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« Toute aide inutile est une entrave au développement de ses capacités naturelles. » Maria Montessori

Le rôle de l’éducateur Montessori n’est pas le même que celui de l’enseignement en école plus classique. En effet, dans une école Montessori, l’éducateur n’est pas là pour « enseigner » dans le sens traditionnel du terme. Son rôle est bien plus subtil : il prépare un environnement adapté, observe les enfants et intervient au bon moment, avec précision et retenue. Il doit trouver l’équilibre entre guider et laisser faire, entre accompagner et observer.

Maria Montessori disait que l’enfant doit être acteur de son propre développement. L’éducateur est donc un facilitateur, un observateur attentif, un modèle à suivre, et surtout un adulte bienveillant qui sait quand intervenir et quand se retirer.

Cet article a été écrit par Karine du blog Parents en éveil. Sur son blog, vous trouverez des conseils et un accompagnement bienveillant et pas à pas pour aider les parents à mieux comprendre leur enfant et à retrouver une harmonie familiale.

Quand on éduque un enfant avec bienveillance, on ne change pas seulement sa vie… On change toute une génération. » ❤️

L’éducateur Montessori : un guide

Le rôle de l’éducateur Montessori repose sur trois piliers fondamentaux

  • L’observation, qui permet d’adapter l’environnement aux besoins réels des enfants.
  • Un cadre structurant, qui favorise l’autonomie sans intervention excessive.
  • L’exemplarité, qui enseigne bien plus par les gestes et l’attitude que par la parole.

L’éducateur Montessori ne cherche pas à contrôler l’enfant, mais à lui offrir un cadre sécurisé et adapté pour qu’il puisse grandir librement.

Il ne transmet pas un savoir de manière descendante, mais crée les conditions idéales pour que l’enfant apprenne par lui-même.

Ainsi, en ajustant sa posture et en adoptant un rôle de guide, il permet à chaque enfant d’avancer à son propre rythme, avec confiance et sérénité.

L’importance de l’observation : apprendre à « faire un pas en arrière »

L’impression de ne rien faire

Lorsque j’accueillais des stagiaires dans mon école Montessori, je leur disais souvent : « Au début, tu auras l’impression de ne rien faire. »

Pourquoi ? Parce que nous avons été conditionnés à intervenir, à « enseigner », à « faire ». Or, en Montessori, l’adulte n’agit pas directement sur l’enfant. Il agit indirectement, en préparant un environnement qui lui permet d’évoluer librement et en confiance.

L’éducateur Montessori a été formé à observer. Il ne s’agit pas d’une observation passive, mais d’un véritable travail attentif, essentiel pour comprendre où en est l’enfant, ce dont il a besoin et comment ajuster l’environnement ou les présentations.

Une observation factuelle et précise

Dans la classe, l’éducateur a une chaise d’observation. Les enfants savent que lorsque l’adulte est assis sur cette chaise, il est en train de travailler et ne doit pas être interrompu. Il note ce qu’il observe de manière factuelle et précise. L’observation a toujours un objectif : analyser l’utilisation d’un matériel, comprendre le comportement d’un enfant, repérer les difficultés lors des moments de transition comme le repas, la sieste ou l’habillage aux vestiaires.

Quand il écrit ses observations, l’éducateur décrit avec exactitude ce qu’il voit, sans interpréter ni juger. Il n’écrira pas « Paul aime peindre », mais plutôt : « Paul prend le pinceau entre le pouce et l’index de sa main droite. Il plonge le pinceau dans le pot de peinture rouge. Il le laisse dans la peinture pendant cinq secondes, l’essuie sur le bord du pot, puis trace un trait vertical du haut vers le bas de la feuille. Il sourit en regardant son travail. »

L’objectif est que, si quelqu’un lisait cette observation, il pourrait quasiment rejouer la scène sans l’avoir vue

Léon concentré sur son activité de tri en autonomie

Le bénéfice de cette observation

Grâce à son travail d’observation et de recul, l’éducateur va pouvoir analyser ce travail pour ajuster davantage sa classe.
Le but de l’observation est de:

– mieux s’adapter aux besoins de l’enfant. L’éducateur va pouvoir ensuite présenter des activités qui correspondent aux besoins de l’enfant et à ce qu’il aime faire. L’idée est de mettre l’enfant dans une situation de réussite et non d’échec afin de renforcer sa confiance en lui. 

– mieux comprendre les besoins naturels de chacun des enfants. Par exemple, est-ce que les conflits apparaissent sur un temps spécifique de la journée, sur l’utilisation d’un matériel spécifique, ou lors d’interactions entre deux enfants en particulier …

Par exemple, l’éducateur peut décider de supprimer une activité (si elle amène trop de conflits dans la classe) ou d’en ajouter des nouvelles s’il pense que les enfants les plus âgés commencent à s’ennuyer à tel moment de la journée. Les enfants seront alors naturellement dans de meilleures conditions de travail favorisant leur autonomie, le calme et la confiance.

L’enfant se sent alors écouté, compris et respecté ce qui aide au maintien de sécurité physique et affective dans la classe. 

Un environnement pensé pour favoriser l’autonomie

L’autonomie ne s’enseigne pas, elle se prépare.
L’environnement doit être conçu pour que l’enfant puisse évoluer sans l’intervention systématique d’un adulte.

Dans une classe Montessori, tout est organisé pour encourager l’enfant à agir seul.
Le mobilier est à sa taille, les activités sont accessibles et pensées pour être manipulées en autonomie.
L’éducateur observe comment l’enfant interagit avec son environnement (ses pairs, le matériel..) et ajuste lorsque c’est nécessaire.

Exemple d’un atelier peinture

Prenons l’exemple de l’atelier peinture.
L’enfant doit pouvoir gérer son activité du début à la fin : enfiler son tablier tout seul, prendre une feuille, l’accrocher sur le chevalet, choisir ses couleurs, nettoyer son pinceau et ranger son espace une fois son œuvre terminée.
Tout est pensé pour qu’il n’ait pas à solliciter un adulte à chaque étape.

Les questions qui peuvent surgir

Si un enfant vient souvent demander de l’aide, l’éducateur doit se poser la question : est-ce que l’environnement est bien adapté ? Le matériel est-il trop haut, trop lourd, trop complexe ? L’enfant manque-t-il d’assurance et a-t-il besoin d’une nouvelle présentation pour se sentir plus confiant ?

L’éducateur ne fait pas à la place de l’enfant, il ajuste son cadre pour que l’enfant puisse faire par lui-même.
C’est aussi ça le rôle de l’éducateur Montessori.

L’exemplarité du guide dans les écoles Montessori : un modèle vivant pour les enfants

L’éducateur Montessori est un modèle pour les enfants.
Ils observent tout : sa façon de parler, ses gestes, son attitude. Si l’adulte parle doucement, l’enfant parlera doucement. S’il prend soin du matériel, l’enfant en fera de même.

La présentation du matériel

Les présentations de matériel sont un bon exemple de cet apprentissage par l’observation. Avant de manipuler un matériel, l’éducateur demande à l’enfant s’il est d’accord pour qu’on lui montre comment l’utiliser. Il s’assoit avec lui, à sa hauteur, explique en quelques mots ce qu’il va faire, puis réalise la démonstration sans parler, avec des gestes lents et précis.

Le silence permet à l’enfant de se concentrer sur l’essentiel : le mouvement des mains, la précision du geste. Une fois la démonstration terminée, l’enfant est invité à essayer par lui-même, autant de fois qu’il le souhaite.

Le rôle de l’éducateur Montessori dans les cas de conflits entre enfants

Ce principe d’exemplarité se retrouve aussi dans la gestion des interactions entre enfants.
Lorsque des disputes éclatent, l’éducateur peut organiser des « grâces et courtoisie », des jeux de rôles où il montre comment résoudre un conflit avec des mots plutôt qu’avec de l’agressivité.

Par exemple, au lieu de dire « Arrête de crier ! », il chuchote « On parle avec une petite voix », et les enfants l’imitent.

Enseigner par l’exemple

L’objectif est toujours d’apprendre par l’exemple, et non par l’ordre.

« L’enfant n’est pas un vase qu’on remplit, mais une source que l’on laisse jaillir. » – Maria Montessori

Comment l’éducateur Montessori aide l’enfant à grandir en confiance ?

L’éducateur Montessori n’est pas un professeur traditionnel.
Il n’est ni un maître, ni un chef d’orchestre, mais un guide.
Son rôle est d’observer, d’ajuster et de montrer l’exemple, pour que chaque enfant puisse s’épanouir pleinement.

C’est l’incroyable invention qu’à apportée Maria Montessori à sa pédagogie : faire confiance à l’enfant, et apprendre, en tant qu’adulte, à se mettre en retrait.

🔗 Si tu as envie d’en savoir plus sur cette approche et comment elle peut s’appliquer à la maison, je t’invite à découvrir d’autres articles sur mon blog Parents en éveil. Ensemble, faisons grandir nos enfants en confiance et en autonomie ! »

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Note ajoutée par Coralie :

J’adore ce que nous expose ici Karine sur l’approche prônée par Maria Montessori.
Il y a de nombreuses années, j’ai suivi une formation de guide Montessori 3-6 ans, et j’avais à coeur d’en partager ici les principes.

J’insiste en particulier sur le fait de laisser l’enfant aux commandes de son apprentissage, et de chercher, en tant qu’adulte, à se mettre en retrait.
C’est, entre autres, ce qui aide à développer la motivation intrinsèque de l’enfant.
Cela correspond à un changement de posture au coeur de ma formation « J’arrête de me battre pour SES devoirs.« 

Si vous êtes régulièrement en conflit avec votre/vos enfant(s) autour des devoirs scolaires, allez donc faire un tour sur la page de présentation de cette formation, qui pourrait apporter de la paix dans votre foyer !

Mon chemin d’éducation positive me mène de plus en plus vers les écoles. Je rencontre aujourd’hui des enseignants, professeurs des écoles, ou professeurs en collège, en lycée, et plus j’avance, plus je me rends compte de la similitude de nos problématiques. Enseignants et parents avons souvent les mêmes défis : modifier notre manière de parler aux enfants, notre mode de communication, et les mêmes difficultés : celles de ne pas savoir comment, le poids de ce que nous avons reçu, et du modèle que nous continuons à recevoir. J’aime rencontrer des personnes qui cherchent à évoluer, qui se posent des questions… Alors, je n’ai jamais entendu le terme de « professeur bienveillant », mais j’ai voulu l’employer pour Stéphanie. Stéphanie est professeur de français en collège et lycée.  Dans cette vidéo, elle nous parle de la manière dont sa pratique a évolué, de sa posture et son rôle avec ses élèves…

En effet, selon Stéphanie « le professeur qui transmet son savoir est remplaçable. » Son approche : « Je ne peux pas avancer en me disant que ma seule valeur ajoutée c’est le savoir que j’apporte. »

Alors, au fur et à mesure de son expérience, parce qu’elle a eu l’occasion de suivre une formation en neurosciences, et qu’elle lit régulièrement (je lui passe régulièrement mes livres…), Stéphanie accorde aujourd’hui beaucoup d’importance au « vivre ensemble », dont il est tant question.

Sans pour autant transiger dans ses exigences au niveau du francais.

A la question : « Comment motiver les élèves et leur donner confiance ? » , Stéphanie répond : « Les motiver en leur donnant confiance ! » – et c’est ce qui la rend heureuse de faire son métier. Voir le succès de ses élèves est une vraie source de joie pour Stéphanie, qui continue toujours de s’interroger sur comment mieux faire.

Bref, une prof comme on aimerait en voir plus ! Et en même temps, Stéphanie transmet son enthousiasme, parce qu’elle ne se sent pas atypique. Parce qu’elle rencontre sans cesse d’autres enseignants qui, eux aussi, s’ouvrent aux élèves. « Une personne, l’élève ! Pas un bouquin… »

Je vous ai déjà parlé ici de discipline positive, et en particulier de discipline positive en classe. L’éducation nationale affiche bien dans ses ambitions le développement des compétences socio-émotionnelles chez les élèves, apprendre à mieux vivre ensemble, à résoudre les conflits de manière respectueuse… Seulement voilà : les adultes qui les entourent n’ont souvent pas appris ces compétences-là, alors comment les enseigner ? Le défi des enseignants dans ce contexte est très proche de celui des parents, qui cherchent à transmettre des notions de bienveillance et de respect, qui ne sont pas vraiment dans la continuité de ce que nous avons reçu lorsque nous étions enfants… La discipline positive en classe, c’est un moyen de faire évoluer les choses, et j’adore y contribuer !

Le besoin de développer les compétences socio-émotionnelles

Les neurosciences sont aujourd’hui formelles : le cerveau d’un enfant sous stress se développe moins bien ! C’est au contraire lorsque l’enfant est entouré d’empathie que son cerveau se développe mieux, qu’il progresse, qu’il apprend, et qu’il donne le meilleur de lui-même. Il a alors plus confiance en lui et peut progresser encore. C’est un cercle vertueux.

En classe, cela se ressent aussi, évidemment. Dans son livre « Heureux d’apprendre à l’école », Catherine Gueguen présente les résultats de certaines recherches qui montrent que les élèves qui développent les compétences socio-émotionnelles voient leurs résultats scolaires s’améliorer. De façon intéressante d’ailleurs, cela est vrai également lorsque seuls les enseignants de ces élèves se forment !

Il existe aujourd’hui plusieurs manières de développer ce type de compétences. Plusieurs approches qui avancent dans le même sens. La CNV par exemple. La discipline positive est l’une de ces approches.

Qu’est-ce que la discipline positive en classe ?

La discipline positive est une approche fondée sur les principes d’un psychiatre autrichien, Alfred Adler, et qui a été développée par Jane Nelsen, enseignante et mère de 5 enfants.

L’association de Discipline Positive propose une approche très complète, puisqu’elle propose des formations aux parents et aux enseignants, et qu’elle propose également tout cet accompagnement à la Discipline Positive en classe.

De mon côté, j’ai été formée pour aider un enseignant à mettre en place la Discipline Positive dans sa classe, et pour animer des ateliers de parents.

A terme, j’ai l’intention de me former également à former les enseignants pour qu’ils puissent agir de manière indépendante. J’attends pour cela d’avoir plus d’expérience en classe moi-même.

Une démarche sur toute l’année scolaire

Accompagner les élèves dans la démarche de la Discipline Positive ne se fait pas en un jour. C’est en réalité une démarche étalée sur toute l’année scolaire, avec des séances régulières (en général, hebdomadaires).

L’objectif est d’atteindre une ambiance de classe dans laquelle le groupe peut discuter ensemble. De l’organisation nécessaire à la classe, leurs idées, des problèmes qui surgissent. Cela se fait au cours de TEC, ou Temps d’Echange en Classe, qui sont des réunions de classe. Pendant ces TEC, chacun peut s’exprimer. Chacun fait partie de la solution.

L’enseignant sort alors de son rôle d’autorité, pour chercher avec les élèves les solutions à mettre en place dans la classe pour que le groupe entier fonctionne mieux.

Cependant, avant de parvenir à mener ces réunions de manière harmonieuse, il s’agit de s’assurer que certaines compétences fondamentales sont acquises.

C’est pourquoi les premières séances (et quand je dis les premières, cela dure en fait un sacré temps, disons presque la moitié de l’année, cela dépend des classes, et de la manière dont on progresse) sont consacrées au développement de ces compétences fondamentales : implication de chacun dans le groupe classe, auto-régulation, respect mutuel, coopération, communication, etc…

Au fur et à mesure, les échanges s’enrichissent, la dynamique de la classe se modifie, et l’on peut aller plus loin. Dans le processus, enseignant et élèves grandissent ensemble.

Mon expérience de Discipline Positive en classe

J’ai suivi une formation de personne-ressource, pour aider à mettre en place la Discipline Positive dans une classe en mars 2017. Fin 2017, enfin, je commençais à me rendre en classe de CE1 pour les premières séances. Je vous en avais parlé à l’époque, et j’étais enchantée de mes débuts. Cependant, la ré-organisation des cours suite à l’ouragan Maria qui n’était pas passé inaperçu avait provoqué l’interruption du projet.

Lors de mon retour en France, j’ai de nouveau cherché un terrain d’entrainement, et j’ai trouvé !

Depuis novembre 2018 (nous sommes, à l’heure où j’écris en avril 2019), j’interviens de manière quasi-hebdomadaire en classe de CP. La maitresse est volontaire (bien sûr, sinon je ne serais pas dans sa classe), dynamique, et très ouverte. Elle, les élèves, et moi, progressons tous à la fois !

C’est tellement chouette de voir comment la classe s’investit ! D’être témoin de la magie qui s’opère dans ce groupe, alors qu’ils n’ont que 6 ou 7 ans ! … que j’ai bien l’intention de vous faire un article spécifique sur mon expérience dans cette classe ! Promis, il ne trainera pas.

—- septembre 2019, 2 petits compléments —

  • Hum… Finalement, l’article traine… puisqu’il n’est toujours pas écrit ! Ce sera l’occasion de vous faire carrément un bilan de l’année.. avant celle qui va commencer puisque, c’est décidé, je vais de nouveau intervenir dans cette classe !
  • En mai/juin, j’ai également mené un projet en classe de 5e, avec une bonne partie de l’équipe pédagogique. Les profs volontaires ont donné chacun une heure, plus quelques sessions en « vie de classe » : nous avons pu faire 8 sessions, et c’était MAGIQUE !! Là aussi, il va falloir que je vous détaille un peu tout ça. En attendant, sachez que l’on peut vraiment agir sur l’ambiance de classe, planter des graines sur des manières plus respectueuses de vivre ensemble. J’y crois, et n’ai pas l’intention de m’arrêter en si bon chemin !

Dans notre pays, l’éducation nationale décide des programmes, donne un cadre et des compétences à développer, niveau par niveau. Mais, dans ce cadre, elle permet encore pas mal de liberté. Pour autant que les compétences-clefs soient développées, les instituteurs sont libres de leurs méthodes.

Il est donc possible de sortir du carcan que l’on croit imposé. Et, contrairement à ce que nombre d’entre nous pensent, beaucoup d’instituteurs le font. Seulement, ils le font discrètement, de leur côté.

Depuis 2014, Céline Alvarez a énormément fait parler d’elle, communiquant sur son expérience à Genevilliers. Elle y a été institutrice en maternelle pendant 3 ans, et n’a pas continué. Parce que son objectif premier n’était pas de changer les choses à Genevilliers, mais de montrer qu’une autre approche pouvait réellement changer les choses. Puis, de diffuser le message, autant que possible. De “donner un coup de pied dans la fourmilière”, comme elle le dit elle-même1. Son but : la révolution dans l’éducation. Et à la suite de la sortie de son livre Les lois naturelles de l’enfant 2, elle multiplie les interviews et conférences pour partager les résultats de son expérience, créant effectivement une révolution.

Elle sait cependant, et le souligne, que nombreux sont les enseignants qui ne l’ont pas attendue pour commencer à changer les choses, à leur échelle.

Et si nous allions aujourd’hui à la rencontre d’une de ces institutrices qui, effectivement, organise sa classe de manière atypique ?

J’ai eu la chance de m’entretenir avec Sophie Rémy, institutrice de CM2, qui déclare, elle, que “[son] but n’est pas de faire la révolution, mais de voir une évolution.”

— Note :  cet article a d’abord été publié dans Grandir Autrement, numéro 72 de sept-oct 2018 —

Comment Sophie a décidé de changer sa manière de faire

Sophie a été institutrice pendant des années, avant de devenir directrice. Elle était à ce moment-là dans une posture de management classique, c’est à dire qu’elle imposait ses décisions à son équipe. L’ambiance dans l’équipe étant tendue, elle décide de suivre une formation au management. Cette formation s’avère être une formation de communication non violente (CNV). C’est pour elle une véritable prise de conscience : le conflit est en moi, et le changement commence par soi.

Son intention devient alors autre, et Sophie s’aperçoit que sa vocation reste d’être auprès des enfants. Elle quitte donc son rôle de directrice, et décide de mettre en place une classe différente, à l’écoute de son bien-être et de celui des enfants, une classe dans laquelle l’empathie sera au coeur du processus.

Elle n’a rien dit à personne, sa priorité est de tenter l’expérience. Tant qu’elle répond aux attentes de la directrice et du programme, elle est libre des méthodes employées.

Le début de l’année avec les élèves

Ainsi, l’année commence sans annonce particulière. Pas même auprès des élèves, qui voient bien, pourtant, que leur classe est particulière. Au bout de deux semaines, avant la réunion de rentrée avec les parents, Sophie parle d’abord aux enfants. Ceux-ci font la liste de tout ce qu’ils trouvent différent de ce qu’ils connaissaient. Puis, une fois cette démarche faite, Sophie demande tout simplement aux enfants s’ils ont envie de continuer ainsi. Elle reçoit un grand oui. Certes, quelques élèves restent réticents. Ils ne sont pas rassurés par ce cadre atypique. Ils n’y retrouvent pas leurs marques. Sophie prendra le temps de s’asseoir avec chacun d’entre eux pour mieux comprendre leurs réticences. Il est important qu’ils soient écoutés.

Concrètement, quelles sont les choses atypiques dans la classe de Sophie ?

Le décor, déjà : la classe dispose d’un coin détente, avec des coussins, du sable, des objets pour se détendre. Pour que chacun, quand il le désire, puisse aller s’y ressourcer. Même au milieu d’un apprentissage. Selon Sophie, la priorité va à la gestion des émotions. Ce n’est pas la peine d’espérer d’un élève qu’il suive une séance de maths s’il n’est pas émotionnellement disponible pour cela ! explique-t-elle. Bien sûr, lorsqu’elle a conçu ce coin – qui me fait penser à celui du positive time out de Jane Nelsen3 -, elle s’est interrogée : vont-ils passer leur temps là-bas ? Mais non, ce n’est pas le cas. L’usage du coin respecte l’objectif initial.

Au niveau organisationnel, les enfants ont un temps collectif, qui permet de faire des jeux autour des émotions, de mener des réflexions, de débattre des problèmes qui se présentent. L’apprentissage se fait beaucoup par projets (Sophie est formée à la pédagogie Freinet). Et toutes les semaines, chacun conçoit un plan de travail individuel, qui lui permet d’avancer à son rythme. Il permet à l’élève de s’auto-évaluer, et à Sophie de suivre ainsi ses progrès, puisqu’il n’y a pas, dans cette classe, d’évaluation formelle.

Sophie a également réfléchi à son projet avec la psychologue scolaire et cette dernière intervient en proposant des ateliers visant a développer les compétences psychosociales.

Les peurs des parents

Lorsque Sophie a parlé de son approche aux parents, elle a eu des réactions variées. Certains ont été enthousiastes dès le départ, soit parce qu’ils étaient déjà en saturation de certaines méthodes observées dans l’éducation nationale, soit parce que cette approche leur semblait correspondre à leurs aspirations. D’autres, bien sûr, ont fait part de leur inquiétude. L’inconnu fait peur, c’est normal. D’autant que Sophie enseigne en CM2. Ses élèves seront-ils prêts pour la 6e ? Alors, Sophie a écouté les parents inquiets. Elle s’est rendue compte qu’il suffisait souvent de recevoir cette inquiétude pour qu’elle s’apaise.

En accord avec la psychologue scolaire, elle a également mis en place une “boite à devoirs”, dans laquelle les enfants qui pensaient en avoir besoin (que l’idée leur vienne d’eux ou de leurs parents) pouvaient puiser.

Au mois de janvier cependant, soit quelques mois seulement après le début de cette expérience, Sophie a reçu chaque parent (comme il n’y a pas d’évaluation, c’était bien le meilleur moyen de leur parler des progrès de leur enfant), et s’est rendue compte qu’elle avait alors 100% d’adhésion de leur part. Les inquiétudes ont disparu.

Source d’inspiration

Quand j’écoute Sophie me parler, j’ai tellement, tellement envie que ce qu’elle vit dans sa classe soit partagé, que son inspiration se propage à plus de gens, enseignants, parents, enfants… Je ne peux m’empêcher de lui demander si cela fait partie de ses projets.

C’est encore difficile à dire. Sophie a commencé de manière timide, et vit encore fortement chacune de ses avancées. On sent bien qu’elle savoure ce qu’elle vit. Qu’elle est dans l’instant, pas encore plus loin. Mais elle prend de l’assurance. Elle prend conscience peu à peu à quel point ce qu’elle vit peut en inspirer d’autres. Son partage a commencé timidement, par l’ouverture, sous un pseudo, de son blog : Marie écrit4, grâce auquel je l’ai connue, et avance doucement. Elle a récemment accepté de témoigner dans le cadre d’un stage de CNV, ce ne sera pas la dernière fois.

Cet échange que j’ai eu avec elle est aussi un pas en avant vers le partage. Je ne doute pas que d’autres occasions se présenteront à elle, et qu’elle saura les recevoir comme il le faut, à son rythme, à la manière qui lui ressemble : avec douceur.

Merci Sophie.

  1. Conférence à Autun, Juillet 2017
  2. Les lois naturelles de l’enfant, Les arènes, 2016
  3. Positive Time Out, and over 50 ways to avoir power struggles in the home and the classroom, Jane Nelsen, 1999
  4. https://marieecrit.com