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Bonjour. Au revoir. Merci. BAM. La combinaison gagnante. Où que vous emmeniez votre enfant, on attendra de lui qu’il soit poli. Ne dit-on pas d’ailleurs, dans ce cas, qu’il est “bien élevé” ? Comme si tout l’éducation se mesurait au niveau de politesse acquis. Parfois, on aimerait se révolter contre cela. Clamer que ce n’est pas au “bonjour” que l’on peut voir si notre éducation porte ses fruits. Mais dans le fond, nous attachons également de l’importance à cette “bonne éducation”. Parce que cela va au delà des codes sociaux, la politesse, c’est une manière de se connecter à l’autre, de lui témoigner du respect. Comment faire, alors, pour enseigner la politesse à nos enfants, pour qu’ils intègrent ces codes ? Et comment faire, surtout, pour que cela dépasse les apparences ? Qu’une fois arrivés à l’adolescence, cela ait encore un sens. Pour qu’ils vivent les notions de politesse pour ce qu’elles sont censées être : un respect de l’autre.

Note : cet article est en réalité un double article écrit à 4 mains. C’est la deuxième fois que je me prête à cet exercice avec ma comparse Floriane, du blog Parents Naturellement. Le principe : nous choisissons un thème en commun ; Floriane écrit un article apportant son éclairage, et la manière dont elle le vit avec un jeune enfant ; j’écris mon éclairage, et j’ouvre à des enfants plus âgés. La première fois, nous avions parlé de l’autonomie, et je crois que cet exercice vous avait bien plu…

Politesse, respect, des notions qui méritent un petit éclairage

La raison d’être de la politesse

Je prends le temps de m’arrêter sur cette question, parce que je crois que les habitudes tuent parfois la réflexion. En effet, il est courant de trouver des situations dans lesquelles les gens (nous y compris) ne savent pas bien pourquoi ils font quelque chose. Ils le font parce qu’ils le font, parce qu’ils en ont pris l’habitude, et ne le remettent pas en question.

Ça vous arrive ?

C’est encore plus vrai pour des habitudes qui ont été adoptées par le plus grand nombre, et que l’on observe donc au quotidien, depuis que nous sommes petits.

Ainsi en est il de la politesse. Nul besoin de s’interroger sur les raisons pour lesquelles on dit bonjour au revoir. On le dit parce qu’on le dit, c’est tout. Ça se fait, c’est comme ça.

Et pourtant… Autant il y a des choses qui se font sans qu’il y ait de vraie raison, parce que ce sont de simples codes sociaux (le fait que les garçons ne mettent pas de jupe, par exemple), autant la politesse a une vraie raison d’être !

Être poli, c’est créer un lien avec l’autre. C’est bien ça, la vie en communauté : ne pas vivre les uns à côté des autres, mais vivre ensemble. La politesse est un vrai vecteur de connexion.

Dire bonjour permet de montrer à l’autre qu’on l’a vu, qu’on en tient compte.

D’ailleurs, dans mes séances de Discipline Positive en classe en CP, je commence toujours par dire bonjour à chacun dans le cercle. C’est un vrai moment de connexion et d’accueil.

La politesse suffit-elle à l’enseignement du vivre ensemble ?

Je me souviens avoir été marquée, il y a des années, à la lecture de Bébé made in France, d’un chapitre qui parlait du bonjour. L’auteure, une américaine (au sens états-unienne) vivant à Paris, fait la comparaison entre l’éducation à la française et l’éducation à l’américaine au travers de plusieurs aspects différents. L’un d’eux : la politesse, et en particulier le bonjour. Elle explique être impressionnée par le fait que les enfants français disent bonjour aux adultes, et, ajoute-t-elle, que les adultes français disent bonjour aux enfants ! Pour elle, ce bonjour donné également aux enfants est une manière de les respecter, de les inclure, de ne pas les considérer simplement comme des pièces rapportées. On les accueille, au même titre que leurs parents.

J’avais trouvé cette analyse très intéressante, et j’aimais cette idée de recevoir également chaque membre, adulte ou enfant.

Dès lors, on pourrait penser que les français développent de meilleures compétences de vie en communauté. Et pourtant… ce n’est absolument pas ce que j’ai ressenti adulte !

En France (à Paris particulièrement, c’est vrai, mais ailleurs aussi), on a souvent l’impression que ce que fait chacun ne concerne que lui. Qu’il ne faut pas se mêler des affaires des autres. Et à force de ne pas se mêler des affaires des autres, on oublie de tendre la main…

Aux Etats-Unis, c’est souvent bien différent. Mon mari et moi avons vécu 18 mois à Washington DC, au début de notre vie professionnelle. J’ai été marquée par le sens de la communauté que je sentais chez les américains. A bien des reprises, je me suis retrouvée dans des situations dans lesquelles quelqu’un m’a offert de l’aide, ou m’en a demandé. Des choses toutes simples parfois… comme de tenir un carton de pizza pendant que la dame ouvrait sa porte ! De ces petites choses qui font que les gens vivent ensemble. Beaucoup plus qu’en France.

Alors quoi ? Avoir appris à dire bonjour dans l’enfance ne nous amènerait pas, adulte, au sens de la communauté ? Il ne semble pas…

Un objectif, plusieurs stratégies

Je crois que cela est dû au fait que, parfois, on confond objectif et stratégie.

Oui, notre objectif est d’enseigner à nos enfants le bon comportement avec l’entourage. De leur enseigner le fait de faire attention aux autres. L’ouverture, l’amabilité.

Mais pour atteindre cet objectif, plusieurs stratégies sont possibles.

Certes, la politesse en est une. Mais ce n’est certainement pas la seule.

D’ailleurs, il nous est tous arrivé un jour d’être accueilli par un “bonjour” qui n’avait rien d’accueillant, n’est-ce pas ? Et de nous sentir mieux accueilli par un sourire sans le bonjour, non ?

Comme quoi, la politesse ne réside pas forcément toujours dans les mots.

Et si nous décidions donc d’enseigner la “vraie” politesse à nos enfants ? Non pas celle qui les oblige à dire “s’il vous plait”, mais celle qui l’encourage à parler de façon agréable, et de tenir compte de l’autre ?

Je suis persuadée qu’alors, les “mots magiques” viendront en plus, comme par magie, justement !

Enseigner la politesse aux jeunes enfants

Il n’est pas rare que la pression pour l’usage des mots de politesse se fasse sentir dès que l’enfant commence à parler. Ou même avant ! Comment trouver le juste milieu ?

La notion de code social, et le regard des autres

Si les parents transmettent cette pression à leurs enfants, c’est probablement parce qu’ils la ressentent eux-mêmes. Notre société appuie tant sur ce code social, qu’il est difficile d’y échapper.

Or, c’est bien connu : “l’enfant est un prolongement de nous mêmes”. Donc, s’il ne se comporte pas de façon convenue, c’est que nous l’avons mal élevé…

La première étape donc, si nous voulons avoir la liberté de nous recentrer sur la raison d’être de la politesse plutôt que de l’imposer sans y mettre de sens, c’est de réussir à se défaire du regard des autres.

Se recentrer sur notre enfant, sans s’arrêter à ce que pensent les gens de passage… Savoir ce qui est, pour nous, prioritaire. En sommes-nous capables ?

Je trouve cela bien plus facile depuis que j’ai pris à mon compte une phrase proposée par Isabelle Filliozat (était-ce dans “J’ai tout essayé ?”). Il s’agit, si notre enfant ne dit pas bonjour, de simplement partager ce que nous vivons avec l’autre personne : “Nous travaillons encore là-dessus.”. C’est une bonne manière, je trouve, de laisser le temps à l’enfant sans paraitre nous-mêmes “impolis”.

Modeler, et patienter

Dans le fond, nous savons bien que l’on n’enseigne jamais si bien que par l’exemple.

Cela parait évident, mais je crois qu’il est encore utile de le redire.

Parfois, on se perd dans nos principes.

Comme cette directrice d’école primaire, postée devant la grille le matin, et qui m’expliquait : “Moi, je ne dis pas bonjour aux enfants, je considère que c’est à eux de me le dire d’abord !”.

Une attitude qui est tellement loin de ce en quoi je crois…

Floriane insiste au contraire sur le modèle donné à l’enfant. Et précise que lorsque l’enfant qui l’a appris ainsi finira par dire merci, cela aura une toute autre valeur !
Je vous encourage à lire tous les conseils de Floriane à ce sujet dans son article dédié.

Enseigner la politesse aux adolescents

A l’adolescence, nous n’en sommes plus aux “mots magiques”. Enseigner encore la politesse à cet âge, c’est enseigner surtout les codes attendus en fonction des circonstances.

Nos ados fonctionnent de plus en plus en autonomie. Nous ne sommes pas à leur côté à chaque instant pour voir comment ils se comportent chez les autres.

Il s’agit donc de leur faire confiance pour appliquer les principes auxquels nous croyons, les valeurs que nous avons cherché à leur transmettre.

Lien entre politesse et empathie

Si nous revenons au fait que la politesse sert à entrer en lien avec l’autre, je pense qu’il suffit de développer l’empathie. Car, si nous sommes empathiques, la politesse devient une simple conséquence logique.

C’était déjà ce que je mettais en avant lorsque je vous avais parlé de ma manière d’inciter mes enfants à dire merci, et je crois que c’est encore plus vrai pour des enfants plus âgés.

En effet, au fur et à mesure que l’enfant grandit, son cerveau préfrontal se développe, et son aptitude à l’empathie également. Cela ne veut pas dire qu’elle vient toute seule. L’empathie se travaille, et ce, dès le plus jeune âge. Cependant, la possibilité de comprendre ce que vit l’autre se développe au cours des années, et je crois que l’appel à l’empathie est une bonne manière d’encourager nos enfants sur la voie de la politesse.

Quand le manque de politesse se transforme en agression

Il y a peu, j’ai assisté à une scène un peu surréaliste. J’étais avec ma fille Alice dans un bus, et tout était tranquille, jusqu’à ce que le bus se retrouve bloqué par une voiture en double-file. Bloqué. La situation se prolonge un peu, et, comme cela arrive parfois, les positions empirent, jusqu’à ce que les véhicules soient complètement arrêtés, dans les deux sens.

L’aspect surprenant de la scène : dans la voiture en double-file, le conducteur est présent, mais ne bouge pas ! Pourtant, il y avait de quoi se mettre en place livraison un tout petit peu plus loin. Pourquoi ne se déplace-t-il pas ? Je ne sais pas….

Pourtant, la situation prend rapidement de l’ampleur : le chauffeur du bus descend lui parler, les klaxons retentissent derrière, les habitants interviennent depuis leurs balcons…

Dans le bus, les commentaires s’enveniment. Ce sont toujours les mécontents qui parlent le plus fort, avez-vous remarqué ? “Non, mais quand on sait pas conduire, on reste chez soi !”

Pour moi, bloquer la rue n’a rien à voir avec le fait de savoir conduire ou pas, c’est plutôt du savoir vivre, non ? Au bout d’un moment, la voiture dégage. Et moi, je m’interroge.

Sur les raisons qu’avait cette personne de ne pas bouger malgré les vindicatives. Il y en avait peut-être ? Et sur la rapidité à laquelle les gens sont devenus agressifs. A l’insulter. Sans même savoir vraiment ce qu’ils se passaient.

On juge souvent le monde de sa lorgnette. Mais sait-on ce qu’il se passe pour l’autre ?

Autre anecdote.

Il y a quelques semaines, je suis allée à Marseille avec mes parents. En sortant du train, il nous faut passer les portillons du quai. L’un des affichages est faux : le portillon dit “passage libre”, alors qu’il est prévu pour laisser entrer les gens, dans l’autre sens. Mon père, 74 ans, focalisé sur l’affichage, essaye de sortir par là. L’employée de l’autre côté, qui s’apprêtait à en laisser entrer d’autres, lui demande sèchement de sortir de là. Il est un peu perdu : “Il y a écrit passage libre..”. La femme : “Non, mais vous voyez bien qu’il y a des gens, là ! Faut regarder !!”. Oui, seulement, mon père ne peut pas regarder justement… Il a perdu la moitié de son champ de vision suite à une méningite il y a plus de 10 ans. Ça ne se voit pas, mais c’est une adaptation du quotidien pour lui. Pourquoi cette agression, alors qu’elle ne le connait pas, qu’elle ne sait rien de lui ?

A-t-on tellement perdu le contact humain qu’on ne sait plus se parler normalement, dès qu’on est contrarié ?

Voilà pourquoi je cherche à faire ici le lien entre l’empathie et la politesse.

Je crois réellement que, si nous parvenons à développer notre sens de l’empathie, alors il est bien plus facile de faire preuve de politesse.

Le partage par le dialogue

Ainsi, avec mes adolescents, bien sûr je partage les codes de la société. Bien sûr, je leur explique ce qui “se fait” et ce que “ne se fait pas”. Pour qu’ils puissent comprendre, pour qu’ils sachent ce que la société attend d’eux.

Mais, surtout, je partage avec eux ce que je vis. Mes ressentis.

Lorsque leurs copains viennent à la maison, je n’hésite pas à leur dire ensuite ce que j’ai apprécié ou pas.
“Tu sais, quand l’un de tes copains arrive, j’aime bien qu’il me dise bonjour avant d’aller dans ta chambre. C’est une manière de saluer quand on arrive chez quelqu’un.”
Depuis, non seulement Oscar invite ses copains à me dire bonjour, mais également à dire bonjour à ses petits frères, même si je ne le lui ai pas demandé.

“J’aime bien ton copain X. J’ai trouvé ça super sympa qu’il vienne me demander si j’avais besoin d’aide pour préparer le déjeuner. J’ai été un peu déstabilisée par le fait qu’il me tutoyait, mais il était très aimable…”
Oui, ledit X a été longtemps dans une école alternative où les élèves tutoient les profs. C’est un peu surprenant, mais n’enlève rien à la sympathie de ce jeune homme !

“Alice, je trouve que ta copine M est agréable à avoir. Elle n’a pas de mal à se mêler à la conversation. J’ai bien aimé aussi qu’elle me remercie quand elle est partie.”
Ou au contraire : “J’aurais trouvé ça agréable qu’elle me remercie de l’accueil avant de partir.”

Pour moi, mon rôle s’arrête là. Ensuite, lorsque mes enfants vont chez les autres, je ne vérifie pas après s’ils se sont “bien comportés”, s’ils ont dit bonjour et merci.

Je leur en ai donné le modèle lorsqu’ils étaient dépendants de moi.
Je leur fais encore passer le message lorsque je reçois leurs amis, comme je viens de l’écrire.
Il ne me reste plus qu’à les laisser faire.

A savoir qu’ils suivent maintenant leur propre voie, et qu’ils sauront faire leurs les principes qu’ils ont appris.
(Et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas mon contrôle qui les y aidera !)

Je choisis donc de leur faire confiance, et pour l’instant, je n’ai reçu que des commentaires positifs !

Et vous, comment concevez-vous la politesse à l’adolescence ?

Dans notre pays, l’éducation nationale décide des programmes, donne un cadre et des compétences à développer, niveau par niveau. Mais, dans ce cadre, elle permet encore pas mal de liberté. Pour autant que les compétences-clefs soient développées, les instituteurs sont libres de leurs méthodes.

Il est donc possible de sortir du carcan que l’on croit imposé. Et, contrairement à ce que nombre d’entre nous pensent, beaucoup d’instituteurs le font. Seulement, ils le font discrètement, de leur côté.

Depuis 2014, Céline Alvarez a énormément fait parler d’elle, communiquant sur son expérience à Genevilliers. Elle y a été institutrice en maternelle pendant 3 ans, et n’a pas continué. Parce que son objectif premier n’était pas de changer les choses à Genevilliers, mais de montrer qu’une autre approche pouvait réellement changer les choses. Puis, de diffuser le message, autant que possible. De “donner un coup de pied dans la fourmilière”, comme elle le dit elle-même1. Son but : la révolution dans l’éducation. Et à la suite de la sortie de son livre Les lois naturelles de l’enfant 2, elle multiplie les interviews et conférences pour partager les résultats de son expérience, créant effectivement une révolution.

Elle sait cependant, et le souligne, que nombreux sont les enseignants qui ne l’ont pas attendue pour commencer à changer les choses, à leur échelle.

Et si nous allions aujourd’hui à la rencontre d’une de ces institutrices qui, effectivement, organise sa classe de manière atypique ?

J’ai eu la chance de m’entretenir avec Sophie Rémy, institutrice de CM2, qui déclare, elle, que “[son] but n’est pas de faire la révolution, mais de voir une évolution.”

— Note :  cet article a d’abord été publié dans Grandir Autrement, numéro 72 de sept-oct 2018 —

Comment Sophie a décidé de changer sa manière de faire

Sophie a été institutrice pendant des années, avant de devenir directrice. Elle était à ce moment-là dans une posture de management classique, c’est à dire qu’elle imposait ses décisions à son équipe. L’ambiance dans l’équipe étant tendue, elle décide de suivre une formation au management. Cette formation s’avère être une formation de communication non violente (CNV). C’est pour elle une véritable prise de conscience : le conflit est en moi, et le changement commence par soi.

Son intention devient alors autre, et Sophie s’aperçoit que sa vocation reste d’être auprès des enfants. Elle quitte donc son rôle de directrice, et décide de mettre en place une classe différente, à l’écoute de son bien-être et de celui des enfants, une classe dans laquelle l’empathie sera au coeur du processus.

Elle n’a rien dit à personne, sa priorité est de tenter l’expérience. Tant qu’elle répond aux attentes de la directrice et du programme, elle est libre des méthodes employées.

Le début de l’année avec les élèves

Ainsi, l’année commence sans annonce particulière. Pas même auprès des élèves, qui voient bien, pourtant, que leur classe est particulière. Au bout de deux semaines, avant la réunion de rentrée avec les parents, Sophie parle d’abord aux enfants. Ceux-ci font la liste de tout ce qu’ils trouvent différent de ce qu’ils connaissaient. Puis, une fois cette démarche faite, Sophie demande tout simplement aux enfants s’ils ont envie de continuer ainsi. Elle reçoit un grand oui. Certes, quelques élèves restent réticents. Ils ne sont pas rassurés par ce cadre atypique. Ils n’y retrouvent pas leurs marques. Sophie prendra le temps de s’asseoir avec chacun d’entre eux pour mieux comprendre leurs réticences. Il est important qu’ils soient écoutés.

Concrètement, quelles sont les choses atypiques dans la classe de Sophie ?

Le décor, déjà : la classe dispose d’un coin détente, avec des coussins, du sable, des objets pour se détendre. Pour que chacun, quand il le désire, puisse aller s’y ressourcer. Même au milieu d’un apprentissage. Selon Sophie, la priorité va à la gestion des émotions. Ce n’est pas la peine d’espérer d’un élève qu’il suive une séance de maths s’il n’est pas émotionnellement disponible pour cela ! explique-t-elle. Bien sûr, lorsqu’elle a conçu ce coin – qui me fait penser à celui du positive time out de Jane Nelsen3 -, elle s’est interrogée : vont-ils passer leur temps là-bas ? Mais non, ce n’est pas le cas. L’usage du coin respecte l’objectif initial.

Au niveau organisationnel, les enfants ont un temps collectif, qui permet de faire des jeux autour des émotions, de mener des réflexions, de débattre des problèmes qui se présentent. L’apprentissage se fait beaucoup par projets (Sophie est formée à la pédagogie Freinet). Et toutes les semaines, chacun conçoit un plan de travail individuel, qui lui permet d’avancer à son rythme. Il permet à l’élève de s’auto-évaluer, et à Sophie de suivre ainsi ses progrès, puisqu’il n’y a pas, dans cette classe, d’évaluation formelle.

Sophie a également réfléchi à son projet avec la psychologue scolaire et cette dernière intervient en proposant des ateliers visant a développer les compétences psychosociales.

Les peurs des parents

Lorsque Sophie a parlé de son approche aux parents, elle a eu des réactions variées. Certains ont été enthousiastes dès le départ, soit parce qu’ils étaient déjà en saturation de certaines méthodes observées dans l’éducation nationale, soit parce que cette approche leur semblait correspondre à leurs aspirations. D’autres, bien sûr, ont fait part de leur inquiétude. L’inconnu fait peur, c’est normal. D’autant que Sophie enseigne en CM2. Ses élèves seront-ils prêts pour la 6e ? Alors, Sophie a écouté les parents inquiets. Elle s’est rendue compte qu’il suffisait souvent de recevoir cette inquiétude pour qu’elle s’apaise.

En accord avec la psychologue scolaire, elle a également mis en place une “boite à devoirs”, dans laquelle les enfants qui pensaient en avoir besoin (que l’idée leur vienne d’eux ou de leurs parents) pouvaient puiser.

Au mois de janvier cependant, soit quelques mois seulement après le début de cette expérience, Sophie a reçu chaque parent (comme il n’y a pas d’évaluation, c’était bien le meilleur moyen de leur parler des progrès de leur enfant), et s’est rendue compte qu’elle avait alors 100% d’adhésion de leur part. Les inquiétudes ont disparu.

Source d’inspiration

Quand j’écoute Sophie me parler, j’ai tellement, tellement envie que ce qu’elle vit dans sa classe soit partagé, que son inspiration se propage à plus de gens, enseignants, parents, enfants… Je ne peux m’empêcher de lui demander si cela fait partie de ses projets.

C’est encore difficile à dire. Sophie a commencé de manière timide, et vit encore fortement chacune de ses avancées. On sent bien qu’elle savoure ce qu’elle vit. Qu’elle est dans l’instant, pas encore plus loin. Mais elle prend de l’assurance. Elle prend conscience peu à peu à quel point ce qu’elle vit peut en inspirer d’autres. Son partage a commencé timidement, par l’ouverture, sous un pseudo, de son blog : Marie écrit4, grâce auquel je l’ai connue, et avance doucement. Elle a récemment accepté de témoigner dans le cadre d’un stage de CNV, ce ne sera pas la dernière fois.

Cet échange que j’ai eu avec elle est aussi un pas en avant vers le partage. Je ne doute pas que d’autres occasions se présenteront à elle, et qu’elle saura les recevoir comme il le faut, à son rythme, à la manière qui lui ressemble : avec douceur.

Merci Sophie.

  1. Conférence à Autun, Juillet 2017
  2. Les lois naturelles de l’enfant, Les arènes, 2016
  3. Positive Time Out, and over 50 ways to avoir power struggles in the home and the classroom, Jane Nelsen, 1999
  4. https://marieecrit.com

Faire face à la colère d’un enfant n’est jamais chose facile. En tant que parents, nous devons les accompagner, et leur enseigner à contrôler leurs émotions fait partie de cet accompagnement. Il existe pour cela plusieurs méthodes, que nous pouvons varier, et l’une d’entre elles est : la roue des options.

Apprendre à gérer des émotions

Un jeune enfant qui se met en colère, cela se voit, et s’entend ! Principalement, parce que l’enfant ne sait pas contrôler ses émotions. Comme l’explique Catherine Gueguen, son cerveau n’est pas encore mature. Il est donc parfois physiquement impossible pour lui de dépasser l’émotion de manière immédiate. Il n’arrive pas à revenir dans un état émotionnel plus calme.

C’est la raison pour laquelle, avant de se lancer dans des explications, nous devons encourager l’enfant à sortir de la vague de l’émotion. Plusieurs méthodes pour cela : l’aider à se concentrer sur quelque chose de son environnement, parler de son émotion.. Dans tous les cas, commencer par cette étape avant d’expliquer.

Cependant, apprendre à gérer ses émotions, pour un enfant, comme pour nous, c’est également savoir quoi faire pour cela ! Et ce n’est pas inné. Nous gagnerions tous à avoir à notre disposition une liste d’actions qui pourraient nous aider à nous calmer. Alors, petit à petit, prenant l’habitude de la consulter régulièrement, nous pourrions apprendre à mieux répondre à nos besoins, à faire preuve d’auto-empathie, et à traverser enfin nos émotions difficiles.

Qu’est-ce que la roue des options ?

La roue des options, c’est exactement ça : une liste de ce qui peut aider !
Le format de la roue permet de mettre en valeur le fait que l’idée est de faire un choix entre les différentes options (bien qu’il ne soit jamais interdit d’en choisir plusieurs !)

Ainsi, l’idée est que, lorsqu’il se sent dépassé, l’enfant puisse consulter sa roue, et ses options, et choisir ce qui va l’aider à ce moment-là. La roue répond ainsi aux deux objectifs parallèles de :

  • calmer son état émotionnel en le faisant se concentrer physiquement sur quelque chose
  • s’entrainer à prendre soin de lui-meme dans les moments où il en a besoin

Sa conception

La roue des options sera d’autant plus efficace que l’enfant aura pris part à sa conception. Impliquer l’enfant dans la démarche lui permet de s’en sentir acteur. Ensuite, lorsqu’il l’utilise, cela ne lui est pas imposé : c’est son propre travail, ses propres idées.

Bien sûr, le niveau d’implication dépendra de l’âge de l’enfant. Plus il sera jeune, il plus il sera difficile pour lui de trouver les idées lui-même.

Cela faisait déjà un bon moment que j’avais entendu parler de la roue des options ! Elle fait partie des outils proposés par la Discipline Positive, en particulier dans un cadre scolaire.

Et pourtant, tout en y pensant régulièrement, j’ai laissé passer des mois avant de la mettre en place. Parce que ce n’était pas le bon moment, parce que j’y pensais alors même que mon fils était sous le coup de la colère, donc incapable de mener cette démarche, parce que, parce que…

Et puis, un jour, grâce à un nouveau partage de mon amie Gwen de Petit bout par petit bout, qui avait construit sa propre roue des options de la colère avec son fils (vous pouvez voir son récit ici), j’ai décidé de faire comme elle : arrêter de tergiverser !

Le samedi, donc, j’ai pris un papier de brouillon, et j’ai dit à mon Léon, 6 ans, que nous allions faire une activité ensemble. Anatole, 3 ans et demi, s’est immédiatement approché.
Je leur ai expliqué que nous allions réfléchir ensemble à ce qui pouvait nous aider quand nous nous sentions très en colère ou très tristes, et noter nos idées.  Tout en parlant, je partageais ma roue en secteurs angulaires, et Léon a immédiatement commencé à lancer des idées. J’ai tout noté, même si ça signifiait avoir un secteur qui disait « compter jusqu’à 10 », et l’autre « compter jusqu’à 100″… Anatole a aussi lancé quelques idées, pas toujours très claires (« faire vite »… j’ai cru comprendre qu’il voulait dire que si on n’aimait pas ce qu’on devait faire, il valait mieux le faire vite), mais peu importe, au moins, il participait !

Et voici notre première roue des options terminée !

Cependant, ne pensez pas que nous nous soyons arrêtés en si bon chemin, non !

Une fois cette roue terminée, avec les illustrations de leurs mains, Léon m’a dit qu’il avait encore plein d’idées et qu’il voudrait en faire une autre !

Rebelote donc ! Et voici notre deuxième roue d’options :

Les idées n’ont effectivement pas manqué ! Et Léon m’a même fait ajouter – en dehors de la roue tant pis – le fait de mettre sa main sur notre main à 6 doigts !!

L’activité, déjà, avait été un succès, restait à voir à l’usage…

L’utilisation de la roue des options

Dès ce week-end là, j’ai mis la roue en pratique. Au premier moment difficile, j’ai été cherché la roue, et j’ai dit calmement : « Je vais te lire les idées qu’on a écrites pour aider à se sentir mieux. »

Rien que le fait de lire les options était déjà tellement puissant pour aider l’enfant à calmer son état émotionnel, tant pour Anatole que pour Léon, que rien que pour ça, ça valait la peine de l’avoir faite !

Ensuite, vient la phase du choix. Si celui-ci est difficile, pour les plus jeunes en particulier, pour lesquels trop de choix les perd, nous pouvons aider à le limiter, en répétant ceux que nous savons leur plaire.
« Alors, tu penses que tu préfèrerais un câlin, ou jouer avec le Mack ? »

Et, croyez-le ou non, ça a marché de manière magique ! Certes, certaines options ne sont jamais utilisées. Anatole revient généralement sur le câlin, mais peu importe. Ils savent qu’ils auront d’autres options lorsqu’ils en auront besoin, c’est également le but de la démarche. Comme le matin où, après avoir vu la roue des options, ils m’ont demandé de lire un livre. (Je ne sais plus lequel en avait eu besoin et l’avait choisi, mais l’autre s’est joint à nous, et nous avons pu tous nous reconnecter, et c’est bien cela qui nous aide ensuite à avancer, non ?)

Développement de l’empathie

Un autre bénéfice de cette roue que je n’avais pas anticipé, c’est qu’elle aide à développer l’empathie.

Il y a quelques semaines, je me suis moi-même agacée. Je ne sais plus pourquoi, ni comment je l’exprimais, mais j’étais clairement tendue. Je n’avais en fait pas assez dormi. Et voilà mon Léon qui vient dans la cuisine, et qui, sans un mot, me tend les roues, me laisse les prendre, et s’en va…. Oui, moi aussi, je pouvais chercher ce qui pourrait bien m’aider ! (Devrais-je d’ailleurs faire une roue des options pour moi ? C’est une idée !)

Quelques jours plus tard, alors que je dépose Léon devant sa classe, il voit l’un de ses camarades en train de pleurer. Il regrette de ne pas avoir sa roue avec lui… Je lui suggère qu’il pourrait peut-être lui en parler… Le soir, Léon me raconte qu’il a effectivement été voir son copain, et qu’il lui a dessiné une autre roue !

Enfin (et c’est ce qui m’a finalement poussée à écrire cet article), hier, alors que je sortais de chez moi, je vois les roues par terre devant la porte.
Je demande à Leon :
« Pourquoi la roue est là ?
– parce qu’Anatole pleurait quand tu es partie hier, alors je lui ai donné les roues pour qu’il trouve une solution.
– Et ça a marché ?
– Oui
– Qu’a-t-il choisi ?
– Le câlin. Je le lui ai fait. »

Voir nos enfants résoudre leurs problèmes et faire preuve d’empathie, se soutenir l’un l’autre…

Encore un rappel que nous ne nous trompons pas de chemin !!

La politesse… Pas toujours facile à inculquer.

Elle reste pourtant une de nos demandes fortes de l’éducation des enfants. Non sans raison. La politesse a une raison d’être : c’est une marque de connexion avec les autres. C’est faire partie de la société que de reconnaitre l’autre par une marque de politesse.

Je me rappelle d’un chapitre sur ce sujet dans Bébé made in France de Pamela Drukerman. Cette américaine qui a élevé ses enfants à Paris commente sur bien des différences culturelles dans le domaine de l’éducation. Sur le chapitre sur la politesse, elle explique que si les américains demandent systématiquement à leurs enfants de dire « s’il te plait » et « merci », les français y ajoutent « bonjour » et « au revoir ». Selon elle, c’était une façon de valider la présence de l’enfant. De le voir, de l’accueillir. On lui dit « bonjour », cela signifie qu’il compte, il nous salue également pour créer un lien, nous ne nous ignorons pas. J’ai bien aimé cette explication.

Vraie ou fausse, ce qui est sûr, c’est que je me rappelle avoir parfois lutté avec Oscar pour qu’il dise bonjour quand on arrivait chez des gens. C’était il y a bien 10 ans, avant que je découvre la parentalité positive. Lorsque ça m’arrive encore aujourd’hui avec mes plus petits, je sais qu’il n’est pas nécessaire de les contraindre. Respectons plutôt la difficulté du 1er contact, ça viendra tout seul.

Ces derniers temps, j’ai trouvé une autre approche sur le fait de remercier qui m’enchante, parce qu’il est non seulement en ligne mais même illustrateur de la parentalité positive.

Les bonnes vieilles méthodes de « J’ai pas compris », « Quel est le mot magique ? » ou ne pas donner ce qui est demandé tant que le « merci » n’a pas été dit place l’enfant dans une position d’infériorité, et ne l’encourage à dire merci que dans la mesure où il n’a pas le choix puisque nous utilisons notre pouvoir sur lui de manière coercitive : tu n’auras rien si tu ne dis pas « s’il te plait »…

Tout change si on accepte l’idée que l’enfant voudra spontanément coopérer si on lui donne l’opportunité de voir le point de vue de l’autre. C’est une dynamique toute différente qui se met alors en place.

Ainsi, si l’un de mes petits ne dit pas « merci », par exemple à mon amie Anne-Lise, je lui glisse simplement : « Tu sais, je crois qu’Anne-Lise aime bien qu’on lui dise merci. » 

Je montre ainsi à l’enfant que je lui fais confiance pour décider lui-même quoi faire une fois qu’il aura l’information de comment se sent mon amie. Une confiance qui continuera lorsque l’enfant grandira, et qui fera la différence.

Il est très rare que cette phrase ne soit pas suivie de « Merci, Anne-Lise. »

D’ailleurs, comme il a appris à le communiquer simplement, sans contrainte, il arrive qu’Anatole (3 ans), me dise, après m’avoir remerciée pour quelque chose : « Tu peux me dire « de rien » maman ? »
C’est tout simple, on échange nos envies sans diminuer l’autre.

Essayez, vous verrez !
(Et si ça ne marche pas dès la première fois, n’en faites pas toute une histoire, ça viendra.)