté, la forêt sous la neige était magnifique ! Et ça a été l’occasion d’une grande balade avec Léon.
  • Et les deux vendredis, j’ai emmené Léon avec moi pour ma séance de Discipline Positive en classe. J’interviens en effet toutes les semaines dans une classe de CP (encore un thème dont j’aimerais vous parler plus longuement bientôt…). La maîtresse et la classe l’ont très bien accueilli, et lui a beaucoup apprécié.

Je pense que ce rythme et cette organisation se répéteront probablement. Deux bonnes sorties par semaine, cela me parait un excellent équilibre – car l’école à la maison, ce n’est pas qu’à la maison !

Note plus tard : pour voir ce qui a finalement été fait… c’est plutôt dans le « bilan après 4 mois » !

Quelqu’un va-t-il vérifier ce que je fais ?

Ceux qui font déjà l’IEF savent déjà qui vérifie quoi.

C’est cependant une question que l’on m’a beaucoup posée ces dernières semaines, ce qui est logique. Alors, pour ceux d’entre vous qui s’interrogent, je vous explique !

Comme je l’écrivais plus haut, les familles qui adoptent l’école à la maison, ne sont pas laissées sans contrôle. Non, elles font en fait l’objet de deux types de vérification.

La première est faite par la ville. En effet, la mairie est en charge de l’aspect social. L’idée, lors d’un entretien, soit en mairie, soit au domicile, sera de vérifier que l’enfant est bien entouré, qu’il ne vit pas dans des conditions insalubres, qu’il n’est pas mal traité, etc… (Et je ne veux pas de commentaire sur le fait que l’établi de bricolage de Léon est installé dans le sous-sol, cela ne veut pas dire que je l’enferme toute la journée à la cave !)

La deuxième émane du rectorat. C’est à eux de vérifier le côté instruction. Pour cela, ils procèdent, selon ce que j’ai compris, à une inspection par an. (Peut-être deux la première année, ou en cas de difficulté). Cependant, cette inspection ne s’attache pas non plus à chaque point du programme. L’idée est plutôt de s’assurer que l’enfant apprend des choses, progresse, que tout est mis en place pour l’accompagner dans son apprentissage. Et si ce n’était pas le cas, l’inspecteur tire la sonnette d’alarme, et laisse un peu de temps pour redresser la barre.

En serai-je capable ?

J’ai constaté que beaucoup de mamans se posaient cette question.
Et je ne parle pas ici du fait de consacrer tout son temps à son enfant, et ne plus en avoir pour soi, ce qui est, comme je vous l’ai partagé dans mon article sur mes interrogations autour de l’école à la maison, une de mes inquiétudes.
Non, je parle bien de capacité d’enseignement.

Eh bien, j’ai beaucoup de chance, parce que cet aspect ne m’inquiète pas du tout. Mais alors, vraiment pas ! Au contraire, je me sens armée pour cela, et en plus, j’aime ça !

D’ailleurs, j’ai toujours fait un peu de « coschooling ». Avez-vous déjà entendu ce terme ?
Il désigne le fait de faire avec ses enfants des activités d’enseignement, alors qu’ils vont déjà à l’école.
Pourquoi le faire ? Par exemple, parce que l’on constate que son enfant développe un intérêt pour quelque chose qui ne lui est pas enseigné. Typiquement, il y a quelques semaines, j’ai fait avec Anatole, une activité autour des unités et des dizaines…

Dans cette démarche, je suis sacrément aidée par deux choses :

  • ma formation de guide Montessori 3-6 ans. En effet, au cours de celle-ci, j’ai appris plein de méthodes originales pour l’enseignement des mathématiques en particulier. (que j’adore !)
  • mon expérience d’enseignement du français à mes deux grands pendant les 7 années écoulées. Au cours de ces années, j’ai couvert pour Alice (et avec l’aide du CNED) tout le programme de français du CP à la 6e. Je suis donc bien au fait du contenu, et de l’ordre dans lequel les choses progressent…

Enfin, au-delà de ces aspects « techniques », mon meilleur atout est probablement mon goût pour l’enseignement. Certes, ce n’est pas mon métier, mais j’aime accompagner un enfant vers la connaissance. J’aime l’encourager à trouver les réponses à ses questions, le suivre et le précéder lorsqu’il témoigne d’un intérêt.

Je n’ai donc aucun doute que Léon et moi allons apprendre des tas de choses au cours des mois qui viennent !

Faire l’école à la maison est une vraie décision. Une décision pour laquelle, au cas par cas, il s’agit de peser le pour et le contre. Beaucoup d’interrogations surgissent. Chaque cas est particulier, évidemment, mais beaucoup de ces préoccupations sont communes. Lorsque je vous ai fait part, la semaine dernière, de notre décision de passer Léon, notre fils de 7 ans, en école à la maison, je vous ai promis que je vous ferai part de la manière dont j’entrevois les choses, avant d’avoir commencé. C’est l’objectif de mon article aujourd’hui. (Et pour ceux qui veulent comprendre comment nous en sommes arrivés à cette décision, et comment le vit Léon, il faut aller lire l’article précédent !)

L’aspect social

Première préoccupation : l’aspect social. C’est l’un des arguments les plus cités contre l’école à la maison, et c’était également l’un de mes freins, à chaque fois que l’idée me traversait.

D’ailleurs, lorsque j’ai commencé à envisager cette éventualité plus concrètement il y a quelques mois, j’en ai parlé lors d’une réunion de famille avec nos ainés. (Oscar, 16 ans, et Alice, 11 ans). L’opinion d’Oscar était claire : il ne faut pas sortir Léon de l’école. « Tu ne peux pas le couper de ses copains. »

Je ne sais pas si Oscar réussit à se projeter à l’âge de son petit frère. Pour lui, à 16 ans, être seul à la maison est inenvisageable. Il a oublié qu’à l’âge de Léon, lorsque je l’emmenais à des anniversaires, il restait dans un coin à lire… Je ne dis pas pour autant qu’il a tort. Au contraire, je l’écoute. Je suis d’accord qu’il est important de rencontrer du monde. Je suis même consciente, au delà des copains, que l’école a un vrai rôle social !

L’école apporte certaines choses que l’on ne pourra jamais avoir chez soi

Oui, c’est sûr. Dans un contexte d’apprentissage social, il est certain que je ne pourrai jamais proposer à mon enfant ce qu’il vit à l’école.

La diversité des gens qu’il y rencontre.
Le groupe, et ce que cela implique.
La cour de récréation avec des jeux partagés, et des partenaires qui changent.
L’organisation de la classe.
Le respect de l’autre, lorsqu’il ne traverse pas les mêmes phases de concentration.
La variété des échanges.
La réalisation de son identité par rapport aux autres.
Les codes de la vie en société.

Ca en fait des choses, que l’on apprend plus en groupe que seul chez soi !

Mais… à quel prix ?

Et pourtant, je ne trouve pas cet apprentissage suffisant. Probablement parce que, tel qu’il lui est fourni, dans cette école, il ne correspond pas à ce que je voudrais lui transmettre.

Soit, en le prenant à la maison, je le coupe de l’apprentissage du fonctionnement du groupe, et de l’organisation de la classe. Je le prive aussi, et c’est dommage, d’une sacrée diversité.

Mais je ne considère pas que je le prive beaucoup en ce qui concerne le respect de l’autre, la variété des échanges, la construction de son identité.

Parce que, sur ces plans-là, j’aurais plutôt tendance à dire qu’il désapprend plus que ce qu’il apprend ! (Selon mes critères, évidemment !)

Je ne trouve pas dans cette école, en terme de respect, ce que j’aimerais y voir.

Le modèle donné par les adultes ne me semble pas respectueux des enfants.

L’enseignement du respect entre enfants me semble absent.

Au milieu de cet environnement, je ressens surtout deux choses :

  • d’abord, que mon fils devient plus agressif. Dans ses mots, dans ses attitudes. Au lieu d’apprendre à sociabiliser, il apprend à agresser…
  • Ensuite, et c’est lié, que sa confiance en lui en prend un coup. D’un côté parce que lorsqu’il sent l’agressivité des autres, il se remet en cause. D’un autre côté, parce que lorsqu’il prend du recul par rapport à son propre comportement, il s’en veut énormément, et dit même qu’il voudrait ne pas exister…

Pour moi, clairement, le prix à payer pour l’apprentissage du groupe est trop lourd dans ce contexte !

Apprentissage social : est-ce bon de garder mon fils dans une bulle ?

On peut se poser la question suivante, qui m’a valu bien des échanges sans conclusion avec des amis : est-ce qu’il est bon de protéger nos enfants de cette ambiance qui manque de bienveillance, ou vaut-il mieux qu’ils apprennent à y faire face ?

En effet, on ne peut pas changer le monde, ou du moins pas du jour au lendemain. (Mais, comme dirait Léon, justement, on y contribue !). Alors, puisque nos enfants vont bien devoir vivre dans ce monde-là, est-ce leur rendre un service que de les en sortir ?

Je n’ai pas de réponse absolue sur cette question, je ne détiens évidemment pas la vérité, si tant est qu’il y ait une vérité…

Mon opinion, cependant, c’est que pour faire face au manque de bienveillance, il faut déjà être un peu solide. Avoir de bonnes bases.

Or, à 7 ans, on est surtout en train de se construire.

En lisant Catherine Gueguen par exemple, on voit si l’un enfant est sous stress, son cerveau sécrète du cortisol, et que cela freine le développement du cerveau, et en particulier les facultés d’empathie. C’est un cercle vicieux. A l’inverse, un enfant entouré de bienveillance voit son cerveau se développer, son empathie grandir, ses facultés d’apprentissage également, sous l’effet de l’ocytocine.

Moi qui suis un parent qui chemine, je me bats au quotidien contre mes vieilles habitudes pour apporter à mes enfants un environnement qui va les aider à grandir avec confiance. Alors, laisser l’environnement scolaire leur désapprendre tout ce que j’essaye de mettre en place, non merci !

Je vois bien que la question n’est pas la même pour Alice, par exemple, qui a presque 12 ans, et qui s’est déjà pas mal construite. Elle a une maturité qui lui permet de prendre du recul par rapport à ce qu’elle voit. De se faire sa propre idée.

Je n’affirmerai certainement pas qu’elle est hermétique à une ambiance négative, mais elle a les outils pour y faire face, justement. Alors, dans son cas, effectivement, la réponse peut être qu’il vaut mieux qu’elle l’apprenne.

Mon fils, lui, est trop jeune. Il a d’abord besoin de poser ses propres bases au soleil afin de pouvoir ensuite tenir dans la tempête.

C’est du moins ce que nous lui souhaitons.

Occasions de rencontres en IEF

Avant même l’apprentissage du groupe, il y a les amitiés. Tout simplement.

C’est d’ailleurs souvent la première question que l’on pose aux enfants de nos amis : “Ca se passe bien à l’école ? Tu as des copains ?”. Comme si la mission première de l’école était d’être un lieu de rencontre. Des amis offerts sur un plateau, bien plus qu’un lieu d’apprentissage.

Leur moment préféré ? Les récrés, sans aucun doute ! Le travail scolaire, lui, ne s’effectue que parce qu’il est obligatoire, pour faire plaisir aux enseignants, et aux parents. Mais, encore une fois, je m’égare… Nous parlions donc des rencontres.

Sur ce point, deux actions sont, je crois, primordiales.

La première, c’est d’entretenir les relations avec les copains qu’il s’est faits à l’école. C’est assez facile : il y en a deux, ils vivent tout près, nous connaissons les parents, et je peux même récupérer lesdits garçons de temps en temps à l’école, puisque je vais continuer à y aller pour Anatole !

La deuxième, c’est de chercher des occasions de rencontres avec d’autres enfants en IEF. (Pour rappel : IEF – Instruction En Famille, c’est le terme officiel de l’école à la maison). Et pour cela, aujourd’hui, on est verni : il y a internet et les réseaux sociaux ! J’ai donc commencé à m’inscrire à des groupes IEF pendant les vacances de Noël, et suis déjà entrée en contact avec plusieurs personnes qui vivent à proximité. J’ai même appris que tous les jeudis, c’est balade et pique-nique en forêt pas loin de chez nous pour tous ceux de la zone.

C’est rigolo, en fait. Cet aspect de manque de rencontres est souvent un frein au passage à l’école à la maison, et mes premières recherches ont l’air de montrer qu’en réalité, il y a un sacré potentiel ! Alors, c’est sûr, il va falloir voir à l’usage. Mais quand même, je me dis que si cela se savait, il y aurait peut-être plus de familles qui feraient ce choix, et donc encore plus de gens à rencontrer !

Le temps pour moi

Egoïstement, l’un des plus grands freins pour moi au passage à l’école à la maison, c’est mon propre temps. Oui, j’adore organiser des activités pédagogiques. J’adore voir l’intérêt de mon enfant quand je lui parle de grands nombres.

Mais ai-je vraiment envie de faire cela à temps plein ? En suis-je seulement capable ?

Je n’oublie pas que pour être une maman positive, il faut d’abord remplir mon propre réservoir affectif. Je ne suis pas sûre de réussir à le faire si je n’ai pas de temps pour moi. Sans compter que je n’ai pas l’intention d’abandonner mon métier qui me nourrit tant : celui d’accompagner les parents sur le chemin de la parentalité positive, au travers de ce blog et des formations que je vous propose.

J’ai donc commencé à y réfléchir. Et je me suis dit plusieurs choses.

Léon a 7 ans

Il est donc tout à fait capable de passer de longs moments plongé dans une activité en solitaire, si je lui dis que j’ai besoin de travailler.

D’autre part, lui et moi avons déjà pas mal de pratique en terme de recherche de solution. Je sais qu’il est capable de prendre mon besoin en considération. Nous allons donc pouvoir décider ensemble d’un mode de fonctionnement qui me permettra de continuer mon activité.

Je me dis même que c’est encore une opportunité : ayant moins de temps, je vais bien devoir apprendre à être plus efficace !

Des moments de garde

J’assume très bien l’idée que faire l’école à la maison, ca ne veut pas forcément dire être à temps plein avec son enfant.

Depuis le mois d’octobre déjà, nous avons deux jeunes qui, en pointillés, viennent garder les garçons après l’école. Pas parce que c’est nécessaire, mais pour entretenir les langues qu’ils ont apprises avant que nous revenions en France : l’une est hispanophone, l’autre est anglophone. Je n’ai pas l’intention de changer ce fonctionnement, et je me dis que je pourrai peut-être décaler un peu les horaires pour pouvoir m’échapper un peu plus tôt, travailler à la bibliothèque, et rentrer un peu plus tôt pour passer plus de temps avec Anatole également, puisque c’est une autre de mes préoccupations (voir plus bas).

Des échanges avec d’autres mamans

Là, c’est moi qui brode… Je suis comme ça, moi ! Toujours en train de bouillonner d’idées, tout en sachant qu’elles ne risquent pas de toutes déboucher… Mais il faut bien commencer par les avoir pour qu’elles fonctionnent, n’est-ce pas ?

Alors voilà : je me dis que je ne suis certainement pas la seule à avoir cette préoccupation. Donc, si je tombe sur une autre maman comme moi, qui n’habite pas loin, avec qui ça accroche bien… peut-être que l’on pourrait mettre en place un roulement ponctuel ? Quelque chose du type : tous les mardis matins, les enfants sont ensemble, une fois, c’est moi qui m’en occupe, une fois c’est toi ! Ce qui pourrait nous offrir de vrais créneaux.

Comment je vais le vivre…

Tenant compte de tout cela, je sais que ce ne sera pas forcément un long fleuve tranquille.

Le sentiment qui prédomine en moi en ce moment, à la veille de commencer, c’est l’enthousiasme. Je me réjouis de toutes les portes qui s’ouvrent, de toutes les perspectives d’apprentissage que je perçois.

Mais je sais aussi que ce sera probablement un enchainement de joies et de difficultés. Qu’il y aura forcément des jours de désenchantement.

Nous verrons bien !

Le décalage avec son petit frère

Indépendamment des avantages et inconvénients de l’IEF pour Léon, une de nos préoccupations est la réaction d’Anatole.

Anatole a tout juste 5 ans, il est en grande section, et continue, lui, à aller à l’école. Comme je vous l’expliquais lors de mon article sur ce choix d’école à la maison, nous ne pensons pas que ce choix se justifie pour lui.

Il n’en reste pas moins que lorsqu’il sera confronté au quotidien au fait que son frère reste à la maison avec maman, pendant que lui va à l’école, il risque de se sentir mis de côté…

L’annonce

Nous avons attendu que tout soit sûr avant d’en parler à Anatole. Finalement, au début des vacances de Noël, alors que nous étions tous les 6 ensemble, j’ai partagé le fait qu’il y allait avoir un changement dans la maison, et j’ai expliqué que Léon allait commencer l’école à la maison.

Anatole a été beaucoup moins perturbé que ce que nous pensions. Il s’est presque contenté d’un “d’accord”, même quand je l’ai aidé à se projeter en lui parlant des matins où il irait à l’école, et que Léon n’irait pas.

Par la suite

Léon a évoqué plusieurs fois pendant les vacances le fait qu’il n’allait plus aller à l’école. Cela n’a pas eu l’air de perturber Anatole plus que de raison.

Je l’ai même entendu lui répondre une fois : « Moi, j’aime bien ma maitresse, je suis content de retourner à l’école.”. Pour être honnête, je ne suis pas totalement sûre qu’il ne le disait pas pour s’en convaincre lui-même.

Que ce soit le cas ou pas, il semble garder son chemin tranquillement pour l’instant.

Rester à l’écoute

J’ai pas mal d’expérience maintenant des changements de situation avec les enfants. Nous avons vécu suffisamment de changements de pays, et/ou d’écoles pour cela, avec chacun de nos 4 enfants. Je sais donc qu’il faut rester vigilant.

Il ne s’agit pas de créer une histoire là où il n’y en a pas, mais bien de laisser l’enfant exprimer ses sentiments, et d’être à l’écoute. Pas chercher à le rassurer à tout prix, simplement être là pour l’accompagner dans ce qu’il traverse.

Sur ce plan, heureusement, j’ai désormais confiance en nous tous pour savoir accompagner les émotions.

L’apprentissage scolaire

Je suis consciente que le grand absent de mon article, c’est l’enseignement. Pourtant, c’est bien cela au départ, la raison d’être de l’école. Donc, lorsque l’on retire son enfant de l’école, on doit s’interroger sur la manière dont va se passer dorénavant l’enseignement.

En fait, vous pourrez trouver ça étrange, mais ce n’est absolument pas une inquiétude pour moi, au contraire !! Oui, au contraire, cet aspect là m’enchante !

Comme je sais, par les messages que j’ai reçus, que ce sujet vous intéresse, et qu’il mérite d’être creusé, je préfère écrire un article spécifique sur le sujet : organiser l’apprentissage en école à la maison.

En attendant, n’hésitez pas à commenter cet article, pour me dire ce que vous pensez de toutes ces réflexions, et à le partager si vous pensez qu’il peut intéresser des amis.