Suite à mon précédent podcast sur la négation des sentiments, celui-ci s’intéresse à la question suivante, qui m’a été posée :
Pourquoi ne pourrait-on pas expliquer en plus de valider le sentiment des enfants ?
En fait, ce n’est pas que nous ne pouvons pas, c’est que cela se fait en deux temps.
Explication dans le podcast !
Cliquez sur Play pour l’écouter
Ecoutez et abonnez-vous !
Ne manquez plus les nouveaux épisodes des 6 doigts de la main ! Rejoignez mon podcast et abonnez-vous sur votre application préférée :
- Ecoutez sur Apple Podcast
- Ecoutez et abonnez-vous sur Spotify
- Ecoutez sur Anchor
- Ecoutez sur Deezer
Si vous préférez lire, en voici également la retranscription.
Validation des sentiments
Aujourd’hui, nous parlons encore validation des sentiments. Dans mon dernier podcast, je vous avais expliqué l’importance de valider les sentiments des enfants, à l’inverse de la tendance que nous avons parfois à les nier. La démarche de validation des sentiments aide l’autre à se sentir écouté et validé et à lui-même s’écouter et se faire confiance.
Un exemple sur le sujet
Prenons un exemple.
Ce matin, j’ai accompagné Anatole dans sa classe et il aurait voulu y apporter une petite voiture. La maîtresse la lui a refusée parce que les jouets ne sont pas autorisés en classe.
Il pensait vraiment qu’il pourrait le faire, et quand la maîtresse lui a dit non, il a fondu en larmes.
À ce moment-là, je peux basculer dans l’explication et lui dire :
“Anatole, ce qui se passe, c’est que les jouets sont interdits en classe. Tu comprends, la maîtresse, elle ne peut pas autoriser une voiture à toi et pas aux autres. Après les autres, ils vont être jaloux, etc…”.
Toutes ces explications sont valables.
Le problème, c’est que sous le coup de l’émotion, l’enfant n’est pas capable d’écouter les explications.
Alors certaines mamans me disent :
D’accord. Valider l’émotion. D’abord lui dire : “Anatole, je comprends que tu sois triste”, mais pourquoi on ne pourrait pas faire les deux ?
Pourquoi on ne pourrait pas lui dire : “Anatole, je comprends que tu sois triste, mais tu vois bien que la maîtresse ne peut pas accepter les jouets en classe.” ?
En fait, ce n’est pas qu’on ne peut pas faire les deux vraiment.
On VA faire les deux, mais dans des temps différents.
Encore une fois : sous le coup de l’émotion, l’enfant n’est pas capable de raisonner. Toutes nos explications tomberont dans le vide.
C’est un peu vrai pour n’importe quel être humain, mais pour l’enfant encore plus.
Pourquoi ?
Parce que la partie à l’avant du cerveau – le néocortex qui permet de réguler les émotions, mais aussi de raisonner, d’analyser et d’observer – , cette partie-là, n’est pas encore tout à fait mûre.
Et au moment où l’enfant est encore dans l’émotion, son cerveau archaïque, celui qui est le siège des émotions, prend le dessus et l’autre partie est complètement incapable de fonctionner.
Ce n’est pas qu’il ne le veut pas, ce n’est pas qu’il le refuse, c’est qu’il n’en est pas capable.
Ainsi, parce qu’il est en train de pleurer parce que la maîtresse lui refuse la petite voiture, mes explications seront complètement vaines, elles ne l’atteindront pas.
Aider l’enfant à se reconnecter
L’important, c’est d’abord de l’aider à se reconnecter, à revenir dans un état émotionnel neutre. Et valider l’émotion, c’est aussi une façon de faire ça.
Donc, face à mon Anatole qui pleure, je commence par reconnaître son émotion : “Anatole, tu es triste et oui, toi, tu voulais vraiment apporter ta petite voiture”.
Et je m’approche de lui, j’ai un geste tendre, un câlin.
En général, je le prends dans les bras jusqu’à ce que l’émotion tombe un peu.
Si je vois qu’elle persiste, que c’est trop dur pour lui de se reconnecter, je vais lui proposer, on ne peut pas vraiment dire une activité, mais une technique de pleine conscience.
Et par pleine conscience (j’imagine que le terme peut en effrayer certains), je ne parle pas d’une méditation avec mon enfant. Je parle juste de quelque chose qui l’aidera à revenir dans le moment présent.
Par exemple, sur le tapis de la classe, il y a un alphabet.
Alors, je lui dis : “oh, je vois un A sur le tapis, tu le vois ?”
Ce n’est pas seulement de la distraction parce que je vais revenir à l’histoire de départ. C’est plutôt une façon d’engager la partie réflexive de son cerveau sur un sujet complètement neutre.
Ainsi, le fait de fixer son attention sur le tapis, de chercher le “A”, fait que l’émotion se stabilise, se calme. Il sort un peu de la vague sous laquelle il a été englouti et il observe le “A”.
Il arrive régulièrement, tout comme cela a été le cas ce matin justement, que cela ne suffise pas.
Parfois c’est magique, parfois ce n’est pas assez. Ce matin, son émotion était trop forte.
Il s’est calmé un peu, le temps de voir le “A”. Et puis il s’est remis à pleurer en disant : “Je
voulais la voiture…”
Le niveau neutre
Et je comprends ! Bien sûr, il voulait la voiture.
Alors, je suis restée d’abord dans une démarche de distraction en lui disant : “Ce tapis, il est vraiment chouette pour pratiquer les lettres de l’alphabet” parce que je sais que c’est un sujet qui l’intéresse en ce moment.
Regarde : “a, b, c, d, e, f, g” et il m’a regardée et cette démarche-là, déjà, l’a calmé.
Une fois qu’il était dans un niveau neutre, on a pu reparler de la voiture. Je lui ai dit : “Tu sais, Anatole, la maîtresse, elle a une règle comme quoi, il n’y a pas de jouets dans la classe”. Et bien sûr qu’il était encore triste, mais il n’était plus sous le coup de l’émotion.
Donc vraiment, quand on se demande si on ne peut pas faire les deux, ce n’est pas qu’on ne peut pas faire les deux, c’est qu’on ne peut pas les faire dans le même temps.
Le “mais” est une parole piège
Quand on cherche à les faire dans le même temps, on a tendance à utiliser le “mais”.
“Anatole, je comprends que tu sois triste, mais la maîtresse ne veut pas.”
Le “mais”, c’est une parole piège.
En fait, la parentalité positive, c’est vraiment une question de communication.
C’est comme un nouveau langage. (ça prend du temps, d’ailleurs.)
Et dans ce nouveau langage, il y a quelques mots qu’il faut vraiment apprendre à utiliser de moins en moins.
Le “mais” en fait partie parce que nous partons avec de bonnes intentions en disant : “Anatole, je vois que tu es triste”, en validant émotion, “mais la maîtresse…” – et ce “mais” vient comme effacer tout ce qu’on vient de dire avant. Ça l’annule.
C’est un des pièges soulevés par les auteurs de Parents respectueux, enfants respectueux dans la partie où elle expose ce qui nuit à la coopération.
Ce qui fait que quand on rajoute notre explication juste derrière la validation du sentiment, on annule un peu notre validation du sentiment.
L’important, au moment où l’enfant est sous l’émotion, c’est vraiment de se sentir écouté, de se sentir en lien avec la personne en face.
Ça va être ça notre priorité.
Concentrons-nous là-dessus d’abord, et, une fois que l’émotion est atténuée, alors nous pourrons passer aux explications.
Avec un enfant plus grand
Je voudrais préciser encore autre chose.
Mon exemple concerne ici un petit enfant : Anatole a trois ans et demi, presque quatre ans.
Quand l’enfant est plus grand, est-ce que la démarche est la même ?
En fait, encore plus. Quand l’enfant est plus grand, disons avec ma fille de 10 ans, il est fort probable qu’elle se fasse beaucoup moins envahir par l’émotion, parce qu’elle a déjà appris à mieux la contrôler, à ne pas l’exprimer de la même façon. Elle n’éclate pas en sanglots.
Mais pour autant, elle se retrouve quand même, comme nous, dans des situations dans lesquelles un sentiment est fort pour elle. Un sentiment d’injustice, de la colère, de la jalousie.
Et dans ces moments-là, notre rôle de parent, c’est de recevoir l’émotion.
Et là, j’irai encore plus loin que dans le cas précédent. C’est qu’une fois que l’enfant se reconnecte à lui-même, l’idée n’est même plus de lui donner l’explication.
L’idée est de l’accompagner à trouver l’explication et à la comprendre.
On bascule alors dans ce qu’on appelle une écoute active, c’est-à-dire qu’on va l’écouter en l’aidant à s’exprimer, en renforçant ce qu’il dit, en le laissant cheminer plutôt que de lui expliquer comment sont les choses, comme si nous le savions de toute façon mieux que lui.
Si nous l’accompagnons pour que lui-même fasse le chemin et comprenne d’où vient la difficulté, il avancera de lui-même et beaucoup mieux.
Nous l’aurons alors aidé à grandir.
L’écoute active : une illustration
Je vais également vous donner un exemple.
L’autre jour, ma fille a eu une difficulté avec une de ses amies.
Elle était très triste, elle me raconte qu’elles se sont disputées. Elle me raconte l’épisode. Moi-même, en écoutant l’épisode, j’étais furieuse contre son amie et je me suis retenue de le dire parce que l’important, ce n’est pas mon opinion, c’est la sienne.
J’ai juste reçu son émotion.
J’ai dit :
“Je comprends que tu te sentes mal !”
“Eh oui, c’est difficile ça…”
“Et du coup, tu es en colère.”
… en reprenant ce qu’elle me disait.
Et puis, au fur et à mesure, elle s’est mise à elle-même rentrer dans une phase de réflexion. “Tu comprends, elle ne peut pas me faire ça !
– Oui
– et en même temps, je n’ai pas envie de ne plus être amie avec elle…
– non, parce que si t’es plus amie avec elle, elle va te manquer
– exactement !
– …
– Mais est-ce que c’est vraiment une amie si elle me fait ça ?”
C’est incroyable de constater comme nos enfants sont capables de mener ce raisonnement sans que nous le fassions à leur place.
Pour moi, entendre ma fille dire : “Est-ce que c’est vraiment une amie si elle me fait ça ?” plutôt que de lui dire, moi : “Mais en même temps, Alice, ce n’est pas vraiment une amie si elle te fait ça !” , ça change tout !
Ça l’aide tellement plus à grandir d’avoir vécu ça, de l’avoir expérimenté, d’être arrivée à cette conclusion elle-même.
Parce que d’autres situations comme ça, elle en aura, et je ne serai pas toujours là.
L’idée n’est pas que moi, je lui dise comment mener sa vie ou que je lui fasse les leçons de la vie.
L’idée, c’est que je l’accompagne pour les découvrir.
En l’occurrence, pour l’anecdote, cette histoire s’est bien terminée puisque le lendemain, nous avons pris un moment toutes les deux qui a été l’occasion d’un moment particulier pendant lequel je lui ai expliqué quelques principes de CNV (communication non violente) et des conseils que la CNV donnait pour aborder une situation de conflit comme ça.
Comment parler de nos sentiments et de nos besoins, comment essayer d’aller sur la colline de l’autre pour comprendre ses sentiments et ses besoins…
Et après cette démarche-là, elle a pu être claire sur la façon dont elle allait aborder son amie.
Elle a laissé passer quelques jours, et puis elles se sont revues, et elles ont pu vraiment discuter, échanger. Alice s’est sentie rassurée par rapport aux intentions de son amie. Et l’amitié a repris de plus belle !
Je me rends compte que j’ai un petit peu dérivé du sujet, alors, je vais m’arrêter là. J’espère que cela est clair pour vous !
POUR ALLER PLUS LOIN
Si ce sujet vous intéresse, allez donc voir la solution très simple que je vous propose pour apprendre à accompagner les émotions de vos enfants.