En général, les parents veulent des enfants obéissants. Depuis que je me suis mise à étudier la parentalité positive, et à réfléchir plus profondément, ce n’est plus mon cas.
Et j’ai de bonnes raisons pour ça.
La raison la plus simple, et peut-être celle qui vient le plus facilement à l’esprit, c’est que ça tue la créativité, la spontanéité…
Mais non, ce n’est pas ça. C’est encore plus profond.
En fait, ça tue le sens de la responsabilité.
(Pour cet éclairage, merci Thomas Gordon – était-ce dans Parents efficaces, ou dans Eduquer sans punir ? J’ai eu cette idée maladroite de commencer les 2 à la fois, ne sachant lequel choisir, et je me mélange… Mais je vais les reprendre au calme, en faire des résumés, et tout se remettra en place !)
Eh oui, pensez-y : si on ne fait qu’obéir, alors on ne décide pas, n’est-ce pas ? Donc, ce n’est plus vraiment de notre responsabilité… C’est l’argument avancé par la grande majorité des nazis lors des procès de Nuremberg : ils ne faisaient qu’obéir aux ordres.
Et cela fait partie de la nature humaine : si on obéit à la figure d’autorité, alors cela ne relève plus de notre responsabilité…
Vous connaissez l’expérience de Milgram ?
Cette expérience, menée aux US dans les années 60 pour mesurer la faculté de soumission à l’autorité, consistait à mettre les participants face à un choix entre la morale et l’obéissance…
En effet, on les met devant une table de commande qui envoie des décharges à une autre personne attachée sur une chaise électrique. Le voltage est à augmenter à chaque fois, et les participants prennent note de la réaction. Au début, pas grand chose. Au fur et à mesure, la personne attachée – un acteur (!) mais la personne aux manettes ne le sait pas – réagit de plus en plus fortement, jusqu’à des hurlements suppliant d’arrêter, et même l’évanouissement… Seulement, quand celui qui a envoie les décharges veut arrêter (ce qui arrive dans tous les cas), l’expérimentateur présent, vêtu d’une blouse blanche, lui demande de continuer. Alors… il continue ! Près des 2/3 des participants vont ainsi jusqu’à infliger à plusieurs reprises le voltage indiqué « attention, choc dangereux » !! (Si vous voulez voir l’expérience, vous la trouverez ici)
Et quand on leur demande ensuite ce qui les a retenus de s’interrompre, ils répondent… « j’obéissais ». L’obéissance les a privé de leur responsabilité…
Ces exemples peuvent sembler poussés, mais pensons-y bien… Ne l’avons nous pas déjà vécu avec nos enfants ? Ne vous êtes-vous jamais trouvés dans une position où, après une bêtise, vous leur avez demandé :
“Mais enfin… pourquoi avez-vous fait ça ?
– c’était SON idée !”
Alors on s’entête dans ces moments-là à leur dire que ça a beau être l’idée de l’autre, ils avaient bien le choix de ne pas s’exécuter : “S’il te demandait de sauter d’un pont, tu le ferais ??”
Ah oui, là, on peut le leur dire, mais qu’est-ce qu’on leur a demandé jusqu’ici : d’obéir à la figure d’autorité que nous sommes !! De ne pas se poser de question, mais de suivre les ordres donnés. Il est probable que le copain qui les a entraîné ait, par force de caractère, une certaine autorité lui aussi… Alors, ils obéissent, et, du même coup, ils perdent le sens de la responsabilité !!
Pensons-y la prochaine fois qu’on leur demande d’obéir…
“L’obéissance, c’est faire ce qu’on nous demande, peu importe ce qui est bien ; la morale, c’est faire ce qui est bien, peu importe ce qu’on nous demande…”