Les réactions émotionnelles parasites, ou sentiments parasites
Nos émotions sont parfois difficiles à comprendre.. Celles de l’autre difficiles à recevoir, ou à décoder. En fait, cela vient du fait que beaucoup d’entre elles sont ce que l’on peut appeler « réactions émotionnelles parasites », ou « sentiments parasites ». Ces sentiments parasites ne sont pas vraiment des émotions. Ils sont beaucoup plus complexes. Et c’est ce qui les rend difficiles à décoder.
Que sont donc ces sentiments parasites ? Et d’où viennent-ils ?
Note : cet article est le deuxième de ma série sur « la grammaire des émotions« , une formation de l’EIREM, l’école de formation d’Isabelle Filliozat. Le premier article portait sur la différence entre émotion, sentiment, et sensation.
La différence entre une émotion, et une réaction émotionnelle parasite
Une émotion, comme nous l’avons expliqué quand nous l’avons différenciée du sentiment, est une décharge brève liée à un stimulus extérieur.
L’émotion est naturelle, et nécessaire. C’est un signal d’alarme, qui permet l’évacuation de la tension (positive ou négative) face à une situation particulière. On peut alors considérer la réaction appropriée. (ou adaptée, d’une certaine façon, à la situation).
Malheureusement, la vie nous place régulièrement dans des circonstances dans lesquelles nous négligeons notre détresse émotionnelle. C’est particulièrement le cas lorsque nous sommes fatigués…
L’émotion n’est alors pas exprimée, le besoin reste non assouvi. Ces émotions refoulées conduisent plus tard à des réactions émotionnelles parasites.
Ces réactions parasites (ou sentiments parasites) sont donc liées à notre histoire, et seront, de ce fait, souvent incompréhensibles par notre entourage… Ce qui aura pour conséquence d’irriter l’autre ! De la même manière, lorsque nous nous sentons irrités par la réaction émotionnel de l’autre, il y a fort à parier qu’il exprime en fait un sentiment parasite. D’où l’intérêt de mieux comprendre ce que c’est.
Nous classerons ces réactions émotionnelles parasites en deux, ou trois, catégories, selon la façon de considérer les choses :
- les réactions disproportionnées
- les réactions inappropriées
- les réactions irrationnelles, qui sont simultanément disproportionnées et inappropriées !
Les réactions émotionnelles disproportionnées
Ici, l’émotion exprimée est bien celle qui correspond à la situation, mais elle s’exprime de manière disproportionnée. Deux cas de figure peuvent expliquer cela.
Les élastiques
La situation nous renvoie à une autre situation passée. Une situation dans laquelle notre émotion n’a probablement pas pu être exprimée, et que nous n’avons donc pas réglée. Cette histoire nous pèse, parfois sans même que nous en ayons réellement conscience.
Nous réagissons alors à la situation actuelle avec un ressenti lié à la situation passée…
Dans ce cas, l’expression de l’émotion est en fait inutile. Il s’agirait plutôt de revenir sur la situation du passé pour l’exprimer en la rapprochant réellement du contexte qui s’y rapporte.
En écrivant cela, je pense à des cas dans lesquels ces élastiques peuvent être très lourds, et les situations du passé bien difficiles à débloquer. (J’imagine des enfants battus par exemple).
Cependant, c’est parfois beaucoup plus simple que cela.
Je repense en effet à une anecdote vécue l’été dernier. Lors de notre semaine de vacances en commun, j’ai partagé avec mon frère et ma belle-soeur mes préoccupations de plus en plus importantes sur la sur-consommation. La manière dont j’essayais de moins consommer, et ce genre de choses, dont il n’est pas question ici ! Et je sentais que ce discours agaçait mon frère, qui pourtant n’est pas du tout le genre à être bloqué sur ces questions… J’ai donc fini par lui poser directement la question, essayant simplement de comprendre ce qui l’embêtait dans mes réflexions à ce sujet. En fait, il s’avère qu’il avait passé un week-end quelques semaines auparavant avec des amis, et que l’une des personnes présentes revenait sur ce thème avec tant de régularité et de véhémence que cela lui avait déplu. De sorte que lorsque j’abordais ce sujet, cela le renvoyait à ce week-end, et qu’il se refermait. Situation assez simple en fait, et, une fois que nous l’avons éclaircie, nous nous sommes beaucoup mieux compris, au lieu de continuer à nous agacer mutuellement à ce sujet ! (Pas trop, heureusement…)
Les « collections de timbres »
Voici un cas que nous avons, je crois, tous vécus. Une situation qui déclenche chez nous une émotion, que nous n’exprimons pas parce qu’elle n’est pas si forte, parce que ce n’est pas grave, ou bien parce que cela ne se fait pas. (Et c’est vrai parfois, cela ne se fait pas). Ou bien que nous ne voulons pas gâcher le moment… Les raisons ne manquent pas !
Seulement, ces émotions s’accumulent, s’empilent, puis une goutte d’eau… et le vase déborde ! Alors, notre réaction est effectivement disproportionnée, et l’autre ne peut pas être en mesure de la comprendre et de la recevoir !
J’imagine que vous connaissez ça… Suggestion pour y faire face : la méditation !
Les réactions émotionnelles inappropriées
Cette fois, nous sommes dans un cas où l’émotion exprimée n’est pas disproportionnée en intensité, mais elle est inappropriée. Inappropriée dans le sens où nous exprimons une émotion qui n’est pas celle qui « conviendrait » dans cette situation. Nous avons en fait remplacé notre émotion appropriée par un sentiment de substitution.
Il peut y avoir différentes raisons à cela.
Une émotion non autorisée
Un cas classique : « Un homme n’a pas peur ! » .. et le petit garçon apprend à refouler sa peur, pour la remplacer par… de la colère probablement, beaucoup mieux reçue dans sa famille comme un sentiment bien masculin ! (Là où, à l’inverse, des petites filles apprendront à substituer la tristesse à la colère, parce qu’une fille en colère, ça n’est pas beau…)
Oui, il est possible que certaines émotions ne nous aient pas été autorisées lorsque nous étions jeunes. Et que nous ayons appris à les substituer par d’autres. Il sera alors compliqué de revenir à l’émotion de départ…
Je ne sais si j’ai raison de rapprocher ce que je vais dire de ce paragraphe, mais cette idée d’une émotion qui se substitue à une autre me fait grandement penser à ce que disait Thomas Gordon. Que la colère n’était souvent pas le sentiment premier. Lors de ce stage de la grammaire des émotions, j’entends en tout cas que « la colère n’est pas l’émotion la plus importante, mais c’est souvent celle qui ouvre. » Ce qui expliquerait que l’on en passe régulièrement par cette colère pour débloquer d’autres sentiments plus enfouis….
Des émotions qui se cumulent
Parfois, c’est encore plus complexe : notre émotion est en réalité un mélange d’émotions. Un mélange tel que nous n’arrivons plus à les exprimer, car l’une bloque l’autre…
La jalousie par exemple, serait un mélange de colère et de peur. Comment être clair alors dans l’expression de l’émotion ?
Il faudrait d’abord apprendre à s’écouter, et, comme pour le monstre des couleurs, apprendre à démêler tout ça…
Les réactions émotionnelles irrationnelles
Enfin, c’est parfois encore plus complexe que tout cela ! Certaines de nos réactions émotionnelles sont à la fois disproportionnées ET inappropriées.
Je ne maîtrise pas bien ce sujet, mais je vais vous transmettre ce que j’en ai compris.
La contagion
Les émotions sont toutes potentiellement contagieuses. Nous l’avons tous ressenti dans un contexte de joie, ou de peur, même de colère ! Il me semble ressentir cela régulièrement : « attraper » l’émotion de l’autre. Quand mon fils me regardent avec un sourire jusqu’aux oreilles, je ressens sa joie. Quand mon mari s’énerve, je m’énerve à mon tour.
Je voudrais savoir faire preuve d’empathie, et comprendre les émotions des autres. Mais la contagion va au-delà de l’empathie : c’est carrément de la sympathie. On ne se contente pas de comprendre l’émotion de l’autre, on se met à la ressentir également… Mais ce n’est pas vraiment notre émotion !
Les transmissions trans-générationnelles
Bon. Je ne commenterai pas sur ce point, parce que je suis ignorante. Il semblerait qu’il soit possible que certaines émotions traversent les générations (et pourraient même en sauter). La transmission serait génétique.
C’est la répétition et la disproportion de l’émotion qui peuvent indiquer le problème.
Si le thème vous parle, il faudra vous renseigner sur l’analyse transactionnelle.
La phobie
La phobie simple est une réaction émotionnelle (en l’occurence une peur) « simplement » disproportionnée. Nous sommes alors dans le cas précédent, et cette phobie est un élastique. Il faudrait rechercher la source de la peur dans notre passé pour la laisser s’exprimer.
Cependant, il arrive qu’à l’élastique s’ajoute une substitution, ce qui rend notre peur inappropriée en plus de disproportionnée, car elle porte alors sur un autre objet que sur la source de départ. La encore, la répétition et la disproportion sont un indice du problème.
Il faudra alors peut-être procéder à un vrai travail d’analyse pour comprendre où le problème prend sa source et laisser alors la peur s’exprimer, pour que la personne puisse prendre du pouvoir sur sa peur.
La projection
Parce que l’on ne veut (ou ne peut) pas exprimer notre propre émotion, nous projetterons sur l’autre soit l’émotion elle-même, soit la source de cette émotion. Par exemple, c’est l’autre qui fait peur, ou l’autre qui a peur.
Les conséquences de ces réactions irrationnelles
Lorsque de telles réactions irrationnelles sont présentes chez quelqu’un, elles peuvent avoir des « issues dramatiques », selon le schéma suivant.
Si j’ai trop mal,
- je deviens fou
- je fais mal aux autres
- je me fais mal à moi-même (ou je risque ma vie…)
Une remarque importante pour les parents
Lorsque l’on comprend le nombre de cas où nos réactions émotionnelles peuvent ne pas être alignées à la situation, on imagine combien nos réactions peuvent être décalées face à nos enfants. Particulièrement dans ce contexte éducatif, où notre propre histoire peut avoir tant d’influence !
Alors, une idée à retenir pourrait être celle-ci : si le comportement de notre enfant nous pose problème, le parent peut déjà travailler sur le problème que ça lui pose à lui, et voir ensuite si la situation n’a pas changé avant de chercher à le régler.
Pas facile à accepter, hein ??
Pour « résumer » tous ces sentiments parasites
- Réaction appropriée et proportionnée = émotion naturelle – Il convient alors de l’accepter, et de la traverser en l’exprimant.
- Réaction appropriée mais disproportionnée = élastique, ou collection de timbres – Identifier la situation du passé ou l’origine de la collection
- Réaction proportionnée mais inappropriée = substitution – Retrouver la véritable émotion
- Réaction inappropriée et disproportionnée = contagion, transmission trans-générationnelle, phobie, ou projection – Mener une analyse…
Si ce sujet vous intéresse, et que vous voulez en savoir plus sur toutes ces émotions, je vous suggère la lecture de Que se passe-t-il en moi ? d’Isabelle Filliozat
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