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Les devoirs sont souvent une source de tension dans les familles. Les enfants traînent les pieds, les parents insistent, et cela tourne vite au conflit. Et si nous arrêtions de nous battre pour les devoirs ? Et si, au lieu de les voir comme une contrainte, nous les transformions en un espace d’apprentissage bénéfique pour l’enfant ? Pour cela, la clé est de réduire la pression et d’adopter une approche plus sereine.

Stopper les questions et vérifications incessantes : un stress inutile

« Tu as des devoirs ? »
« Quand est-ce que tu vas faire tes devoirs ? »
« Tu as fini tes devoirs ? »

Ces questions, bien que partant d’une bonne intention, peuvent créer un climat de stress pour l’enfant.
Il se sent surveillé, jugé, et reçoit le message que la charge mentale des devoirs ne lui incombe pas. (Il y aura toujours un parent pour le lui rappeler…)
Résultat : cela peut le pousser à procrastiner ou à rejeter l’idée même de travailler.

Quand j’étais ado, j’évitais de bosser quand ma mère n’était pas là, pour être sûre d’avoir de quoi faire quand elle pouvait me voir !

Comment réduire cette pression autour des devoirs ?

  • Laisser l’enfant le plus en charge possible de son travail, en fonction de son âge
  • Le responsabiliser en le laissant gérer son temps, avec un cadre clair mais sans contrôle oppressant
  • Au besoin, fixer des plages horaires définies pour les devoirs afin d’éviter les rappels incessants
  • Éviter les injonctions et privilégier les discussions ouvertes (si pas possible de ne pas aborder le sujet).
    Exemple : « Comment comptes-tu organiser tes devoirs aujourd’hui ? » plutôt que « Tu n’as toujours pas commencé ? ».

Comprendre les deux zones : apprentissage vs performance

Un concept qui me semble vraiment important pour aider à baisser la pression sur les devoirs, c’est celui porté par Eduardo Briceño sur la différence entre la zone d’apprentissage et la zone de performance.

Je vous explique.

  • La zone d’apprentissage est l’espace où l’on est en train d’apprendre. On ne domine pas encore la notion. Donc, logiquement, on fait des erreurs, et on progresse. C’est un moment d’exploration où il est normal de se tromper.
  • La zone de performance est le moment où l’on doit démontrer ce que l’on a appris (examens, évaluations). Ici, on est théoriquement en maîtrise de notre sujet et notre objectif est de ne pas faire d’erreur.

Les devoirs font clairement partie de la zone d’apprentissage !

« La zone d’apprentissage, c’est lorsque notre objectif est d’améliorer nos compétences.
Nous faisons alors des activités conçues pour progresser, en nous concentrant sur ce que nous n’avons pas encore maîtrisé. Cela signifie que nous devons nous attendre à faire des erreurs, car nous apprendrons de ces erreurs. »
Eduardo Briceño.

Le problème, c’est qu’on a tendance à passer le message à nos enfants que, même pendant les devoirs, ils ne devraient pas faire d’erreur. Beaucoup de parents abordent les devoirs comme s’ils faisaient partie de la zone de performance, en exigeant des résultats parfaits.

Remettons les devoirs à leur place : ils sont bien un terrain d’entrainement, où l’enfant peut expérimenter sans crainte de l’écher.

Dans le fond, tout ça revient à la considération de la place de l’erreur…
On a tous grandi avec la crainte du stylo rouge, il est donc normal qu’on ait tendance à reporter ça sur nos enfants.

Face à la difficulté, les voici qui se stressent, qui se jugent : « Je suis nul.le… je n’y arriverai jamais. », jusqu’à détester ce moment dans lequel on est loin de la joie d’apprendre !

Transformer les devoirs en un vrai terrain d’entraînement

L’importance du processus d’apprentissage

Revenons donc aux bases.

Plutôt que de voir les devoirs comme une simple tâche à accomplir (et à bien accomplir !), considérerons-les vraiment pour ce qu’ils sont : une opportunité d’apprentissage.

L’objectif n’est pas que l’enfant ait tout juste du premier coup, mais qu’il comprenne ce qu’il fait, ou en tout cas qu’il se pose des questions ! Ça lui permet justement de prendre du recul, et d’identifier ce qu’il a compris et ce qu’il a besoin d’affiner.

On pourrait même dire qu’un enfant qui ne fait jamais d’erreur lors de ses devoirs est peut-être trop dans sa zone de confort, et progressera peu…

« Mieux vaut un enfant actif qui se trompe et apprend de ses erreurs, qu’un enfant passif et qui n’apprend rien. » Stanislas Dehaene

Le rôle de l’erreur selon les neurosciences

Oui, l’erreur fait partie de l’apprentissage.
Aujourd’hui, grâce aux neurosciences, on le sait, et ça a été prouvé et analysé à maintes reprises.

Si je cite la Digital Learning Academy :
« Les dernières recherches en neurosciences ont montré que le cerveau apprend grâce à l’erreur. Se tromper déclenche une reconfiguration des réseaux neuronaux au moment où on se rend compte qu’on a fait un erreur. Le cerveau a besoin de signaux d’erreur pour corriger ses modèles du monde extérieur. Les moments d’étonnement, où il y a écart par rapport aux attentes, sont des moments féconds pour apprendre. L’apprentissage repose sur des écarts aux attentes, c’est-à-dire sur les erreurs. »

On a donc besoin, de notre côté, de revisiter un peu notre rapport à l’erreur et à l’échec, pour aider nos enfants à intégrer à leur tour un autre modèle.

Et clairement, si on dé-diabolise l’erreur, on fait baisser la pression, non ?

J’aime, à ce sujet, rappeler cette citation de Thomas Edison : « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10.000 solutions qui ne fonctionnent pas. »

Le corollaire de l’erreur : la correction immédiate

Malheureusement, ce n’est pas si simple…

La vraie difficulté, c’est que pour que cette analyse de l’écart aux attentes se fasse : « il faut être actif, et il faut avoir un feedback immédiat«  comme l’explique Stanislas Dehaene.

Information transmise également par Céline Alvarez – par exemple dans cette intervention : « Pour bien apprendre, il faut avoir un feedback immédiat sur l’activité que nous sommes en train de faire. »

Oui, les études montrent que l’on apprend mieux lorsque l’on peut vérifier immédiatement ses erreurs et les corriger dans la foulée.
Au passage, on entraine notre fléxibilité cognitive, l’une de ces fonctions exécutives si précieuses pour avancer !

Maria Montessori l’avait bien compris, elle qui avait conçu tout son matériel avec un contrôle d’erreur intégré, pour que chaque enfant puisse, en toute autonomie, vérifier ce qu’il faisait. (Ce qui explique d’ailleurs que la posture du guide Montessori soit plus celle d’un observateur)

Ainsi, avoir un accès aux corrections, plutôt que d’attendre un retour différé de l’enseignant, permet aux enfants de mieux comprendre leurs erreurs et de progresser efficacement.

Seulement voilà, les devoirs viennent rarement avec les corrigés de leurs devoirs…

Ça arrive (je repense à certains manuels dont les réponses aux exercices figurent à la fin du livre), mais ce n’est pas fréquent.

À votre avis, pourquoi ?

Triche ou pas triche ?

Eh bien oui… un gros frein à cette approche est la peur que l’enfant « triche » en regardant directement les réponses.

Ce qui est directement lié à la source du problème : on ne prend pas le temps d’embarquer les enfants dans la démarche !

En effet, quand notre enfant comprend et intègre que l’objectif est d’apprendre pour lui-même et non de cocher la case « devoirs » pour quelqu’un d’autre (parent ou enseignant), il n’aura aucun intérêt à tricher.

S’il triche, autant ne pas faire les devoirs en fait, parce qu’alors, c’est juste du temps perdu !

Seulement… a-t-on suffisamment confiance en eux pour les embarquer dans la démarche ?

Il y a quelques années, j’ai poussé une enseignante de CP à faire le test… et elle a été surprise de constater qu’en effet, les élèves ne trichaient pas !

  • Lorsque les enfants sont responsabilisés, ils deviennent acteurs de leur apprentissage.
  • La vraie question est : l’enfant fait-il ses devoirs pour obtenir une validation extérieure ou pour réellement progresser ?

Pas simple de bien transmettre ces messages à nos enfants, avec tous les implicites qu’ils reçoivent déjà.
Pourtant, ça change tout !

Ce sont ces changements de posture que vous explorerez plus en détails dans ma formation J’arrête de me battre pour SES devoirs.

Apprendre à lâcher prise pour mieux accompagner

Quand on arrive à mettre en place ces méthodes pour baisser la pression, cela facilite les devoirs.

Ce que l’on veut, c’est que nos enfants prennent en charge leurs devoirs, parce qu’ils font SENS pour eux.

Cela passe aussi par nous : notre posture, notre approche permettront d’encourager l’autonomie et les aidera à se saisir des devoirs comme d’un vrai moment d’apprentissage, au lieu d’une obligation pénible.

Oui, les devoirs devraient être un espace de progression, non un champ de bataille.

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Enfin, dites-moi en commentaire ce que vous mettez en place pour baisser la pression à la maison.

J’ai déjà partagé avec vous auparavant l’opinion de Thomas Gordon sur la méthode traditionnelle de récompenses et punitions, telle qu’il l’a exposée dans Eduquer sans punir. Ce chapitre se focalise sur les récompenses, et creuse la question de leur efficacité ou plutôt de leur inefficacité. Gordon parle ici de récompenses en général, et de compliments en particulier.

– Moi qui ai justement un article sur les compliments en gestation depuis plusieurs mois, peut-être aurai-je enfin l’inspiration qu’il me faut pour le ressortir lorsque j’aurai terminé le résumé de ce chapitre ? –

Les récompenses, une banalité

Pour commencer, il est intéressant de noter à quel point l’utilisation de récompenses est répandu. Que ce soit en classe pour contrôler le comportement des plus jeunes, ou à la maison.

Dans la classe, tableau de récompenses, voire coffre au trésor sont là pour encourager les enfants à bien se comporter. Et j’en ai déjà observé le résultat néfaste chez mon fils de 6 ans

A la maison, il n’est pas rare que le dessert vienne récompenser les légumes avalés. Je sais ce que vous pensez en lisant cette dernière phrase. (« Mais je ne vais quand même pas le laisser manger le dessert alors qu’il n’a pas mangé les légumes ?! » ) Et cela vaudra la peine de revenir dessus, pour parler de la posture à adopter dans un tel cas, pour réussir à encourager notre enfant à manger lesdits légumes, sans pour autant passer par une négociation à la récompense type « Si tu manges bien tes légumes, tu pourras avoir un bon dessert. » Cela dépasserait cependant ce dont Thomas Gordon parle ici, et je vais essayer de rester centrée, si vous le voulez bien.

Pour que les récompenses soient efficaces – aspects techniques

Ici, Gordon entre dans les détails techniques, expliquant que l’éducation par la récompense doit suivre un mode opératoire particulier. 

Ainsi, il est important, lorsque l’on veut, par ce moyen, encourager un comportement, de réagir de manière immédiate lorsque ce comportement est adopté. 

De plus, il faudrait pouvoir garder une forte cohérence : récompenser systématiquement le comportement en question, et s’assurer qu’aucune récompense n’est obtenue lorsque le comportement est inadéquat. C’est ce que font les dresseurs d’animaux, et c’est à ce prix que l’éducation par récompense peut fonctionner. 

Dans la vie réelle, c’est bien plus difficile. Prenons l’exemple d’un enfant en classe, dont la maitresse veut récompenser le bon comportement.
Sera-t-elle toujours bien là pour le voir et réagir ? Ne va-t-il pas également recevoir la récompense du rire des copains lorsqu’il adopte certaines attitudes qui dérangent la maitresse ?
L’obtention de la récompense en fonction du comportement n’est donc pas constante et cohérente… et cela nuit à son efficacité !

Difficultés rencontrées

Comme, selon ce que nous venons de dire, la mise en place de ce système de manière systématique est quasi-impossible, les adultes qui y ont recours se retrouvent rapidement face à des difficultés… qui les amènent souvent à évoluer de la récompense à la punition !

Et lorsque ce n’est pas le cas, ils se heurteront alors au fait que pour que la récompense continue de séduire, il faudra qu’elle ait de plus en plus de valeur. Eh oui, sinon, l’effet s’affaiblit avec le temps. D’ailleurs, même quand la valeur de la récompense augmente en fait, l’effet s’affaiblit avec le temps.

On peut alors arriver à cette situation absurde dans laquelle l’absence de récompense est interprétée comme une punition. Et on ne s’en sort plus !

Quand le seul but de l’enfant est la récompense

Voilà le coeur de l’affaire. La récompense est un mode d’encouragement via évaluation externe plutôt que motivation interne. 

Or, comme le soulignait Celine Alvarez lors de sa conférence, comme nous l’avions également évoqué avec le piège des récompenses, le plaisir de l’acte pour l’acte disparait lorsque la motivation est purement externe.

Pire encore, non seulement l’enfant perd son enthousiasme et sa motivation, mais il risque d’avoir sans cesse besoin, pour avancer, d’une évaluation externe dont il s’est mis à dépendre.

En fait, l’enfant perd le plaisir de l’acte que l’on récompense, mais pas du jugement de l’autre, qui devient indispensable.

NOTE : Ici, comprenons bien que les compliments sont directement considérés comme des récompenses. 
(Pour ceux d’entre vous pour lesquels cette idée est nouvelle, je vous encourage, en attendant que j’en sorte un nouveau, à lire mes premiers articles à ce sujet, même s’ils datent un peu : d’autres manières d’encourager dans Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, et une illustration du fait que « bien », ce n’est pas assez bien dans Parents épanouis, enfant épanouis.)
Ce chapitre traite d’ailleurs également des compliments en tant que tels, et j’en reprendrai les grandes lignes dans un autre article, parce que cela vaut la peine de s’y attarder.

Un mot sur la compétition

Quand on creuse cette question de récompenses, de motivation externe, on dérive assez naturellement vers une vraie réflexion autour du système scolaire tel que nous le connaissons, et en particulier de l’usage des notes.

Car faire étudier l’enfant avec pour but central d’obtenir de « bonnes » notes, ou en tout cas, des notes qui seront qualifiées de bonnes lorsque nous les comparerons à la moyenne, c’est créer justement une motivation externe.

J’ai soulevé cette question hier au diner familial. Mon fils Oscar (15 ans) opine que la compétition permet de donner le meilleur de soi-même. C’est possible. Cependant, certains opinent, comme André Stern, que le meilleur engrais du cerveau, c’est l’enthousiasme. Or, si la motivation externe tue le plaisir de la tâche elle-même, alors comment cultiver l’enthousiasme de l’apprentissage ??
J’ai hâte, pour creuser cette question, de lire le nouvel ouvrage de Catherine Gueguen : Heureux d’apprendre à l’école, dont je ferai un commentaire sur le blog, évidemment(Si vous avez trop hâte de voir les commentaires des autres, en voici déjà le lien)

En tout cas, la position de Thomas Gordon sur ce point est très claire, puisqu’il choisit d’inclure dans ce chapitre la citation suivante :
« Nous détruisons la passion désintéressée d’apprendre qui est innée chez les enfants et se montre si forte quand ils sont petits, en les encourageant au travail avec des récompenses mesquines et méprisables, telles que médailles d’or, bons points, tableaux d’honneur, mentions diverses, listes de mérites, etc. Bref, pour avoir l’ignoble satisfaction de se sentir meilleur que les autres. » (Holt, 1968)

Je vous laisserai sur cette citation, pour la digérer, et me dire ce que vous en pensez en commentaire si le coeur vous en dit, parce que je pense qu’à elle-seule, elle mérite un débat !

J’ai eu la grande chance d’écouter, par 2 fois, la conférence de Céline Alvarez au festival d’Autun : les rendez-vous de juillet 2017.

Quand on commence à écouter Céline Alvarez, on voudrait que cela ne s’arrête pas. Un tel élan, un tel enthousiasme, une telle lumière se dégage d’elle, qu’on voudrait la suivre, se laisser porter, croire avec elle en un monde meilleur !
Elle-même d’ailleurs a du mal à s’arrêter, à ne pas se laisser entraîner, à renoncer à ce qu’elle pourrait encore nous dire, et c’est magique !

Son histoire

Céline a grandi sur la dalle d’Argenteuil, et raconte que, très jeune, elle était désespérée de voir tant de ses camarades s’étioler face au système, autant que les enseignants.
“Les enseignants faisaient leur max pour aider la population qu’ils avaient devant eux, et ils s’épuisaient.”
Elle se retrouvait ainsi souvent face au proviseur, pour lui signaler que cela ne pouvait durer, que quelque chose devait changer ! En vain…

Devenue adulte, elle s’est consacrée à l’étude des méthodes d’apprentissage. Il lui est apparu qu’il existait de grands invariants, qui avaient été pressentis par de grands pédagogues, tels que Freinet, Montessori, Seguin, pressentis par nous tous également ; auxquels les études scientifiques plus modernes permettaient de donner une forme précise.
A ces grands invariants, elle donne le nom de “Lois naturelles de l’enfant”, titre de son livre.

En réalité, précise-t-elle, ces lois dans les manières d’apprendre sont les mêmes pour les adultes que pour les enfants, elles sont simplement plus prévalantes chez les enfants dont le cerveau a une plasticité cérébrale plus forte.

Ces lois permettent, selon elle, d’aller dans le sens de la vie, plutôt que de lutter constamment contre.
Car elle pense que le système scolaire n’est pas physiologique, en ce sens qu’il n’est pas adapté, ni à la manière d’apprendre, ni à la manière d’enseigner. Ainsi, tout le monde s’épuise, enfants et enseignants. Elle n’est pas la première à le dire, bien sûr. Nombre d’initiatives individuelles ont déjà été prises.

Son action vise à aider à ce que ces initiatives isolées se multiplient. Elle parle d’un acte politique plus que pédagogique. Et franchement, l’expérience est impressionnante. Je parle pour moi, cette fois, m’interrogeant : comment peut-on ne pas être convaincu lorsqu’on voit les résultats de son expérience à Gennevilliers ??
Mais allons-y doucement.
Avant de parler de Gennevilliers (trop brièvement car elle n’en aura plus vraiment le temps en fin de conférence), Céline choisit de nous présenter ces lois naturelles.
Accrochez-vous, c’est passionnant !

La plasticité cérébrale

Le principe est le suivant : nous sommes nés pour apprendre, et apprenons constamment sans effort.

En effet, notre cerveau est en construction dès le départ. Les circuits neuronaux se construisent par les expériences. Les scientifiques s’accordent aujourd’hui pour dire que l’intelligence humaine dépend principalement de l’environnement. (Pour en savoir plus sur ce point, si le thème vous intéresse, je vous encourage vivement à lire Les lois naturelles de l’enfant, son livre, qui entre plus dans le détail que cette conférence de Céline Alvarez)

Ainsi, si un enfant a des troubles d’apprentissage, c’est souvent qu’il y a un problème dans l’environnement. Cela peut être les paramètres pédagogiques, ou bien l’alimentation, le sommeil…A la remarque “Vous avez dû beaucoup les pousser !” qu’on lui a souvent faite après l’expérience de Genevilliers, Céline Alvarez répond d’ailleurs par la négative, précisant que la démarche n’a pas été de pousser, mais bien d’arrêter d’entraver !

La motivation

Les faits : nous ne sommes pas prédisposés à retenir quelque chose qui ne nous intéresse pas.
Cela a été observé : pour apprendre bien, il faut d’abord être motivé et enthousiaste ; sinon les zones de l’apprentissage du cerveau sont très faiblement activées. (Ca me fait bigrement penser à ce que disait André Stern, ça…)

Ainsi, il ne s’agit pas seulement de fournir à l’enfant un environnement de qualité, avec des personnes de qualité, mais il faut également chercher à susciter son enthousiasme !

Et pour cela, deux axes clef, pas faciles à implémenter.

Permettre un libre choix d’activité

En effet, l’activité imposée n’est pas la meilleure façon d’enseigner. Car quand l’activité est imposée, l’enfant n’est pas motivé, et quand il n’est pas motivé (je le répète, parce que ça en vaut la peine, tellement ça va à l’encontre des fonctionnements de nos écoles), les zones d’apprentissages de son cerveau sont très faiblement activées.
Ainsi, physiquement, il n’apprend pas. Ou, du moins, il apprend peu. Il pourra apprendre, mais à condition d’y mettre beaucoup d’énergie…

Pour certains élèves, ce blocage cérébral, c’est la source d’une complète perte de confiance en eux : “Je vais à l’école, je fais mes devoirs, mes parents me payent des cours particuliers, et je n’y arrive toujours pas ! Conclusion : je suis nul.”

Ce qu’on leur enseigne n’est effectivement pas si compliqué, mais on le leur présente de façon non intéressante. Et comme, malgré le peu de complexité de ce qu’on leur demande, ils ont du mal à apprendre (du fait de leur manque d’interêt), on baisse nos attentes. Ce qui rend les choses encore moins intéressantes, et on entre dans un cercle vicieux !

Pour apprendre bien, l’être humain doit en avoir envie. Qu’il choisisse ce sur quoi il va travailler répond à ce critère.

Face à cette idée de libre choix d’activité, certains s’effrayent. « Alors, on doit laisser les enfants faire ce qu’ils veulent !? » En fait, si par « ce qu’ils veulent » celui qui demande veut dire « n’importe quoi », alors non. Mais Céline Alvarez les a laissés faire ce qu’ils aiment, pas ce qu’ils veulent.

En réalité, nos enfants ont des ambitions bien plus hautes que celles que nous avons pour eux. Lorsqu’on sous-estime son ambition, on s’interpose entre le monde et l’enfant. C’est encore une entrave.

Car franchement : les enfants arrivent en maternelle à l’âge de 3 ans. Avant cela, ils ont appris à marcher seuls, à jouer au ballon, à tenir leur cuillère… et tout un langage ! Seuls ! Mais pour les 3 années suivantes, on va leur demander d’apprendre à compter jusqu’à… 30.. et à reconnaitre les 26 lettres de l’alphabet.
Mais un enfant qui commence à compter, vous avez dû vous en rendre compte, a rarement envie de s’arrêter ! – Cet été, mon fils de 5 ans, qui a compris les dizaines et les centaines, n’avait de cesse de compter jusqu’à 1000, et a adoré construire 10 colonnes de 10 cailloux avec moi pour compter de 10 en 10 jusqu’à 100 puis de 100 en 100 jusqu’à 1000, illustrant bien ce que nous disait là Céline Alvarez lors de cette conférence ! (et plus récemment, son enthousiasme l’a amené à l’infini !!) –

Si on laisse les enfants faire ce qu’ils aiment, ils vont vouloir conquérir la culture de leur environnement. Ils sont prédisposés à cela : ils ont des circuits à construire !!

Seulement voilà, on enseigne à nos enfants à se déconnecter d’eux-mêmes : si l’enfant veut apprendre à lire en maternelle, on lui explique que ce n’est pas le moment, et on coupe son élan. Non, à la place, on lui imposera plutôt d’apprendre à lire plus tard, quand il n’en aura peut-être plus envie…

Dans une école traditionnelle, les enfants qu’on n’a pas réussi à déconnecter d’eux-mêmes posent problème. On ne sait pas quoi en faire. Ils sortent trop du cadre.
Dans un environnement libre, au contraire, ils chercheront à répondre à leur soif naturelle d’apprentissage et avanceront vite ! Et les autres, il faut commencer par les reconnecter à eux-mêmes. Peut-être tout simplement en leur demandant : “Que veux-tu apprendre ? » ?

La motivation endogène

Deuxième axe qui va à l’encontre de beaucoup de nos pratiques classiques. Car pour cela, il faudra couper la motivation exogène, car elle ne fait que court-circuiter la motivation endogène.
Par motivation exogène (soit externe), on entend tout ce qui vient chercher à motiver l’apprentissage pour autre chose que l’apprentissage. C’est le cas des récompenses. « Si tu as une bonne note à ceci… », ou même en fait, de la note elle-même. L’apprentissage a lieu parce que l’enfant veut apprendre. Et nous n’aurons jamais autant d’impact que cette motivation endogène.

Est-on prêt à laisser l’apprentissage se dérouler sans note ? A laisser l’enfant s’évaluer ?

L’erreur

On ne peut pas apprendre sans se tromper.

En fait, notre cerveau fait des hypothèses, des prédictions et les teste.

C’est l’effet de surprise, c’est à dire la différence entre la prédiction et le résultat, qui crée les réajustements neuronaux. Et de ces réajustements découlent les apprentissages.

A l’école, on demande souvent aux enfants de ne pas se tromper. C’est aller à l’encontre des mécanismes d’apprentissage ! Il y a de quoi faire des phobies scolaires…

L’autonomie

On aborde là un point fondamental (et bien difficile à mettre en place dans nos écoles) : il faut une réponse pédagogique individualisée. L’intelligence humaine se développe essentiellement lorsque l’enfant peut être accompagné vers l’autonomie.

Comme l’expliquait déjà Maria Montessori, l’élan de l’enfant est : “Laisse-moi faire seul !”
C’est ainsi que les compétences exécutives peuvent s’exercer et se développer.

Que sont ces compétences exécutives ?

Ce nom est donné à trois fondations biologiques de l’apprentissage :

  • la mémoire de travail = mémoriser des actions sur un temps court, et les mettre dans le bon ordre.
  • la flexibilité cognitive = capacité de savoir détecter puis surmonter notre erreur, en réadaptant notre démarche. La flexibilité cognitive est la mère de la persévérance et de la créativité.
  • le contrôle inhibiteur = capacité de différer une envie pour rester fixé sur un objectif.

Chacune de ces compétences exécutives est nécessaire pour atteindre un objectif.
Selon le centre de développement de l’enfant d’Harvard, si ces compétences sont sous-développées, l’enfant aura du mal à suivre les consignes. Et il suffit que deux enfants dans une classe aient des compétences exécutives sous-développées pour que ça mette toute la classe en situation difficile, et engendre un burn out de l’enseignant(e) !
Ca donne le vertige, non ?
Voilà pourquoi un étayage individuel est indispensable. L’étayage collectif du prof face à 30 élèves demande une énergie colossale qui épuise !

Une priorité donc : accompagner l’enfant dans la conquête de l’autonomie.

Et ca a effectivement été celle de Céline Alvarez dans sa classe de Gennevilliers, comme nous le verrons ci-dessous.

Pour cela, il s’agit surtout de faire un pas en arrière et de laisser faire.
Car la nature est bien faite, et l’enfant a un élan naturel vers la recherche d’autonomie (tiens, voilà pourquoi Céline Alvarez parle de “lois naturelles” !). D’ailleurs, dès tout petit, il nous dira : “Moi tout seul !!” Ce n’est pas de nous qu’il l’a appris, si ??
Il faudra donc “juste” accompagner l’enfant quand il demande à faire seul.

Un exemple donné par Céline Alvarez : le petit qui demande à prendre la cuillère lui-même.
C’est un exemple parlant, parce qu’on voit là à quel point le développement de ses compétences exécutives lui tient à coeur : dans le fond, il a faim, mais il est encore plus important de nourrir sa faim cognitive, quitte à perdre une partie de sa purée…
A nous dans ce cas de faire appel à notre contrôle inhibiteur pour le laisser développer ses compétences exécutives. C’est son tour.
Changeons notre posture : l’autonomie, ça se construit beaucoup avec l’autre, qui peu à peu s’efface.

La reliance : le besoin de rester en lien humain

Dernière loi, et la principale. Le reste, sinon, ne sert à rien, selon Céline Alvarez.
Il s’agit du lien social. Un lien positif, chaleureux, empathique, soutenant, bienveillant.
On rejoint sur ce point ce que diffuse Catherine Gueguen : la seule intention bienveillante entraîne une sécrétion moléculaire, un processus régénérateur. Le lien social a un réel impact sur les neurones et sur leur développement. Le stress freinera celui-ci, la bienveillance l’encouragera.
Ainsi, une attitude empathique face à l’enfant permet à la zone de l’empathie de meiux se développer, or cette zone du cerveau – le cortex préfrontal – sert aussi à la prise de décision.

Ici, Céline Alvarez va effectivement plus loin que Maria Montessori en son temps, car elle s’inspire également des résultats plus récents des neurosciences

Ainsi, le matériel, le nombre d’élèves par classe, sont des paramètres importants mais non fondamentaux.
Le principal, c’est la réponse de l’adulte, le lien avec l’enfant. Faire preuve face à lui d’un étayage bienveillant.

A l’inverse, la rupture du lien social bienveillant entraîne un stress organique. Entre enfant et adulte, mais également pour les enfants entre eux.
D’ailleurs, les enfants qui décrochent tombent souvent dans la violence, envers eux-mêmes et les autres (d’où un accroissement de la violence en France).

L’expérience de Céline Alvarez

L’exposé de ces lois étant fait, nous pouvons revenir à l’histoire de Céline Alvarez.
Passionnée de questions d’éducations, elle était prête à lancer une expérience soit en Haïti, soit au Mozambique, lorsqu’elle est repassée par la France.
C’est là qu’elle a entendu ce chiffre incroyable : en France, 40% des enfants sort du primaire avec des lacunes telles qu’elles les empêcheront de poursuivre une scolarité normale.
Cela l’a encouragée à rester en France, pour mettre un gros coup de pied dans la fourmilière.
Car bien des initiatives existent déjà, heureusement, mais elles sont très isolées.
L’éducation traditionnelle dans nos écoles et pourtant à revoir, car, en ne respectant pas les lois naturelles, nos enfants trinquent, puis la société trinque !

Céline Alvarez a donc passé son diplôme d’institutrice, a exercé d’abord un an à Neuilly,
(Elle explique d’ailleurs que les places n’y étaient pas chères car les instituteurs sont souvent en position inconfortable, entre des parents qui encouragent leurs enfants à apprendre, et des programmes qui demandent qu’on les limite…), puis a réussi à obtenir une “carte blanche” de 3 ans pour diriger une maternelle à Genevilliers.
Sa décision est un acte politique. Son idée de montrer qu’on peut enseigner autrement, et que cela change tout !
Car les enfants de Gennevilliers ont un chemin tout tracé : leur retard est tel dès le départ qu’on prévoit déjà pour eux un échec au CP, en 6è, et pas de bac.

Dans la classe de Genevilliers, pendant 6 mois, aucun enseignement formel n’a été dispensé.
Pendant 6 mois, la seule priorité a été : l’autonomie !
Autonomie dans le langage, dans les émotions, les dessins, la peinture.
Pour soutenir le développement des compétences cognitives. C’est tout.

Ensuite seulement, sont venues les activités de lecture, de mathématiques, et autres.
A la fin de cette conférence, Céline Alvarez n’a pas le temps de parler des résultats, mais, pour avoir lu son livre, et d’autres documents, ils sont incroyables !!
Les élèves sont entrés avec enthousiasme dans la lecture, surprenant leurs parents, et lisant mieux que leurs grands-frères ; leur compréhension mathématique en fin de grande section a dû être testée avec des échelles des CE2, sur lesquelles ils étaient en général positionnés au maximum. Et tout ceci, je le rappelle, sans qu’ils soient poussés, mais bien encouragés à suivre leur élan !

Aujourd’hui, face au message de Céline Alvarez, il y a encore des résistances, mais également un réel engouement ! De plus en plus d’initiatives sur le territoire.
Un vent nouveau souffle sur l’éducation…