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Nous avons déjà évoqué le fait qu’au fur et à mesure de notre avancée sur le chemin de la parentalité positive, nous sentions le besoin de modifier un peu l’environnement. La littérature jeunesse est l’un des domaines dans lequel cela se ressent le plus. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de choisir de retirer des livres de notre bibliothèque. Des livres que j’avais pourtant lus à mes aînés sans qu’ils ne me posent problème. Ma conscience s’est éveillée, et je ne les lis plus de la même manière. Je fais plus attention aux exemples que je donne à mes enfants. Évidemment, cela soulève donc une autre question : où trouver des livres adaptés à nos principes ? Une littérature jeunesse qui ne se contente pas de ne pas nous heurter mais qui soutient notre démarche.

Le livre que je veux vous présenter aujourd’hui entre dans ce cadre. (pour avoir quelques autres références de livre, faites donc un tour par ma bibliothèque…)

L’histoire de « Tu es comme tu es. »

Nous ne sommes pas ici dans le roman d’aventures ! L’histoire est très simple. C’est celle d’un petit lapin, de ses échanges avec son entourage, et de ses questionnements. L’accent est donc plutôt mis sur les sentiments de ce petit lapin, et le regard qu’il pose sur le monde.

Au départ, il s’agit simplement de rencontres successives avec une souris, et un cheval, qui le trouve l’un grand, l’autre petit. Le lapin, un peu perdu, ne comprend pas comment il peut être simultanément grand et petit… et s’en ouvre à sa maman, qui lui  explique un peu la question de référentiel, et termine par cette réponse un peu obscure : « Tu es comme tu es, et je t’aime comme tu es. »

Le lapin n’est pas sûr de bien comprendre, mais il reçoit le message d’amour inconditionnel.

Pour l’instant, cela parait un peu simpliste, mais… vous allez voir que ça ne l’est pas autant que ce que l’on croit !

Le jour suivant, le lapin est successivement qualifié de méchant, et de gentil. De nouveau dérouté, il en parle à son papa, qui lui répond, je vous le donne en mille : « Tu es comme tu es, et je t’aime comme tu es. »

Cette réponse ne vient pas seule. Le papa prend le temps d’écouter, d’expliquer d’où vient le jugement de chacun. D’aider son fils à comprendre ce qui a pu se passer pour chacun de ses interlocuteurs.

Grâce à cette nouvelle compréhension, le petit lapin va pouvoir vivre une amitié qui partait mal…

Le message au coeur du livre

Lorsque le papa aborde la question de la perspective de chacun sur le jugement de « méchant » ou « gentil », on comprend déjà mieux pourquoi l’auteur a commencé par les notions de grand et petit. L’enseignement du référentiel est tellement clair lorsque l’on parle de taille, que cela aide à mieux le comprendre ensuite.

Puis, le papa livre au lapin un puissant secret :

« Quand quelqu’un te dit quelque chose sur toi, il te révèle toujours quelque chose sur lui-même en même temps. »
« Par exemple, quand Ronald affirme que tu es méchant, il te fait également savoir qu’il est triste et fâché. »

Et là, on touche à un point plus délicat ! Comprendre d’où viennent les mots de l’autre peuvent nous aider à comprendre ce qu’il nous dit de lui-même. Comprendre ce qui est vivant chez lui.

C’est compliqué dans la pratique, et le petit lapin se retrouve dans une situation courante : il se retrouve « attaqué » par le copain qui lui dit qu’il est méchant, il a évidemment envie de réagir vivement.

Le lien avec la CNV

Nous sommes ici au coeur de la Communication Non Violente (=CNV). Réussir à écouter l’autre avec le coeur, au lieu de prendre les choses personnellement. C’est souvent difficile, bien sûr ! Comment ouvrir son coeur lorsque l’on se sent attaqué ?

La CNV parle de 4 modes d’écoute : les oreilles « chacal » ou les oreilles « girafe », et dans chaque cas, tournées vers l’intérieur ou vers l’extérieur.

Ici, le message propose de mettre des oreilles girafe vers l’extérieur, pour bien entendre ce que vit l’autre. Comprendre que lorsqu’il nous dit quelque chose sur nous, il nous dit également quelque chose sur lui-même. Puis choisir, en conscience, de réagir à ce message caché de lui-même, plutôt qu’au plus direct.

Un livre qui soutient mes valeurs

Vous l’aurez compris : ce livre correspond exactement au genre de chose que j’ai envie de lire à mes enfants au quotidien. Parce qu’il soutient les valeurs que je cherche à leur transmettre (et à développer moi-même d’ailleurs..). Parce qu’il me permet d’illustrer facilement l’apprentissage que je leur souhaite.

Je vous le recommande donc chaleureusement.

Pour quel âge ?

Arrivé à ce stade, la question fréquente concerne l’âge des enfants auxquels le livre s’adresse. Je l’ai testé avec mes deux plus jeunes, qui ont 5 et 7 ans. Les deux l’ont trouvé super, et sont vraiment en plein dans l’âge cible. Je dirai que l’on peut commencer à 4 ans (pas avant, car il est un petit peu long), et probablement l’étirer jusqu’à 8, ne serait-ce que pour encourager l’échange sur ce thème.

Prolongement

Pour terminer, je voudrais juste ajouter que j’apprécie particulièrement les livres dont je sens qu’ils sont facilement intégrés par les enfants. Et cela se voit facilement lorsqu’ils y font référence.

Quand j’entends Anatole me dire : « Je sais ce que tu peux me répondre, maman… tu peux me dire « Tu es comme tu es » ! », je vois que le livre fait son effet !

A votre tour… aimez-vous semer des graines par les lectures du soir ?

La semaine dernière, j’avais un rendez-vous avec la professeur d’anglais de ma fille Alice, en 5e. C’était un rendez-vous à ma demande, suite à un épisode délicat. Ce n’est pas la première fois que je me sens en désaccord avec l’attitude d’un professeur. Plus j’avance sur le chemin de l’éducation bienveillante, plus souvent je me sens en décalage avec d’autres adultes. Il est devenu important pour moi de savoir le communiquer. En voici une illustration.

Préalable

Le matin de ce rendez-vous, j’ai écrit un mail à tous les abonnés des 6 doigts de la main (si vous n’en faites pas partie, je vous invite à corriger cela au plus vite en me laissant votre adresse dans ce formulaire) leur expliquant le contexte, et leur demandant leurs conseils.

J’ai eu plusieurs réponses intéressées et intéressantes, et j’avais promis de tenir mes abonnés au courant de la manière dont se passerait l’entretien. C’est le point de départ de cet article.

Le contexte

Au début de la semaine précédente, les élèves ont présenté un devoir maison qui, semble-t-il, ne correspondait pas à ce que voulait la prof. Elle a donc apporté pas mal de modifications aux papiers de certains élèves, à coup de blanc correcteur.

Ma fille, cependant, avait trop écrit, et les corrections auraient pris trop de temps. La prof a donc décrété que « ce n’était même pas la peine de commencer », et a simplement froissé le papier d’Alice pour le jeter à la poubelle…

L’histoire ne s’arrête même pas là : le papier en question devait leur servir pour le contrôle qui suivait, Alice a dû se débrouiller sans. « Tu n’as qu’à le faire de tête ! » lui a dit sa prof.
Heureusement, elle était au point sur ce qu’elle avait préparé, et a eu 15/15 au contrôle en question.

Pour autant, ce qui me gêne le plus dans cette histoire, c’est cette étape de papier à la poubelle !
Bon sang, est-ce qu’on trouverait cela normal dans un bureau ? Si le chef d’équipe jetait le travail de quelqu’un ainsi, ne considérerait-on pas qu’il lui manque de respect ?
Qu’est-ce qui autorise les adultes à se comporter ainsi avec les enfants ?

Et comment peuvent-ils ensuite demander du respect de la part des élèves, s’ils n’en montrent pas de leur côté ?
Comment faire en sorte d’encourager le monde à réfléchir en terme de respect mutuel ?

Cet épisode est encore pour moi une illustration du fait que le respect est une notion toute relative.

Dans le monde de l’éducation, de surcroit, un professeur pense-t-il qu’un élève peut ressortir motivé d’un tel échange ?

J’ai demandé ce rendez-vous, parce que je ne serais pas alignée avec mes valeurs si je ne cherchais pas à partager ce message avec cette enseignante. Je ne suis cependant pas très à l’aise… Comment va-t-elle me recevoir ?

Je sais que cela dépendra beaucoup de la manière dont je l’aborderai moi-même : il s’agit de faire en sorte qu’à mon tour, je ne lui manque pas de respect. Sinon, je ne risque pas d’être entendue.

Dans l’ensemble

Dans l’ensemble, l’entretien s’est bien passé.

Soit, j’y avais pas mal réfléchi, et je suis contente de la manière dont j’ai réussi à mener les choses. Je sais cependant que j’aurais pu être mal reçue, et cela n’a pas été le cas. Mon interlocutrice a été plutôt réceptive, et ce n’était pas facile pour elle non plus.

Je sais aussi que ce genre d’entretien ne se serait pas passé de la même manière il y a quelques années.

Je trouve toujours impressionnant de constater comment ce que j’ai appris sur le chemin de la parentalité s’applique dans mes relations avec les adultes également.

Première étape : se connecter à l’autre

Ainsi, ma première idée était de d’abord mettre en place une connexion.
En effet, si j’abordais directement un point difficile, j’avais moins de chances d’être écoutée (et encore moins entendue) que si j’échangeais d’abord pour créer un lien.

J’ai donc commencé mon entretien de la manière la plus neutre possible, remerciant la professeur de me recevoir, lui partageant le fait que j’avais déjà hésité à la voir au début de l’année, pour lui parler d’Alice, et que j’avais finalement décidé de les laisser prendre leurs marques. Que j’aimerais bien avoir son retour sur Alice maintenant.

Alice est en effet un cas particulier : elle arrive en 5è dans une classe d’anglais « normale », alors qu’elle sort de 7 années en école américaine, elle est donc parfaitement bilingue.

Sa prof me répond (avec un peu plus de mots que ça) que tout va bien. Je lui parle quand même du fait qu’Alice ne se sent pas très motivée, ce qui se comprend, et elle revient sur l’idée de laisser Alice lire des livres en anglais pendant le cours, puis de lui faire des compte-rendus écrits une à deux fois par semaine, plutôt que de suivre le cours avec les autres.

Je suis surprise par cette entrée en matière, qui est de bon augure ! La prof se montre en effet flexible, prête à voir la spécificité de chacun. Pourtant, cette idée avait déjà été soulevée en début d’année, et non suivie parce qu’elle demandait à Alice de suivre le cours en même temps qu’elle lisait… Il est possible qu’elle ait eu besoin de vérifier les acquis d’Alice, avant d’être à l’aise avec ce fonctionnement, ou bien qu’elle ait eu peur d’un sentiment d’injustice des autres élèves. Je ne sais pas, et ne le saurai pas. Je suis cependant ravie de cet arrangement, qui n’était pas mon but premier mais promet de changer les choses pour Alice désormais !

Deuxième étape : aborder la situation qui pose problème

Je savais que cela représentait le moment délicat.
Là encore, j’avais réfléchi en amont à la meilleure manière d’aborder les choses.

Finalement, c’est un message d’une lectrice, reçu juste avant mon entretien, qui m’avait offert l’accroche qui me semblait la plus appropriée : lui demander simplement de me raconter sa propre version de l’incident.

J’aimais beaucoup cette idée, pour deux raisons. D’abord parce qu’elle me permettait de m’ouvrir sincèrement à une autre perspective sur l’épisode. Ensuite parce que cela me donnerait l’occasion d’entendre la position de ce professeur sur son geste, pour pouvoir ajuster mon discours.

J’ai donc simplement fait la transition suivante :
“L’autre raison pour laquelle je voulais vous rencontrer, c’était pour parler d’un épisode de la semaine dernière. Il semblerait que les élèves aient dû préparer des notes sur des personnages, Alice avait choisi Alexander Hamilton, et visiblement, certains élèves avaient trop rédigé, et vous avez dû faire des corrections.
Pouvez-vous me dire ce qu’il s’est passé à ce moment-là avec Alice ?”

Etrangement, mon interlocutrice se met alors à réfléchir. “Avec Alice… ? Voyons… Non, je ne me souviens de rien de particulier…”
Je suis estomaquée… Est-ce réel ? Est-ce feint ? Je choisis de faire confiance, et réponds :
“Ca ne vous a pas marquée… C’est fou, je suis contente de venir vous voir, parce que chez nous, ça a été un épisode marquant.”

A présent, à moi de raconter l’épisode. Et je fais attention à ne pas lui dire “vous”, pour essayer de dépersonnaliser la scène, et qu’elle ne se sente pas trop attaquée. Parce que si mon discours provoque une position de défense, je ne pourrai plus faire passer mon message.

“Encore une fois, c’est un peu un téléphone arabe, mais ce qu’Alice m’a dit, c’est :
“Quand la prof a vu tout ce que j’avais écrit, elle a dit “ce n’est pas même pas la peine de commencer”, elle a froissé ma feuille, et l’a mise à la poubelle.”
Autant vous dire qu’en me racontant ça, elle pleurait…”
Réponse de la prof : “Je suis désolée qu’elle l’ait pris comme ça…”

Moi, intérieurement : “Mais bon sang, comment voulez-vous qu’elle le prenne ??”
Moi, extérieurement : “C’est à dire que parfois, on ne se rend pas compte, mais… si vous étiez dans une équipe, que vous rendiez un travail, et que le chef d’équipe jette ce travail à la poubelle, il est probable que vous ne le prendriez pas bien, non ?”

Troisième étape : la justification

C’est amusant, au paragraphe précédent, j’ai écrit que c’était le moment délicat, mais maintenant que j’en arrive à cette étape, j’ai envie de dire que c’est celle-ci !

Parce qu’on entre à ce moment-là dans l’étape dans laquelle la prof essaye d’expliquer son geste, de le justifier d’une certaine manière, ce que je peux comprendre.

J’ai déjà souvent été prise en faute, en contradiction avec mes principes, et il n’est pas rare qu’au lieu de simplement répondre “Tu as raison, je suis désolée”, je commence par me justifier. Si l’on est honnête, je crois que cela nous arrive à tous, non ?

Je sais donc qu’il faut lui laisser cet espace. Espace pendant lequel ni elle ni moi ne sommes bien à l’aise, mais j’ai besoin de ce temps pour passer ensuite à la présentation de mes valeurs.

Elle m’a donc expliqué qu’elle ne pensait pas à mal avec ce geste. Que, certes, il était probablement maladroit, mais qu’il fallait qu’elle puisse poser des limites, sinon les élèves n’apprennent pas à suivre les instructions. Que les notes prises servaient ensuite pour la rédaction individuelle en classe, qu’il n’aurait pas été juste de laisser Alice avec ses notes déjà rédigées alors qu’elle ne les avaient pas laissées aux autres. (Seulement, Alice avait trop écrit pour que cela puisse être ajusté).

Je sens bien pendant qu’elle m’explique cela, qu’elle est nerveuse. Des plaques rouges apparaissent sur son cou. Pour moi, c’est bon signe. Cela prouve qu’elle n’est effectivement pas fière de son geste, et que ses justifications ne la convainquent pas vraiment. Ce qui signifie qu’elle sera probablement réceptive à mon message.

Quatrième étape : partage de mes valeurs

Je suis venue pour cela, je tiens à partager ce en quoi je crois.
Après l’avoir écoutée, je lui explique donc, en essayant d’y mettre les formes, pour lui montrer que je reçois sa gêne :
“Je sais que nous avons tous parfois des attitudes qui ne correspondent pas à ce que nous aimerions. Ici, je dois dire que je vois deux conséquences, qu’il me semblait important de discuter.

La première, c’est la motivation. Je suis justement en train de lire le dernier livre de Catherine Gueguen, je ne sais pas si vous la connaissez (non), qui parle d’études montrant que le lien entre l’enseignant et l’élève rend l’élève plus motivé, et que ses résultats s’en ressentent, évidemment. Or, il me semble qu’un enfant qui voit son devoir partir à la poubelle risque de ne pas être motivé à le faire la fois suivante. – ce à quoi la prof ne peut qu’acquiescer –

La deuxième, c’est le respect. Nous, les adultes, demandons souvent que les enfants nous respectent, et pas seulement au sens de suivre les consignes, mais vraiment au sens de respect, d’humain à humain. Or, nous oublions souvent de les respecter de notre côté. Et je crois que c’est très important dans une relation, de respecter l’autre pour pouvoir être respecté.”

A ce moment-là, j’ai dit ce que j’avais à dire, et j’ai de la chance, car je sens bien que la prof est réceptive à ce que je dis, qu’elle est ouverte à mon partage. Seulement, même dans ce cas, puisque la conversation part d’une attitude sienne à l’encontre de ces principes, il est impossible qu’elle ne se sente pas accusée.

Or, de nouveau, ce n’est pas mon but. Parce que je sais d’expérience que le message est moins bien reçu dans ce cas-là. Il s’agit donc de vérifier cela, et de l’atténuer.

Cinquième étape : me sortir du rôle du juge

Pour la vérification, c’est facile, puisque la prof elle-même me dit : “Je me sens un peu comme au tribunal.” Là, au moins c’est clair.
Elle complète : “Je vous assure que j’ai toujours le souci de faire en sorte que les élèves se sentent bien dans ma classe. J’ai effectivement eu un geste inapproprié, je ne m’en suis pas rendue compte, et je suis désolée de l’impact qu’il a eu sur Alice. Mais j’ai du mal à vous entendre, parce que j’aime mes élèves et j’essaye vraiment de les écouter.”
Et je la crois. Tous, à notre niveau, on essaye, et on arrive plus ou moins bien selon les jours…

A moi de reconnecter, maintenant.
“Je suis désolée que vous vous sentiez ainsi. Je ne veux pas me poser en donneuse de leçons. Je vous remercie de me partager ce que vous sentez, ce n’est pas facile. Je sais que nous essayons tous de faire de notre mieux, et nous avons des failles, parce que nous ne sommes des super-héros.
Je ne vous connais pas. Chez les profs, comme chez tout le monde, il y a tout un spectre, et je ne sais pas où vous vous situez sur ce spectre. Aujourd’hui, j’entends que vous êtes réceptive à ce que je dis.
Comme vous le savez, nous venons d’un autre environnement. Les enfants étaient à l’école américaine jusqu’à cet été, et je savais qu’en rentrant en France, nous ferions face à un autre style éducatif, et que ce ne serait pas toujours évident.
Aujourd’hui, je voulais vous parler de cet épisode, parce que si je ne le faisais pas, j’aurais le sentiment de ne pas être alignée avec mes valeurs.
Ce n’est pas non plus évident pour moi, mais c’était important, et je vous remercie de m’avoir écoutée.”

Sixième étape : conclusion

Cette fois, nous avons dit tout ce qu’il y avait à dire. Et la prof me surprend en allant plus loin.
Elle me dit qu’elle va parler à Alice, et s’excuser.

En effet, elle le fera l’après-midi même, gardant Alice après le cours pour lui parler. Je ne peux que saluer le courage de cette prof. J’imagine que ce n’est pas facile de s’excuser auprès d’un élève. Certains penseraient y perdre de l’autorité. Pour en avoir parlé avec Alice, je crois qu’ici, au contraire, elle en a gagné.

Les leçons revues au passage

Ce que j’aime dans ce genre de situations, c’est qu’elles sont toujours l’occasion de revoir un peu la théorie en la mettant en face de la pratique.

La raison positive derrière le comportement

Nous avons déjà parlé du fait que derrière tout comportement, existe une raison positive. C’est une notion qui m’avait marquée dans une conférence de Marshall Rosenberg.

C’est vrai pour les enfants, c’est vrai aussi pour les adultes. Parfois, pour s’en rendre compte, il faut réussir à enfiler nos oreilles de girafe, ce qui n’est pas toujours évident.
Ici, je dois dire que je n’ai pas cherché la raison positive. Elle m’est quand même apparue au fur et à mesure de notre entretien.

La prof fait face à un problème : certains de ses élèves ne font pas leurs devoirs seuls, et reviennent avec des phrases complètement rédigées par leurs parents. Je n’y avais même pas pensé, car je crois très fort à l’autonomie dans les devoirs. Seulement, les élèves sont tous différents, et ce problème est une réalité pour cette prof.

Pour éviter ce problème, elle essaye de concentrer la production d’écrit en classe. Elle voulait donc que les élèves fassent leurs recherches à la maison pour avoir leurs renseignements sous forme de prise de notes, avant de rédiger leur présentation en classe, à l’aide de ces notes. Si les élèves reviennent avec des phrases rédigées, impossible pour elle de savoir s’ils les ont vraiment rédigées seuls.

Voilà pourquoi elle a procédé à des adaptations, et, de nouveau, le texte d’Alice était trop long. Elle s’est donc retrouvée bloquée : impossible de tout modifier, mais impossible aussi de le lui laisser, pour des raisons d’équité…

Bien sûr, il y avait d’autres manières de faire que de jeter le devoir à la poubelle, mais, au moins, on comprend d’où vient la décision. Ma fille ne l’avait pas compris, et trouvait très injuste de devoir faire sa rédaction sans avoir ses informations.

L’importance d’être authentique

Deux illustrations ici de ce point, que je cherche de plus en plus à vivre au quotidien.

D’abord, en continuation du paragraphe précédent sur la raison positive.
Il me semble que si la professeur avait pu communiquer sur la raison pour laquelle elle ne voulait pas laisser son devoir à Alice ; si elle avait utilisé, comme elle l’a fait devant moi, le terme d’équité, il est probable que non seulement Alice l’aurait mieux compris et mieux reçu, mais que ce geste ne lui aurait pas échappé. Car il lui aurait alors suffi de laisser la copie sur son bureau.

Nous avons eu un petit échange sur ce point (la difficulté d’être authentique), et elle a admis que, sur le coup, elle n’avait peut-être pas en tête les termes qu’elle a utilisés ensuite en m’expliquant la situation.

Et je ne suis pas surprise. Nous nous laissons souvent happer par nos émotions du moment. Pour elle, peut-être à ce moment-là, la frustration de devoir faire face à l’urgence des modifications, de ne pas avoir été claire dans ses instructions… et ces émotions prennent le dessus, nous aveuglant pour nous comporter ensuite de manière authentique.

Apprendre à nous écouter, à comprendre ce qu’il se passe en nous, faire preuve d’auto-empathie m’apparait aujourd’hui comme la pratique de toute une vie…
(d’où l’importance, je crois, de commencer cette écoute plus tôt avec nos enfants. Pour cela, une seule solution : apprendre à accompagner leurs émotions)

Ensuite, j’ai l’impression que la raison pour laquelle cet entretien s’est bien passé, c’est parce que nous avons chacune eu des moments d’authenticité, justement. Moi, lorsque j’ai partagé que ce n’était pas facile, mais que j’avais besoin d’être alignée avec mes valeurs ; elle, lorsqu’elle m’a partagée qu’elle avait l’impression d’être au tribunal.

Ces moments où nous avons pu montrer chacune ce qui était vivant en nous ont été déterminants pour notre échange.

Je sais que nous voyons tous le monde avec un biais qui nous permet de confirmer ce en quoi nous croyons déjà. Je suis donc, comme tout le monde, sous influence. C’est sûrement sous cette influence que j’ai pris ça comme une nouvelle confirmation que le monde serait plus agréable si nous apprenions tous à être authentiques…

Qu’en pensez-vous ?

Ne pas se leurrer : des relations sans conflit, je ne crois pas que cela existe. La question va donc plutôt porter sur la manière de résoudre le conflit. Car selon notre caractère, selon le moment, selon notre relation à l’autre, selon nos principes, nous n’avons pas tous les mêmes attitudes face aux disputes, et pas les mêmes non plus selon que celles-ci se présentent entre parent et enfant, ou dans la fratrie par exemple. Et pourtant, nous avons probablement tous le même objectif : sortir de ce conflit !

Quelles sont donc les différentes manières d’atteindre cet objectif ?

Les 3 manières de résoudre un conflit

D’après ce que j’ai lu, il existe trois manières de régler un conflit. Et cette analyse m’aide à voir où je veux aller, ce que cherche à obtenir lorsque je me lance dans une résolution de conflit.

1- La force

Sans doute la méthode la plus rapide pour résoudre un conflit.
Dans ce cas, celui qui détient le pouvoir impose sa position, souvent sans vraiment écouter le point de vue de l’autre, parce qu’il considère que c’est à lui de prendre la décision. C’est efficace, et l’on peut passer à autre chose.

2- Le compromis

Le compromis, c’est quand les positions de chacun sont trop éloignées pour que l’on puisse réellement trouver une solution qui réponde aux envies de tous. Il va donc falloir que chacun cède un peu (ou beaucoup) de terrain, pour essayer de rejoindre l’autre.
La décision sera donc prise ensemble, en tenant compte de chaque partie présente, et en choisissant le meilleur compromis.
Mon fils aîné (15 ans) a l’habitude de dire : « Un bon compromis laisse tout le monde mécontent. »
Pour tout dire, cette phrase ne me plait pas tellement, mais elle n’est pas tout à fait fausse…

3- Le consensus

Le consensus, à l’inverse du compromis, laisse tout le monde content ! Car le consensus, c’est l’option qui permet de répondre aux envies et besoin de chacun. C’est lorsque l’on trouve une solution qui plait à tous. Evidemment, c’est la meilleure manière de résoudre un conflit !

Comme dans le cas où mes deux plus jeunes ont trouvé un arrangement pour le câlin du retour du travail. Ils en sont sorti tous les deux contents.

Comment choisir quelle méthode adopter ?

Il va de soi que chacun devra répondre à cette question, et surtout que la réponse dépendra du conflit en question. Non seulement de ce sur quoi il porte, mais encore plus de nos positions respectives par rapport à la situation.

Pour vous guider un peu dans la démarche de ce choix de méthode, je voudrais vous encourager déjà à réfléchir à chacune de ces méthodes. Bien sûr, je me doute que vous me voyez venir, et avez déjà deviné que mon goût pour ces méthodes va croissant ! Une chose après l’autre. Avançons.

Quel impact a la résolution de conflit via la force ?

Donc. La première manière de régler un conflit, c’est la force.
La force physique, au sens propre, ou bien plus couramment la force de celui qui impose.

C’est une méthode sur laquelle il vaut la peine de s’arrêter, parce qu’elle correspond beaucoup au mode de fonctionnement de notre société.

C’est heureusement de moins en moins vrai. Les décisions sont de moins en moins imposées de force des patrons à leurs employés, des maris à leurs femmes, et le modèle donné évolue.

Cependant, nous fonctionnons encore beaucoup selon ce modèle entre adultes et enfants, dans une société dans laquelle l’autoritarisme est encore très présent. Ainsi, beaucoup d’adultes utilisent la force pour régler leurs conflits avec les enfants. (Sous couvert de respect.)
« Parce que je te le dis. » est une réponse courante. Et nous attendons des enfants qu’ils obéissent. Point.

Vous savez déjà que cela ne correspond pas à mes aspirations. Cependant, dire que cela ne me correspond pas ne suffit pas. Il s’agit encore de comprendre pourquoi.
D’ailleurs, pour être honnête, auparavant, ça correspondait à mon fonctionnement ! Parce que c’est ainsi que j’avais appris à être, comme beaucoup d’entre nous. Pourquoi avoir changé de point de vue ? Parce que j’ai réussi à prendre du recul, et à me poser la question de ce que je voulais transmettre à mes enfants.

En fait, c’est encore une question de pouvoir. Lorsque nous imposons la solution par la force, nous enseignons à notre enfant que c’est le plus fort qui gagne. Point.

Il ne se sent pas écouté (adieu la connexion !), et apprend que la vie fonctionne selon la loi du plus fort. Donc, lorsqu’ils seront forts à leur tour, ils imposeront également (à leur petit frère par exemple). Lorsqu’ils seront face à quelqu’un de plus fort, ils suivront les instructions (« C’est lui qui m’a dit de le faire ! »).

Oublions donc notre envie de les rendre responsables de leurs actions, de leur enseigner le sens critique… Régler les conflits par la force, c’est plus rapide, mais c’est oublier notre plan de route à long terme !

Bien sûr, on peut apporter un bémol à cette analyse. Il y a aura toujours des situations, en fonction de l’âge et du danger, dans lesquelles nous n’aurons pas d’autre choix que d’utiliser la force. Marshall Rosenberg appelle cela la force protectrice. Mais soyons clairs : ces situations sont bien plus rares que les autres !

Alors, compromis ou consensus ?

Ma foi, cette fois, je crois qu’il est évident pour tous que le consensus est plus souhaitable que le compromis ! Seulement voilà : il n’est pas toujours trouvable…

Notre démarche consistera donc à mettre en place la recherche de consensus, en sachant que nous n’obtiendrons peut-être qu’un compromis. Ce qui est déjà pas mal.

Dans tous les cas, en nous lançant dans la démarche de recherche de solution qui convienne à tous, nous donnons à nos enfants un modèle d’écoute, de respect mutuel, et les aidons à développer leur sens de l’empathie.

Ce serait chouette d’ailleurs que cela soit enseigné dans nos écoles ! Rien qu’à écrire ces lignes, je me sens triste, en pensant à tous ces adultes non malveillants, mais non formés, qui « aident » à résoudre les conflits entre enfants en imposant leur décision arbitraire, sans avoir pris le temps de les écouter. Car non seulement cela ne résout pas le conflit, mais, de nouveau, cela ne leur enseigne pas à le faire autrement à leur tour, ensuite !

Dans la pratique, comment se déroule la résolution de conflit ?

Trouver le bon moment

Inutile de chercher à résoudre un conflit lorsque tout le monde est encore sous le coup de la colère. En fait, inutile de chercher à résoudre un conflit lorsque l’un des protagonistes est encore sous le coup de la colère.

Nous attendrons donc d’abord que tout le monde soit dans un état émotionnel neutre.

Ensuite, il faut être sûr que chacun est disposé à discuter. Le mieux est donc de le demander.
« J’aimerais discuter avec toi, est-ce un bon moment maintenant ? » ou bien : « Tu pourras me dire quand tu seras disponible ? »
On peut éventuellement préciser de quoi l’on voudrait discuter, mais pas forcément.

Ecouter le point de vue de chacun

Oui, ça a l’air évident comme ça, mais nous ne suivons pas toujours bien cette étape ! Et pourtant, elle est fondamentale à plusieurs titres.

  • D’une part, parce qu’on ne peut évidemment pas envisager de trouver comment répondre aux besoins de chacun si l’on ne connait pas les besoins de chacun !
  • D’autre part, parce que l’autre est toujours plus ouvert à discussion et recherche de solution lorsqu’il se sent écouté !!

Nous allons donc commencer par formuler le point de vue de chacun.

L’idéal est de laisser d’abord l’enfant s’exprimer. De lui demander ce qu’il se passe pour lui par rapport à la situation dont il est question. S’il est trop jeune, ou s’il ne dit rien, nous pouvons essayer de communiquer ce que nous pensons de sa situation, et essayer ainsi de nous en faire l’interprète. Attention cependant à rester précautionneux dans notre communication, pour laisser la place au doute dans ce que nous décrirons.

Ensuite, nous parlerons de notre point de vue. Nous partagerons notre propre ressenti, nos envies, nos besoins.

Cette phase d’échange de point de vue est vraiment riche. Parce que c’est celle qui nous aide, et aide notre enfant, à développer des qualités d’empathie et de respect mutuel.

Elle crée aussi de la connexion : il n’est pas question simplement d’écouter le point de vue de l’enfant et de devenir responsable de la résolution de son problème. Il n’est pas non plus question d’exposer notre point de vue et d’imposer notre solution à notre enfant. Ici nous sommes à la croisée des chemins, dans une position dans laquelle nous cherchons chacun à comprendre l’autre pour essayer de trouver un fonctionnement qui convienne à tous. Waouh.

Parfois, une chose extraordinaire se produit alors. En donnant à chacun d’entre nous l’occasion de prendre l’autre en compte, nous faisons disparaitre le problème ! Car parfois, écouter l’autre permet de se rendre compte qu’il n’y a pas vraiment de conflit. C’était seulement une mésentente, un quiproquo quasiment !

C’est ce qui était arrivé à mes grands lorsque nous avions discuté de l’heure de départ pour l’école

Proposer des solutions

Dans la majorité des cas, cependant, il conviendra de chercher une solution.

Si les points de vue exposés précédemment ne sont pas trop éloignés l’un de l’autre, cette étape peut être très simple. Une solution est proposée, on vérifie qu’elle convient à l’autre, et on l’adopte ! Facile, rapide, et tellement efficace qu’on a envie de recommencer cela régulièrement !!

Il arrive que ce ne soit pas si facile. Il faudra alors proposer plusieurs solutions. Chercher à être créatif. Comme si nous faisions un brainstorming. De vraies idées pour résoudre le conflit. Et parfois nos enfants pourront avoir des idées que nous n’aurions pas eues

Choisir la solution, l’essayer pendant un temps

Enfin, on peut choisir la solution. Une solution qui convienne à tous.

Et nous convenons alors d’une période d’essai. Parce qu’en réalité il est difficile d’affirmer que la solution nous conviendra tant qu’elle n’aura pas été testée. C’est une idée, et il s’agit de la mettre à l’épreuve de la pratique.

Il arrive, enfin, que les points de vue de chacun soient tellement éloignés qu’il parait impossible de trouver une solution qui convienne à tous. Tout ce que propose l’un déplait à l’autre, et vice-versa.
Dans ce cas, il faudra peut-être interrompre la démarche, et accepter d’en sortir sans solution immédiate. (ou avec une solution temporaire, tout en étant clair sur le fait qu’elle ne convient pas vraiment.)
Et laisser les choses reposer. Car, même si l’on n’aboutit pas immédiatement à une solution, la conversation aura déjà été une étape. Une étape très importante même puisqu’elle aura aidé chacun à mieux comprendre l’autre. Et il y a fort à parier que lorsque cette conversation sera reprise, les choses auront déjà évolué un peu.

Le suivi

Nous avons déjà soulevé, ci-dessus, l’idée d’une « période d’essai ». Cela implique évidemment un suivi. Au bout d’un certain temps – convenu en avance, souvent pour nous, une semaine -, nous pourrons donc échanger sur la manière dont chacun a vécu la mise en place de la solution, et décider de l’adoption définitive de celle-ci, ou de sa modification. Chez nous il aura fallu plusieurs semaines pour trouver la solution qui convienne à tous pour le moment du débarrassage !

Mais cela n’est pas la seule raison d’être du suivi. En fait, souvent, une période d’adaptation est nécessaire. Ou du moins, une période d’apprentissage.

C’est l’idée qui me pose le plus de difficultés, à moi… J’ai tendance à considérer que lorsqu’on a décidé ensemble d’une solution, on n’a plus qu’à l’appliquer, et puis c’est tout ! Mais ce n’est pas si simple…
Sur ce sujet, le livre La discipline positive pour les adolescents donne de très bonnes pistes, qui peuvent s’appliquer pour les enfants plus jeunes également.

En gros, les enfants n’ayant pas les mêmes priorités que nous, il nous appartient de mettre en place un suivi tout à la fois ferme et bienveillant, revenant sur les points de notre accord de façon sobre, sans reproche ni critique, mais sans tolérance excessive non plus. Un art, je vous dis !

Un investissement de temps…

Je ne peux terminer cet article sans un mot sur le temps d’investissement que cette démarche demande.

Parfois, les parents auxquels j’explique les principes de recherche de solution me rétorquent que cela demande trop de temps ! Lorsque l’on cherche à résoudre un point, on ne veut pas passer tant de temps à le discuter, et encore moins à revenir dessus encore, pour faire évoluer la solution, et ainsi de suite !

Soit.

Il est vrai que nous vivons dans une société d’efficacité, et je comprends que cette démarche puisse sembler trop longue.

Cependant…

Cependant réfléchissez bien.

Sur deux points.

  1. Ce que nous cherchons à développer chez nos enfants. Ce que nous leur enseignons dans la démarche : l’écoute, l’empathie, la recherche de solution, l’engagement, le respect, l’harmonie… Cela vaut la peine de prendre du temps, non ? (d’ailleurs, cela peut également se faire en dehors du moment, par des lectures telles que les blipoux, par exemple)
  2. Lorsqu’on adopte une solution qui ne convient pas à tous, ne perd-on pas un temps fou (et une énergie folle aussi !) à revenir sur les problèmes posés, sur le non-suivi des règles ? Ne gâchons-nous pas notre humeur à nous agacer pour tout ce qui nous rend insatisfaits ? Est-ce qu’on gagne réellement du temps à long terme, en l’économisant à court terme ?

Je vous laisse sur cette réflexion…

Et si vous voulez télécharger une fiche résumé de cet article, il vous suffit de cliquer ici.

L’enfant qui tape… Voilà un des comportements les moins facilement acceptés par la société. Et pourtant, c’est un comportement qui se présente très fréquemment. Ce n’est pas du tout anormal de voir un enfant, même tout-petit, adopter un comportement agressif. Pourquoi l’enfant tape-t-il ? Comment y réagir ? Comment l’aider à évoluer dans sa maturité et à réagir autrement ? Autant de questions auquel cet article cherche à répondre.

(Au passage : je m’interroge sur cette société qui considère qu’un enfant qui tape se comporte mal, mais trouve au contraire normal qu’un parent tape son enfant pour lui apprendre à bien se comporter…

Cette contradiction est évidemment à noter dans les bonnes raisons de ne pas taper son enfant.)

Commençons déjà par nous interroger sur les causes. Il est toujours plus efficace de chercher la raison derrière le comportement que de s’adresser seulement au comportement lui-même, c’est à dire à la manifestation extérieure du problème.

Pourquoi tape-t-il ?

En général, quand on en arrive à frapper, c’est qu’on se sent démuni. Frapper, pour un enfant – comme pour un adulte – est un aveu d’impuissance. Celui qui frappe croit qu’il n’a plus d’autre solution !

Plus l’enfant est jeune, moins il a eu le temps de développer des solutions alternatives. Logiquement, un enfant de 2 ans est encore en recherche d’options.
Il est donc assez logique pour lui de taper celui qui l’agresse (en tout cas selon son ressenti), c’est sa manière de se défendre.

C’est en grandissant que l’enfant va développer d’autres solutions, moins violentes, et nous pouvons l’y aider.
Et cela prend plus ou moins de temps en fonction des enfants. Certains (surtout s’ils sont hypersensibles) tapent encore à 6 ou 7 ans. Rien d’inquiétant, mais ça vaut la peine de l’accompagner.

Le cerveau de l’enfant est encore en développement. Il apprend énormément, et a des capacités que nous, adultes, n’avons plus. A l’inverse, certains de ses circuits ne sont pas encore complètement mûrs. En particulier, toute la partie de gestion des émotions et des sentiments. Voilà pourquoi un jeune enfant peut se jeter par terre pour hurler et taper des pieds quand il fait face à une trop grande frustration !

Si nous ne faisons jamais ça au bureau, c’est bien sûr parce que nous avons enregistré certaines règles sociales, mais pas seulement ! Nous avons aussi une capacité à processer nos émotions que l’enfant n’a pas encore. Cette partie du cerveau ne sera complètement développée qu’à 25 ans…

Il revient donc au parent d’accompagner l’enfant dans son vécu de l’émotion.

Pour cela, un outil central  : recevoir l’émotion en question !

Il est difficile de vivre sa colère, mais si en plus, la personne qui nous fait face nous commente : « Arrête de t’énerver ! », on va plutôt exploser ! Face à un enfant en colère, on commentera donc plutôt : « Tu sembles très énervé ! ». Le simple fait de voir que l’émotion est perçue par l’entourage aidera à calmer l’enfant.

Si, comme dans le cas qui nous intéresse, l’enfant va jusqu’à en taper un autre (ou un parent), on peut également constater cela : « Tu es tellement énervé que tu n’as pu t’empêcher de me taper ! ». Ce n’est pas la peine de le nier, c’est un fait. On l’observe, c’est tout. Ca ne veut pas dire qu’on est d’accord. On va au contraire passer le message à l’enfant que les émotions sont toutes permises, mais que les actes ne le sont pas. Parce qu’il reste vrai que taper l’autre est inadmissible. On peut donc exprimé notre mécontentement, avec fermeté, et bienveillance à la fois : « Je vois que tu es très énervé ! En même temps, je ne peux pas te laisser taper ton frère. Il va falloir trouver d’autres façons d’exprimer ta colère ! »

Le modèle

Un enfant reproduit ce qu’il observe. Donc, plus l’enfant verra autour de lui des adultes qui tapent, plus il tapera lui-même. Comme nous le disions en début d’article, si nous voulons que notre enfant apprenne à ne pas taper, le premier principe à suivre sera évidemment de ne pas le taper !! Jamais. C’est aussi simple que cela. C’est aussi inadmissible que le fait qu’il frappe ou morde quelqu’un. Si nous voulons lui enseigner le respect des autres, nous devrons lui montre comment cela se vit, verbalement, même lorsque nous perdons patience.

Et si nous sommes à court d’alternatives, passons le temps qu’il faudra à développer d’autres compétences, nous gagnerons bien plus de temps à long terme qu’en entrant dans un rapport de force ou une lutte de pouvoir qui va encourager sa rébellion.

Le temps de pause

L’outil le plus essentiel pour éviter d’exprimer sa colère de telle façon, c’est de prendre un temps de pause.
Là encore, cette méthode est valable autant pour les enfants que pour les parents.
Un temps de pause, cela signifie qu’il faut s’extraire un moment de la situation.

Attention cependant : nous ne sommes pas dans le schéma de l’isolement « pour y réfléchir ». Car, en étant submergé par la colère, on n’est pas capable de réfléchir !! Le vocabulaire utilisé, le ton, notre présentation des choses enfin, fera toute la différence.

Le message : « Je vois que tu es trop énervé pour pouvoir parler pour l’instant. Je te propose de prendre un temps de pause, pour laisser la colère retomber. »

L’idée est qu’il prenne le temps de se reconnecter à lui-même. Alors seulement, il sera possible de parler de la situation.

L’idéal serait de pouvoir l’y aider, l’accompagner dans cette démarche. Surtout pour les plus jeunes.

Cependant, ce n’est pas toujours facile. Je suppose que cela dépend également du parent. De mon côté, je sais que je ne suis pas capable de faire face trop longtemps à une tempête émotionnelle : si je prends trop sur moi pour cela, je serai tellement tendue que c’est ensuite moi qui me mettrai à crier, ce qui n’est pas souhaitable non plus !! Alors, je m’écoute. Lorsque je suis sereine, je reçois et j’écoute tout en continuant à parler doucement. Parfois, je fais appel à l’image de la coupe pour recevoir les pleurs de l’enfant, qui me permet de m’en détacher.
Et puis, lorsque je sens que je ne le peux pas, que je dois également prendre soin de moi pour pouvoir prendre soin des enfants, je fais le choix de laisser le temps à l’enfant de son côté. « Je comprends que tu aies besoin de temps. Tu peux aller pleurer dans ta chambre, si tu veux. »

Jane Nelsen (auteur de la discipline positive) suggère même la création d’un endroit spécial pour le retour au bien être. Cet endroit peut avoir été conçu avec l’adulte en dehors d’un moment de colère. L’enfant peut alors décider d’y mettre un coussin, un livre, ce qu’il veut pour l’aider à se sentir mieux.

Cette méthode est également à utiliser lorsque les enfants se tapent entre eux. Bien sûr, il faudra intervenir, et poser un cadre solide. Mais pour commencer, il vaut mieux les séparer.

Là encore, l’intonation joue un rôle clef. Nous ne choisirons pas de les séparer avec des mots associés à la punition tels que « Chacun dans sa chambre ! Et vous n’en sortez pas avant que je vous le dise ! », mais plutôt : « Je vois deux enfants très énervés, et je crois que vous avez besoin d’un temps de pause. »

Prévenir plutôt que guérir

Autant lorsque l’enfant est sous le coup de la colère, il est impossible de l’atteindre, autant en parler avec lui pendant un moment calme sera une bonne idée.

Plus nous parlerons avec l’enfant de ce que sont les émotions, mieux il pourra les comprendre et les contrôler. Il ne les maîtrisera pas forcément, et ce n’est pas ce que l’on cherche, mais il réagira différemment à son mécontentement.

Donnons-lui le vocabulaire qui convient pour qu’il puisse communiquer ce qu’il ressent, et cherchons des options avec lui :  « Ecoute, je vois que tu as encore du mal parfois à exprimer ta colère autrement qu’en frappant. Est-ce que tu voudrais qu’on réfléchisse ensemble à d’autres façons de réagir ?  »

Et les autres façons de réagir ne manquent pas :
respirer, dessiner sa colère, s’isoler (dans un coin de retour au calme conçu pour, comme évoqué précédemment, c’est encore mieux !), compter jusqu’à 10, courir autour de la table, aller crier dans le jardin…
Une bonne manière d’exposer ces alternatives peut être de construire avec l’enfant une roue des options !

Lorsque l’enfant tape, développer son empathie

Je me joins à Jane Nelsen pour dire que chaque erreur est une opportunité d’apprentissage.

Lorsque l’enfant tape, il fait une erreur. Ne lui tombons pas tout de suite dessus, il a besoin d’apprendre.

Que va-t-il apprendre cette fois ? L’empathie !

Lorsqu’il sera en mesure de nous écouter (inutile, je le répète, d’essayer de lui parler tant qu’il est sous le coup de la colère), nous pourrons l’encourager à essayer de se mettre à la place de l’autre : « Je crois que tu as fait mal à ton copain. As-tu vu qu’il s’est mis à pleurer ? Sais-tu pourquoi ? »

Un exemple incroyable d’accompagnement de l’enfant vers l’empathie après un épisode où un enfant tape l’autre :  celui du blog Happynaiss avec ses filles.

Lorsque j’ai un épisode de geste violent entre mes plus jeunes, j’en profite pour leur parler de nos valeurs familiales. Je leur explique que dans notre famille, nous aspirons à nous sentir en sécurité. En général, ils sont d’accord sur l’idée ! Et c’est déjà un vrai pas en avant. Cela m’encourage à avoir confiance. Confiance dans le fait qu’en grandissant, ils sauront réagir différemment. Ils sont en train d’apprendre la sociabilisation, et ce n’est pas une mince affaire…

Et si l’enfant nous tape ? Poser nos limites.

Si l’enfant nous tape, c’est encore une opportunité ! L’opportunité de lui donner l’exemple de ce que l’on peut faire lorsque quelqu’un nous tape. Parce que l’enfant apprend par l’exemple, notre façon de réagir l’inspirera le jour où cela lui arrivera. Cela peut nous aider à décider comment nous réagirons face à lui, conscients de l’exemple que nous sommes en train de lui donner.

Pour cela, prenons le temps d’y réfléchir : imaginons qu’un camarade lui donne des coups. Comment voudrait-on qu’il réagisse ? C’est probablement de là qu’il faut partir pour décider comment nous réagirons face à lui.

Je ne sais pas quelle sera votre réponse face à cette question. Chacun la sienne.

De mon côté, je n’ai pas envie qu’il réagisse en rendant les coups (à son petit frère qui n’aura pas encore appris à se contrôler par exemple), ni pour autant qu’il accepte juste de recevoir des coups.
Non, je voudrais qu’il sache poser ses limites, et communiquer le fait qu’il n’est pas d’accord.

Alors, c’est ce que je vais faire.

Je ne le laisse pas me taper, et je le lui dis clairement et fermement : « Je sais que c’est difficile pour toi. En même temps, je refuse de me laisser frapper.« .
Ainsi, je reçois sa colère, je ne l’humilie pas, je suis juste ferme sur ma position. Et si cela ne suffit pas, j’agirai, en m’éloignant, et en restant hors de portée.

Après l’épisode, et pour que ce soit clair, j’en parlerai avec mon enfant.

Je chercherai d’abord à « prévenir plutôt que guérir », comme évoqué plus haut : « Je vois que parfois, tu es tellement énervé que tu as envie de me taper. Tu as le droit d’être d’énervé, mais pas de me frapper. On peut chercher ensemble d’autres moyens d’exprimer ta colère si tu veux. ». Si cela est trop fréquent, je le préviendrai également de la conséquence dans le cas où il n’y parviendrait pas : « Si à un moment où tu n’y arrives pas, tu recommences à me frapper, je changerai de pièce. Je serai ravi(e) de revenir te parler et t’écouter si tu le veux lorsque tu seras prêt à communiquer avec moi sans me taper. »
Ainsi, si cela recommence, effectivement changer de pièce, simplement. Sans trop commenter.
Soit en disant juste : « Tu es énervé. Je ne veux pas me laisser taper. », soit même en ne disant rien, puisqu’il le sait déjà. S’en aller, simplement.
S’il se calme et revient, parfait.
S’il hurle, à nous de revenir au bout d’une minute, et demander : « Je voudrais bien t’aider. Es-tu prêt à ne plus me frapper ? » Simplement.

Parce que c’est bien ce que je voudrais que mon enfant fasse si quelqu’un le tape. Qu’il s’en aille. Pas qu’il se laisse taper. Je lui donne ainsi le modèle de comment poser ses limites physiques. Je me respecte moi-même et lui montre comment faire.

La courbe d’apprentissage

Dans cet apprentissage, comme pour n’importe lequel, le temps est clef. Rome ne s’est pas faite en un jour.

Chez nous, à un moment, on répétait : « on ne tape pas, on ne pousse pas, on exprime sa colère avec des mots ». Parce que mon 3e tapait régulièrement mon 4e.

En théorie, ma priorité était claire : je voulais qu’il apprenne à s’exprimer. Que sa colère ne soit plus communiquée par des gestes, mais verbalement, par des mots. Et, en même temps, je ne voulais pas non plus qu’il crie ! Puis j’ai compris qu’il fallait laisser le temps de l’apprentissage, alors j’ai accepté les cris. Parce qu’il valait mieux qu’il crie plutôt qu’il tape..

Parfois, il faut savoir gérer les priorités, ne pas s’attaquer à tout à la fois.

Et sur son chemin, l’enfant a également besoin de se construire. De construire une image de lui-même selon laquelle il est capable de réagir sans taper. Alors, plutôt que d’insister sur le fait de ne pas taper lorsque cela lui arrive, remarquons plutôt les moments où cela se passe bien.

Ainsi, dans cette période évoquée ci-dessus, je notais : « Dis donc, je t’ai entendu crier, tu étais très enervé !! Et tu as réussi à le dire sans frapper. » Pas besoin de compliment, rien que le fait que vous l’ayez noté suffit ! Ca aide l’enfant à changer l’image qu’il a de lui-même. Parce que si on passe trop de temps à lui dire tout ce qui ne va pas, il ne voit plus qu’il sait faire autrement.

Plus tard, on a travaillé sur les cris…

La clef donc : ne pas se désespérer, persévérer, et surtout, surtout, avoir confiance. Votre enfant apprendra. C’est certain.

Et si vous voulez télécharger une fiche résumé de cet article, il vous suffit de cliquer ici.

Ce n’est pas la première fois qu’en avançant sur ce chemin de la parentalité positive, j’y trouve ces mots de pouvoir, de respect, de coopération.

C’est cependant la première fois qu’ils sont présentés de manière si explicite, dans la première partie de parents respectueux, enfants respectueux.

Pourtant, cela fait un moment que ces notions dansent en moi.
Nous avons déjà réfléchi à la notion parfois toute relative du respect, et nous avons également parlé du pouvoir, et du modèle que nous donnons à nos enfants en l’utilisant de manière autoritaire.

Ici, les auteurs creusent cette idée qui fait partie des fondements de la parentalité positive, de l’exercice d’un pouvoir avec nos enfants. Nous entrons alors dans la coopération.
“La coopération est une voie à double sens.”
Et oui, comme nous le disions à propos du respect, il arrive que ces mots soient utilisés plutôt à sens unique : certains adultes attendent que les enfants “coopèrent” en agissant selon les instructions données par l’adulte, sans se plaindre, tandis que les parents n’ont, eux, pas besoin de coopérer.
Dans la coopération, il y a l’idée d’écouter les besoins de chacun pour trouver une solution qui convient à tous.
C’est ce que nous cherchons à leur enseigner pour régler leurs disputes, alors la première étape devrait bien être de chercher à leur en donner l’exemple !

Je ne dis pas que c’est facile, non. Parce qu’entre nos désirs profonds et les situtations de vie réelles, il y a toujours un écart…

Dans cet article, je vous propose donc de voir ensemble comment avancer vers plus de coopération ?

1 – En réfléchissant à la notion de respect

Oui, si, suite au lien ci-dessus, vous n’avez pas été relire  l’article sur le respect, je vous encourage à le faire, comme je l’ai fait en écrivant celui-ci, car c’est toujours important de se reposer ces questions. Et nous pouvons même échanger sur ce thème avec les enfants, s’ils sont en âge de le faire.
Que signifie le respect ?
Qu’attend quelqu’un qui demande du respect ?
Est-ce toujours mutuel ?
Faites vous bien la différence entre le respect pour la personne et le respect de l’instruction, c’est à dire l’obéissance ? (On dit d’ailleurs “respect des consignes”, mais ce n’est pas du tout le même respect !!)
Le respect des valeurs, comment le vivre ?

Dans cette partie du livre, il est dit que dans l’étymologie du mot respect, il y a l’idée de regarder. Ainsi, pour les auteurs du livre, “respecter l’autre, c’est regarder ce qu’il vit, en particulier ses sentiments et besoins dans le moment présent.”
J’aime bien cette définition. On devient observateur, on cherche à prendre l’autre en compte, pas à le changer…

2 – En arrêtant de se braquer sur les mauvais comportements

Oui, nous avons cette tendance. Nous ne passons pas facilement leurs erreurs à nos enfants, nous voudrions que tout fonctionne toujours bien.
N’oublions pas cependant que tout apprentissage demande du temps, et que montrer ce qui est réussi fonctionnera toujours mieux que d’insister sur ce qui ne l’est pas. Parce que ça changera l’image que l’enfant aura de lui-même.

Ainsi, je suis déçue les matins où, après avoir accompagné les petits à l’école, je m’aperçois que les grands n’ont pas vidé le lave-vaisselle et nettoyé le plan de travail ; mais je savoure les jours où c’est le contraire, et je mettrai ces jours-là plus en valeur, jusqu’à ce qu’ils soient plus fréquents.

3- En se concentrant sur les besoins

Ceux de nos enfants, et les nôtres.
Nous avons une fâcheuse tendance à ne voir les choses que de notre point de vue. Mais, soyons clairs : lorsque notre enfant fait quelque chose qui nous déplait, il est rare que ce soit pour nous déplaire. En général, il le fait plutôt pour répondre à son propre besoin, et c’est à ce besoin qu’il faudrait s’attacher plutôt que de se sentir visé.
(Là encore, je sais, plus facile à dire qu’à faire…)
Pour mieux comprendre leurs comportements, et savoir s’ils répondent à un besoin d’attention ou autre, la perspective exposée par la discipline positive sur les comportements inappropriés peut aider. Car, si l’on en croit les principes d’Adler, un enfant qui se comporte mal est un enfant découragé.

Quant à nos besoins, savoir les écouter, c’est également faire preuve de respect : respect de soi dans ce cas, et en donner le modèle aux enfants. Ce point-là mérite bien d’être creusé, et cela sera fait dans un article spécifique : Les parents aussi ont des besoins.

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Je pense que dans le principe, personne n’oserait dire qu’il est contre le fait d’instaurer une relation de respect avec son enfant. La question est plutôt : qu’entendez-vous par respect ? Le respect de l’adulte, et le respect de l’enfant.

Ce n’est pas une question anodine.
D’une part parce qu’en fait de question, c’est plutôt un éventail de questions, dont la portée est immense.
D’autre part parce qu’en fonction de notre ressenti face aux différentes facettes de cet éventail, c’est notre conception même de l’éducation qui peut varier.
Le respect est donc au coeur de l’interrogation du rôle de parent.
Un mot que nous n’avons pas peur d’introduire lorsque nous parlons de parentalité positive, même s’il va à l’encontre des schémas reçus.

Première facette de l’éventail : le respect, à sens unique ?

Commençons déjà par écarter de notre réflexion cette conception bancale, celle du respect à sens unique.
Oui, certains adultes n’hésitent pas à parler de respect quand ils réclament en réalité le respect de l’enfant envers les adultes, et non le contraire.

Et encore… si par respect de l’adulte, ils se limitaient au concept du privilège de l’âge, ce pourrait être partiellement recevable : chacun de nous le vit même en tant qu’adulte. On exprimera des formules respectueuses envers des personnes âgées, on leur cédera nos places dans le bus, et c’est une forme de respect.
Mais au delà du “merci madame” qui est attendu de l’enfant, il n’est pas rare de constater qu’un adulte qui demande le respect de l’enfant demande en fait surtout son obéissance, ce qui est tout autre chose, n’est-ce pas ?

Chacun son point de vue sur la question. De mon côté (et c’est parfois épuisant), comme je l’ai déjà écrit ici, je ne veux pas d’enfants obéissants.
Je peux comprendre que ce ne soit pas l’avis de tous, mais qu’au moins, personne ne joue sur les mots : le respect, ce n’est pas l’obéissance.

Enfin, pour en revenir au point de départ de cette facette, lorsque nous demandons le respect de l’enfant, sommes-nous prêt à le respecter en échange ?
Acceptons-nous réellement la notion de respect mutuel ?
Voilà bien le coeur de cette première facette de la question. Le respect mutuel.
Pas de traduction hâtive : nous restons l’adulte, et aurons de ce fait un rôle de guide. Mais nous enseignerons avec respect, nous écouterons, nous compatirons. Et cela changera tout à la dynamique de notre relation.

Deuxième facette de l’éventail : la mise en pratique dans le dialogue

Imaginons à présent que nous soyons arrivés à la conclusion que nous cherchions effectivement à mettre en place une relation mutuellement respectueuse avec notre enfant.

Alors, nous arrivons à la deuxième facette de cet éventail : le mettons-nous réellement en pratique ?
Dans Elever nos enfants avec bienveillance, Marshall Rosenberg (fondateur de la CNV – Communication Non Violente) raconte que lors des ateliers de CNV, ils commencent souvent par l’exercice suivant. Ils séparent le groupe en deux, et demande à chaque sous-groupe d’écrire un dialogue autour d’une altercation.
Les deux groupes ont le même scénario, à ceci près qu’un groupe imagine s’adresser à un voisin, l’autre groupe à un enfant. Les groupes n’ont pas conscience d’avoir des interlocuteurs différents au moment où ils confrontent leurs dialogues imaginaires. Il en ressort que le dialogue adressé à un enfant est systématiquement moins respectueux que celui qui s’adresse au voisin.
Ainsi, l’enfant est, dès le départ, moins respecté. Par principe, presque. Par principe inconscient, du moins. De quoi nous aider à ouvrir les yeux, non ??

Je sais ce que certains d’entre vous pensent, parce que je l’ai moi-même pensé. S’il est vrai que nous parlons parfois à nos enfants d’une manière avec laquelle nous ne parlerions jamais à nos copains, c’est aussi parce que nos enfants ont parfois un comportement que n’auraient jamais nos copains !! C’est vrai. Ca explique probablement qu’on se laisse parfois déborder…

Cependant, l’expérience décrite par Marshall Rosenberg montre que cette notion s’est tellement insinuée en nous que, parfois, nous n’essayons même pas.
Soyons attentifs.

Troisième facette de l’éventail : conserver le respect que nous avons pour notre enfant

Je fais ici un saut en avant, me plaçant dans le cas du parent “bienveillant”, qui a réfléchi à la question, et cherche bien à respecter son enfant.
Il écoute ses émotions, il les reçoit, il lui donne des choix, il cherche à ne pas imposer…
Seulement, parfois, il a beau faire, rien n’y fait. Il s’entête, et parvient finalement au point de bascule, celui où tout le respect s’envole et disparait derrière la colère !

Ca m’arrive aussi, bien sûr. Alors, comme beaucoup d’entre vous, j’y ai réfléchi.
Je pense qu’il vaut mieux parfois être ferme et clair sur le fait que le choix n’existe pas, avant d’atteindre ce point de non retour. Ne pas le mettre nous-même dans une position où nous ne ressentons plus de respect pour lui !
Pour illustrer ce point, je reprendrai l’exemple simple de ma copine Gwen (une femme inspirante, qui suit aussi le chemin de la parentalité positive avec courage, publiant en particulier chaque semaine un résumé de ces moments réussis, toujours inspirant. Pour lire celui qui contient cet exemple, c’est ici.)

Je le rapporterai simplement comme elle l’écrit :

Au parc, après une matinée difficile. Il est temps de rentrer.
« F., je vois que tu t’amuses. Mais c’est l’heure de rentrer.
– Noooon.
-Je vais chercher E., ta draisienne est près du portillon.
– Nooooon.
-J’avance et tu me rejoins. »
Je ne rajoute pas un mot, tourne les talons, et avant même que j’aie franchi le portillon, F. est à côté de moi, draisienne à la main. Ouf.

Ce que j’aime dans cette histoire : Gwen a su exprimer ses attentes simplement, validant le sentiment de son fils, puis donnant les informations utiles, sans se laisser prendre dans une négociation qui l’aurait épuisée et l’aurait probablement empêchée de continuer à traiter son fils avec tout le respect qu’il mérite, soit à ce moment-là, soit un peu plus tard.
Parce qu’à force, on ne va pas se mentir, on s’épuise…

Quatrième facette : lui donner l’opportunité de tenir compte de l’autre

Ce sera mon dernier point, mais peut-être le plus subtil, et le plus essentiel : respecter l’enfant, c’est avoir confiance en lui pour nous respecter aussi. Et pour cela, ne pas hésiter à lui donner l’opportunité de tenir compte de l’autre.

Cela passera par le partage de nos sentiments, et de nos besoins, pour qu’ils puissent y répondre. Ce qu’ils feront fréquemment. J’ai confiance. Sans qu’on le leur impose.

Dr Alison Gopnik a mené une expérience intéressante avec des crackers et des brocolis,  démontrant que les enfants, dès 18 mois (pas avant en revanche) sont capables de répondre au besoin de l’autre, même s’il est opposé au leur. (expérience décrite dans cet article, ou à voir ici sur youtube).

Je l’ai moi-même constaté depuis que j’adopte cette approche pour encourager l’enfant à dire merci.

Ainsi, je respecte également mon enfant en lui proposant de me respecter, le préparant à vivre non pas seul, mais dans une société, une société composée d’individus avec des ressentis et des besoins différents. Je respecte suffisamment mon enfant pour attendre de lui le respect que j’attends de mes pairs. Et lui en offre l’occasion.

Alors, je pourrai lui demander plutôt que d’ordonner, sans crainte qu’il n’y prête aucune attention, parce que mon bien-être comptera pour lui également, comme le sien pour nous. Cela ne signifie pas qu’il répondra positivement à tout. Parfois, son besoin sera plus fort. Comme le nôtre en d’autres circonstances. Mais il prendra la décision en prenant également mon point de vue en compte.

Je me souviens de l’anecdote d’une maman illustrant ce point. Après notre journée d’atelier, au lieu de se battre comme d’habitude avec ses filles pour partir à l’heure, elle leur a dit : « je n’aime pas arriver en retard. ». Et les filles se sont préparées sans histoire. En fait, elle ne leur avait jamais auparavant donné sa propre perspective des choses. Ses filles ne se doutaient même pas que c’était à son propre besoin que leur mère répondait en les houspillant pour qu’elles se préparent plus vite.

Ayons confiance en eux. Respectons-les suffisamment pour cela !