Je vous avais fait part en janvier de ma décision de prendre mon fils Léon, 7 ans, en école à la maison. Cela fait maintenant 4 mois, et je vous en ai peu parlé depuis. Non parce que je n’avais rien à dire, mais parce qu’avec l’IEF, tout d’un coup, notre temps s’envole… Et pourtant, ce parcours est intéressant, je crois. Comment s’est passée l’adaptation, comment nous sommes-nous finalement organisés, quelle sera la suite… En somme, quel est le bilan, après 4 mois d’école à la maison ? J’avais pas mal d’interrogations sur la manière dont se déroulerait l’IEF, aujourd’hui j’ai plus de réponses. C’est ce dont je voudrais vous parler aujourd’hui.
Est-ce que Léon se sent bien en école à la maison ?
Commençons pas le commencement. Nous avions décidé de retirer Léon de l’école parce qu’il y était mal, alors la première question à laquelle je voudrais répondre, c’est celle de savoir s’il se sent mieux.
Là, aucun doute : c’est le jour et la nuit !
Depuis que nous avons mis l’IEF en place, mon fils s’est remis à respirer autrement. Déjà, les pipis au lit avaient disparu depuis que la décision avait été prise. Et à partir du moment où il est resté à la maison, nous avons retrouvé notre joli sourire. Lui qui était devenu tendu et agressif s’est détendu. On sentait qu’il pouvait de nouveau s’épanouir.
Il adore avoir du temps pour lui, l’école ne lui manque absolument pas, il trouve son équilibre, c’est un bonheur.
Les liens sociaux
Nous avons quatre enfants. Nos enfants ne sont donc jamais très longtemps tout seuls… (nous non plus, d’ailleurs !). Léon et Anatole, qui sont les plus proches, en particulier. Dans tous les moments où son petit frère n’est pas à l’école, Léon joue avec lui. Beaucoup.
Cependant, Léon a également l’occasion de voir d’autres enfants :
- le jeudi, nous allons régulièrement en forêt rejoindre d’autres enfants qui sont également instruits en famille.
- après l’école, nous invitons parfois l’un de ses copains de CE1. En général, environ une fois par semaine. Et ça se passe bien.
- le vendredi, il m’accompagne dans ma séance de Discipline Positive en classe de CP. Il n’y prend pas une part active, mais reste dans le groupe et assiste à la conversation. Souvent, nous arrivons en avance, et il participe d’abord à la fin de la récréation.
- il fait également partie des farfadets (des scouts, en plus jeune). Une fois par mois, il participe donc à la rencontre d’une dizaine d’enfants.
Léon n’est donc pas isolé. D’ailleurs, il n’exprime aucun manque sur ce point-là. Si c’était le cas, il serait facile de trouver d’autres occasions de retrouver des enfants en IEF comme lui, car de nombreuses rencontres et sorties sont organisées. Je ne l’ai pas beaucoup fait parce que nous n’en ressentons pas le besoin, ni lui, ni moi.
L’apprentissage académique
Léon « travaille » beaucoup moins que lorsqu’il était à l’école, c’est évident. Il passe énormément de temps dans les BD. Astérix, Léonard, les schtroumpfs, n’ont plus de secret pour lui (merci la bibliothèque). Mais… n’avons-nous fait que ça pendant 4 mois ?
Le contenu
Il est tres facile d’apprendre des tonnes de choses au quotidien, sur tout un tas de sujets ! Ceux qui pratiquent le « unschooling » (soit aucun enseignement formel) en savent quelque chose.
Je crois cependant qu’il est plus facile d’avancer en francais avec un minimum d’enseignement formel. Nous réservons donc un temps de travail à cela, et nous y glissons également les maths !
Certes, Léon écrit beaucoup moins que ce qu’il ferait s’il était en classe. Cela ne nous a pas empêchés de faire de la grammaire, et d’apprendre les conjugaisons. Nous avons un classeur pour les fiches, qui contient tout ce que l’on apprend. Au niveau mathématiques, nous avançons également bien, dans les différentes opérations en particulier. Pour ces deux matières, j’applique pas mal de méthodes Montessori, et cela nous convient bien.
Le temps de travail
Le rythme n’est pas évident à trouver. Au début, nous travaillions le matin, jusqu’au déjeuner. Je me suis vite rendue compte que nous n’avions absolument pas besoin de tout ce temps-là ! Donc, l’horaire de travail a été raccourci et placé, au fil de nos envies, à des moments variants. Cela manquait de cadre… Nous avons alors convenu que ce serait fixe : tous les matins de 8h30 à 10h. Cela a très bien fonctionné pendant un bon moment. Depuis le retour des vacances, mon emploi du temps s’est alourdi, et les séances de travail de Léon s’en ressentent. Elles ne sont plus quotidiennes. Cela ne m’inquiète pas, et lorsque nous travaillons, c’est souvent tres efficace.
Je suppose que toutes les familles qui essayent de trouver l’équilibre entre le temps de travail et le reste passent par ces changements : essayer, observer, voir ce qui marche, changer, recommencer… C’est aussi ça la vie ! Egalement un apprentissage en soi !
L’apprentissage informel
La magie de l’école à la maison est là : dans l’apprentissage informel, qu’il soit autonome ou non.
Les sorties
D’abord, il y a tout ce qu’on a eu l’occasion de voir et d’apprendre lors de nos sorties :
J’ai très vite acheté le pass annuel du palais de la découverte et cité des sciences (c’est le même). Malheureusement, la cité des sciences est un peu loin.. Moins facile donc, mais quand même, entre les fois où nous avons l’énergie d’y aller, et les moments palais de la découverte, on a appris tellement de choses dont nous n’aurions probablement pas parlé autrement :
- le lien entre les saisons et la rotation de la terre autour du soleil, les jours qui rallongent et raccourcissent, les étoiles dans le ciel…
- les poissons électriques : pour se défendre ou pour communiquer
- les bactéries du corps humain, l’intestin, le microbiote
- le fonctionnement des gênes dominants et récessifs, l’hérédité
Léon est systématiquement passionné, et, je dois dire, moi aussi ! A chaque fois, je ressors en me disant qu’il faut qu’on y aille plus souvent !
Vous l’aurez compris, je suis plus attirée par les sciences… Mais j’ai quand même saisi cette occasion du temps que nous avions pour initier Léon à l’art :
- au musée d’Orsay, où il a apprécié les statues, et découvert les impressionnistes
- à l’atelier des lumières où mes parents l’ont amené voir une expo de Van Gogh en sons et lumières
Nous allons aussi bien plus régulièrement à la médiathèque, et piochons au hasard de nos trouvailles dans : ce qui se trouve sous Paris, les cathédrales, les atlas… (et les BD !)
Sans aller loin
Et puis, il y a tout ce que l’on apprend sans bouger, juste parce qu’on suit l’énergie insufflée par l’enfant.
Nous avons ainsi passé des jours à dessiner et colorier tous les drapeaux d’Europe, et à les disposer sur le sol en fonction de la position du pays correspondant. Nous avons lu la signification des couleurs qui les composent, grâce à l’excellent livre « Les drapeaux du monde expliqués aux enfants« . C’était incroyable de voir Léon se passionner pour cela, et identifier les positions des pays d’Europe…
Nous avons également créé un herbier avec les feuilles que nous avons trouvées dans la rue, et appris à identifier le noisetier, le bouleau, le marronnier, et autres arbres que je regardais à peine avant de prendre le temps de le faire avec lui.
Nous faisons régulièrement des parties de jeux de société, et nous cuisinons. (Quels progrès sur ce plan-là !!)
Il bricole toujours beaucoup, et construit ses propres objets… il a également appris à coudre.
Et puis, bien sûr, il est au point sur l’invasion de la Gaule par Jules César (et le village qui résiste encore et toujours à l’envahisseur), et sur la forêt palombienne (celle du Marsupilami), qui l’a mis sur la trace de l’Amazonie, que nous avons pu repérer dans l’atlas, et dont il connait également la faune par « la cabane magique » !
Est-ce que je me sens bien en école à la maison ?
Enfin, pour faire écho à la première question que j’ai soulevée, je terminerai avec cette question qui, cette fois, me concerne. Car nous sommes en fait deux à faire l’école à la maison. La question se pose donc de savoir si cette solution convient à tous.
Vous vous en souvenez, lorsque nous avons pris cette décision, elle était temporaire.
Je suis tellement contente de voir tous les aspects que je viens de vous présenter que je me suis cependant sérieusement interrogée sur l’opportunité de continuer. Je vois le bonheur de la douceur du rythme, des moments partagés, de l’apprentissage plaisir, et je me dis que ce serait chouette de continuer…
Et en même temps.
En même temps, c’est clair : je manque de temps pour moi.
L’école à la maison, c’est top, mais ce n’est pas l’équilibre que je recherche, ou en tout cas, pas en ce moment. Depuis le début, je suis frustrée de tout ce temps que je n’ai plus pour continuer à développer mon activité au rythme que j’aimerais. Frustrée par les réunions auxquelles je ne me rends pas. Par les idées qui me viennent et que je n’ai pas le temps d’implémenter.
Et pourtant, j’ai déjà l’impression de voler tous les moments que je peux pour travailler entre deux activités…
Alors, j’ai décidé que l’expérience s’arrêterait là pour le moment.
Léon et Anatole ont été acceptés tous les deux à partir de septembre dans une autre école, où je sais que l’ambiance est plus bienveillante. Ce n’est pas mon école idéale, mais elle offre un bon équilibre entre ce que je cherche et ce que je peux offrir.
Je suis ravie d’avoir eu l’occasion de vivre cette expérience. L’occasion se représentera peut-être un jour. Mais aujourd’hui, j’ai envie et besoin d’autre chose. Je vous dis souvent que pour bien s’occuper de ses enfants, il faut d’abord prendre soin de soi. Remplir d’abord son propre réservoir. C’est le choix que je fais.
Qu’en pense Léon ?
Léon aimerait continuer à rester à la maison. Il me suggère même des idées d’organisation : « Tu me donnes plus de travail en autonomie, et tu fais les leçons à Anatole, et après c’est lui qui apprendra le travail en autonomie, et comme ça, tu pourras travailler ! ». Mais il comprend. Il appréhende un peu le retour à l’école, sans plus.
Et puis, hier, nous avons eu un échange que je crois assez déterminant.
Il venait de passer la journée entière au centre aéré, ce qui n’arrive à peu près jamais. J’animais une formation en multi accueil, et n’étais pas disponible. Lorsque je l’ai récupéré, il m’a dit qu’il n’aimait pas certains animateurs. Il me raconte : « C’est fou, il y en a qui ne savent pas que ce n’est pas agréable de pousser ! »
Récit rapporté de sa conversation avec l’animateur Momo :
« Momo, tu peux arrêter de me pousser s’il te plait ?
– pourquoi ?
– parce que c’est désagréable…
– oui, ben si c’est désagréable, t’as qu’à aller plus vite, et puis c’est tout ! »
Il enchaine avec l’anecdote suivante où un animateur, trouvant qu’il trainait en rentrant de leur sortie, lui a dit : « Ca suffit d’être derrière ! Si ça continue, dès qu’on arrive au centre, tu es puni ! »
Je me suis alors mise à sa hauteur, et je lui ai dit :
« Tu vois, c’est pour ça que j’ai envie d’avoir plus de temps pour travailler. Parce que j’en ai assez de vivre dans un monde où les adultes parlent comme ça aux enfants, juste parce qu’ils en ont le pouvoir.
Ce matin, j’ai passé du temps avec des dames super qui gardent des enfants avant la maternelle, et qui apprennent à parler autrement, justement. Et j’ai envie de partager ça encore, et encore. D’aider le plus de gens possible à changer. J’ai besoin d’avoir plus de temps, pour aider à changer tout ça ! »
Je crois qu’il a compris.