Quand ce sont nos enfants qui gardent la tête froide…
Il y a peu, je vous partageais une occasion où j’ai réussi à garder la tête froide face à mon fils de 6 ans.
Mais, bien sûr, comme je ne suis pas un super-héros, il y a aussi tous les moments où je n’arrive pas à garder la tête froide ! Et, comme chez vous, parfois ça finit en crise, et parfois non.
Et c’est là que je vois le bénéfice de notre mode éducatif : à force d’expliquer l’importance du temps de pause, de parler de ce que je ressens, de chercher à développer un certain respect dans la conversation, je constate que mes enfants sont à leur tour capables de le faire.
Ainsi, je voulais vous raconter cet épisode, qui date un peu, mais que j’avais noté dans un coin.
Il s’agit cette fois d’un échange avec mon grand Oscar, de 15 ans.
Puisque nous vivons à l’étranger, cela fait quelques années déjà que je fais le français avec le CNED avec mes 2 grands (et depuis cette année, avec le 3ème, heureusement qu’Anatole est trop petit, je ne m’en sortirais plus !!). Oscar est à présent en 1ère, et travaille de manière quasi-autonome depuis l’année dernière, mais nous continuons à avoir une session ensemble chaque semaine.
Cela lui permet d’avoir un rythme stable, une session dédiée, et puis je l’aide pour la planification, l’avancement, les corrections orthographiques… Autant je ne regarde absolument pas ce qu’il fait à l’école, autant je sais que travailler complètement seul, même s’il en comprend l’intérêt théorique, est sacrément difficile à cet âge. Donc je l’encadre. Et en même temps, je ne peux l’obliger à travailler vraiment ! Il faut bien que ça vienne de lui… et c’est pourquoi ça dégénère parfois en conflits.
L’année dernière, nous en étions arrivés à un point difficile, et nous nous étions assis avec lui, ayant préparé notre discours de sorte à le présenter comme il le fallait. Nous avions discuté de nos observations :
d’un côté, il était assez mûr pour comprendre qu’il lui était nécessaire de travailler son français, d’un autre côté, il avait beaucoup de difficultés pour s’y mettre sérieusement.
nous ne pouvions certainement pas le forcer à bien travailler, mais notre rôle de parent était quand même de l’aider à passer au dessus de ses difficultés et rester en ligne avec ce qu’il devrait faire.
Nous lui avions donc demandé de décider lui-même d’un rythme de travail, et des conséquences que nous devrions l’aider à appliquer s’il ne le suivait pas. Cela avait plutôt bien marché, mais plusieurs discussions avaient été nécessaires, évidemment…
Donc, à force de discussions, de rappels, de remises en cause, je suis devenue sensible sur ce sujet.
Cette année, en août, lorsque nous avons repris nos sessions, j’étais déjà sur la défensive avant de commencer.
La première session s’est moyennement déroulée. Je lui ai partagé le fait que je ne pourrais pas passer l’année à le tirer, que c’était à lui d’être acteur. Il était en théorie d’accord, mais rien que le fait de devoir encore avoir cette discussion m’épuise !
Et nous arrivons à la 2ème session, celle que je voulais raconter dans cet article !
Nous sommes donc mardi après-midi, et c’est le moment de la séance de français d’oscar.
Je suis attablée dans le café où il est prévu que nous nous retrouvions, et lui n’y est pas.
Il arrive enfin, en retard, sans un mot à ce sujet.
Je demande :
« Que s’est-il passé ?
– Comment ça ? Rien…
– Ben.. tu es en retard, là. Tu avais oublié ?
– ah ! Oui.
-…. Que pourrais-tu faire pour ne pas oublier ?
– Je sais pas ! »
J’essaye de respirer. Cette désinvolture me pèse. Je décide de lâcher-prise pour l’instant, très concentrée sur le fait de ne pas gâcher la séance. Il s’installe.
« Ok. Où est ton livre ?
– Je devais apporter quelque chose ? »
Alors là, ça y est, je ne peux plus… et je l’exprime !
« Je ne peux pas faire ça chaque semaine. Je te l’ai déjà expliqué, je suis fatiguée de ces conversations. Je trouve que ce n’est pas juste. Je fais des efforts pour rester sereine face à tes réactions. Tu arrives en retard, je pourrais dire « Tu as oublié ?? Tu rigoles ?? C’est pas possible ! » et, à la place, je dis « qu’est-ce que tu pourrais faire pour ne pas oublier ? » Mais tu ne t’arrêtes pas une seconde pour y réfléchir. « Je ne sais pas. », c’est tout. Tu n’y attaches pas d’intérêt. Je dois continuer à t’amener à travailler, et toi, tu ne fais pas. On en a parlé la semaine dernière, tu étais d’accord, on a parlé de ce sur quoi on allait travailler cette semaine, tu ne le notes pas, tu te pointes sans ton matériel, et je dois encore rester calme ! C’est pas juste. »
Et au fur et à mesure de mon discours, je monte dans les tours. Je m’énerve toute seule de tout ce que je prends sur moi… Je suis loin de ces conseils d’économiser ses paroles…
Oscar est un peu dérouté.
« Ohh.. qu’est ce qu’il s’est passé ? Tu étais calme, et tout d’un coup, tu t’énerves…
– Je ne comprends pas que tu sois surpris ! On tourne en rond avec ces conversations !! Je m’épuise, je t’assure, j’ai envie de te laisser seul avec ton CNED, de me désintéresser de cette question, de te laisser faire face, bien ou mal. Je n’ai pas envie de cette relation avec toi. Je ne sais pas comment faire pour que tu le comprennes !!
– Tu as raison, je ne m’investis pas assez. »
Raison, ou pas, je ne me sens plus du tout détendue, et plus en état de travailler sereinement.
« Bon. J’avais prévu de quoi travailler ensemble, mais là, ce n’est pas possible, je ne suis pas en état. »
Heureusement, mon fils comprend ça. Il cherche une solution.
Il me dit :
« ok, si tu veux, on peut travailler demain, ou après-demain.
– Non, demain j’ai prévu quelque chose avec les petits, et jeudi, je fais le français avec Alice. Moi, j’ai le mardi pour toi. Pas un autre jour. Le mardi. Après, j’ai d’autres choses dans mon planning.
– alors, qu’est ce qu’on fait ?
– Je ne sais pas.
– Ecoute, dit-il. Je te propose la chose suivante : on travaille chacun de son cote, et on travaillera ensemble ensuite.
– On verra. »
Nous nous mettons à travailler, chacun sur son sujet. Je me calme peu à peu. Au bout d’un moment, un peu plus posée, je lui dis :
« Je te remercie d’avoir gardé ton calme. Je pense que je pourrai travailler avec toi dans un moment. »
Puis, un peu plus tard.
« Bon, j’ai presque fini, et toi ? On se donne encore 10 minutes ? »
10 minutes plus tard, je sors ce que j’avais préparé, et nous pouvons enfin commencer à travailler ensemble.
Finalement, ce sera même une bonne séance.
Heureusement qu’il a réussi à garder la tête froide.
Je suis contente d’avoir pu lui enseigner ça, et à laisser son espace à l’autre.
Pour la petite histoire, depuis ce jour-là, nos séances se passent bien mieux. Il semble qu’un déclic ait eu lieu, et Oscar fait preuve de beaucoup plus de sérieux. On a établi un planning ensemble, pour l’année entière, et il suit bien son avancée. L’autre jour, il me disait même : « Je comprends maintenant ce que j’aurais dû faire l’année dernière, et que je ne faisais absolument pas. »
Ouf. Décidément, pas toujours facile d’être parent…
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