— Note : cet article est d’abord paru dans le magazine Grandir Autrement – N 72 de sept-oct 2018 —-
Lorsque l’on demande à un groupe de parents de parler de leurs difficultés avec leurs enfants, il n’est pas rare d’entendre parler de devoirs. En effet, cette tâche quotidienne se transforme régulièrement en bataille, et devient sujet sensible, pour les parents comme pour les enfants.
En fait, les parents aimeraient que leurs enfants soient responsables de leurs devoirs, et les enfants aimeraient que les parents les laissent prendre cela en charge. A priori, ces objectifs ne sont pas seulement compatibles, ils sont identiques ! Alors, d’où vient le dérapage ?
Sur ce sujet, les mots de Jean-Michel Blanquer, présentant le projet “devoirs faits” sont assez révélateurs : « Ça signifie que des devoirs, il y en a, mais qu’ils ne sont pas faits pour être faits à la maison mais plutôt dans l’établissement, de façon à créer une forme de tranquillité en famille sur ces sujets, à amenuiser les inégalités qui peuvent exister entre les familles et à avoir du temps heureux en famille.”1
Si l’objectif d’amenuiser les inégalités est clair, on peut s’interroger sur celui de “créer une forme de tranquillité en famille” : cela confirme bien, s’il en était besoin, la tension qui existe autour de ce moment…
Notre objectif ici est de proposer des pistes pour revenir à l’objectif commun initial : encourager notre enfant à être autonome sur la question des devoirs, et l’accompagner dans cette direction sans heurt si ce n’est pas encore le cas.
A quoi servent les devoirs ?
Peut-être faudrait-il déjà commencer par là.
Cette simple question est un débat en soi. Certains n’hésiteront pas à citer la circulaire de 1956 qui bannit théoriquement les devoirs écrits au primaire, jugés inutiles… Mais quelle que soit notre position, si notre enfant rentre à la maison avec des devoirs, il va bien falloir qu’il y fasse face.
Or, lorsqu’un enseignant décide de donner des devoirs à ses élèves, il ne le fait certainement pas dans le but de leur nuire. Au contraire. Comprendre les raisons qui soutiennent cette décision sera donc un premier pas important.
Et les raisons sont multiples. Les bénéfices attendus pour l’enfant seraient ainsi : le fait de s’approprier la leçon, voir s’il a bien compris, et s’entrainer pour mieux maitriser les notions abordées ; apprendre à s’organiser dans son travail personnel, compétence qui lui sera bien utile. Et pour l’enseignant : s’assurer une certaine homogénéité dans le groupe, vérifier que les explications ont bien été comprises, ou déceler au contraire un besoin d’approfondissement.
Prend-on le temps de discuter de ces bénéfices avec l’enfant ?
Malheureusement, l’adulte – que ce soit l’enseignant ou le parent – se positionne souvent dans une relation verticale, dans laquelle il attend que l’enfant obéisse, même s’il ne sait pas pourquoi. Je vous encourage aujourd’hui à vous poser la question suivante : cette posture est-elle compatible avec le fait d’attendre de l’enfant qu’il prenne la responsabilité de ces devoirs ?
Pour qui l’enfant fait-il les devoirs ?
C’est une question clef. Car les neurosciences nous ont montré une activité du cerveau bien plus forte lorsque l’activité est choisie, et non imposée. Donc, pour que l’apprentissage soit efficace, il faut éviter que les devoirs soient une simple obligation.
Pas facile. Cependant, si l’on ne peut contrôler l’autre, on peut se contrôler soi-même. Il sera peut-être difficile de persuader notre enfant qu’il fait bien les devoirs pour lui-même, mais ce sera déjà un bon point de départ de ne pas lui enseigner, par notre comportement, qu’il les fait pour nous.
Le simple fait de lui demander, encore et encore, s’il a bien fait ses devoirs, lui montre bien l’importance que cela revêt pour nous, bien plus que le contenu de ce qu’il apprend, dont on lui parle en général très peu… Plutôt que de nous intéresser au contenu de son apprentissage, nous restons focalisés sur le bulletin, qui doit être bon pour nous plaire. Et voilà comment l’enfant en vient à travailler pour nous, plus que pour lui.2
Rendre à César ce qui est à César
L’année dernière, j’assistais à la réunion parents-profs de ma fille, en équivalent CM23. L’une des mamans cherche à faire annuler les notes d’une évaluation, arguant que les notions au programme n’étaient pas claires sur le site qui permet aux parents de voir tous les devoirs de leurs enfants, et qu’elle n’a donc pas préparé son fils de manière adéquate. Je ne peux m’empêcher de penser que si elle avait laissé son fils prendre lui-même cela en charge, au lieu de regarder elle-même le sujet du contrôle, il aurait sûrement mieux su ce qu’il devait travailler…
Il s’agit pour nous d’un vrai travail de lâcher-prise : pour encourager nos enfants à l’autonomie face à leur travail scolaire, laissons-leur cette autonomie. Arrêtons de les harceler, et laissons-les faire. Si les devoirs ne sont pas faits, ils apprendront.
La difficulté vient de notre inquiétude : si notre enfant ne travaille pas bien à l’école, va-t-il bien s’en sortir dans la vie ? Poussés par cette inquiétude, nous prenons souvent le problème à l’envers. En effet, il vaut mieux le laisser “échouer” lorsque cela a encore peu d’importance, afin de lui laisser le temps de développer des qualités d’organisation, plutôt que d’être derrière lui sans cesse, jusqu’à ce qu’il perde tout intérêt dans la démarche.
Lorsque les devoirs mettent l’enfant en échec
Parfois, la difficulté vient du fait que l’enfant “n’y arrive pas”. Il veut bien faire ses devoirs, mais les trouve trop difficiles. A nous alors d’adopter une posture d’écoute, et d’essayer de comprendre ses difficultés. On peut également échanger avec lui sur ce qui est attendu en fonction du contexte. Car quand on fait quelque chose, on peut être en zone d’apprentissage ou en zone de compétence4. Quand l’enfant répond aux questions d’un contrôle, on attend de lui qu’il soit en zone de compétence. Mais quand il fait ses devoirs, il est, au contraire, en zone d’apprentissage. Il est donc normal de se tromper. C’est même important. Car c’est en essayant, et en se trompant, qu’on ajuste le tir. C’est de l’erreur que vient réellement l’apprentissage.
Notre rôle devient alors d’aider l’enfant à comprendre que les choses ne sont pas définies une fois pour toutes. Que ce n’est pas qu’il n’y arrive pas, mais qu’il n’y arrive pas encore. Et ce “encore” fait toute la différence. C’est ce que les anglo-saxons appellent le “growth mindset”5. Et pour l’accompagner vers cette amélioration, mettons bien en valeur ce qu’il réussit, plutôt que ce qu’il fait “mal”. Montrons-lui qu’il est capable6. Car c’est par la confiance en soi que passe la réussite.
Le rôle du parent dans les devoirs
Notre rôle est uniquement de soutenir. Les devoirs leur appartiennent, et ils peuvent avoir besoin d’aide, à n’importe quel âge, pour apprendre à mettre en place des méthodes. Nous pouvons les encourager à trouver des manières originales d’apprendre leur poésie, à explorer ce qui fonctionne le mieux pour eux. A mettre en place un programme de progression si cela est nécessaire.
Soyons à l’écoute. Prenons les notes pour ce qu’elles sont : un indice utile que quelque chose n’a pas été bien compris. Sans jugement, nous pouvons les aider à réfléchir à ce qu’ils peuvent mettre en place pour y remédier. Les encourager à trouver leur propre solution.
Notre attitude sera alors un vrai message de confiance, qui les aidera à croire en eux-mêmes, et les mettra sur la voie de cette autonomie dont nous rêvons pour eux !
- https://www.nouvelobs.com/education/20170529.OBS9976/et-si-cette-fois-c-etait-vraiment-la-fin-des-devoirs-a-la-maison.html
- https://les6doigtsdelamain.com/je-suis-fier-de-toi-mais-je-ne-te-le-dis-pas/
- En système américain, plus cours d’espagnol.
- “How to get better at the things you care about”. Eduardo Briceño. TEDxManhattanBeach, Novembre 2016.
- “The power of believing that you can improve”. Carol Dweck. TEDxNorrkoping, Novembre 2014.
- “L’éducation positive” Claire Blondel. TEDxLyon, Novembre 2011.