Soyons clairs : dans nos sociétés, nos enfants passent le plus clair de leur temps à l’école. Leurs années d’enfance sont consacrées au fait d’apprendre. Sans se poser la question de savoir si on peut apprendre en s’amusant. Apprendre, avant de choisir ce qu’ils vont “faire de leur vie”.
En soi, ce n’est pas un problème. Apprendre des choses, c’est enrichissant ! Moi, j’adore apprendre, encore aujourd’hui. La question est plutôt de savoir si cela est un plaisir pour eux.
Et cette question est valable pour deux raisons : d’une part parce que tant qu’à faire quelque chose, autant y prendre plaisir ; d’autre part parce que, justement, on apprend mieux quand on s’amuse !
Et pourtant, c’est un aspect qui est souvent oublié…
J’aimerais en discuter un peu aujourd’hui, en participant à l’évènement inter-blogueurs lancé sur ce thème par Gwen, du blog tidudi.fr.
Est-il possible d’apprendre en s’amusant ?
Lorsque l’on pense aux différentes manières d’apprendre en s’amusant, nous avons surtout le jeu en tête. “Le jeu est le travail de l’enfant.”
Je vais y revenir un peu plus loin dans cet article.
Pour commencer, cependant, je voudrais démystifier un point auquel nous nous heurtons au quotidien, dans la démarche d’apprentissage scolaire de nos enfants.
Première question donc : est-il possible d’apprendre en s’amusant ?
Je crois que tout commence là. Parce qu’en tant que parents, nous sommes facilement inquiets pour nos enfants, soucieux de leur assurer le meilleur des avenirs.
La question est donc clef : peut-on les laisser s’amuser plutôt qu’apprendre ? Et si nous faisions les deux à la fois ?
Pour cela : changeons notre présentation.
L’importance de notre message
Je crois que nous avons étrangement appris à séparer deux choses qui sont en réalité tout à fait compatibles. A force de considérer qu’il y a les devoirs d’une part, et l’amusement ensuite, on présente souvent les choses de sorte à ce que l’enfant lui-même comprenne bien qu’apprendre, c’est une obligation, pas une joie.
Et pourtant… pourtant, il y a une telle joie présente dans l’apprentissage !
Et justement, si nous parvenons à entretenir cette joie, les résultats peuvent être miraculeux.
Il suffit de voir ceux obtenus par Celine Alvarez à Genevilliers pour se rendre compte que ces enfants se sont amusés, tout en apprenant énormément !
Voici donc le point de départ : ne distinguons pas tant l’amusement de l’apprentissage. Essayons plutôt de nous intéresser à ce qu’apprend notre enfant, à lui demander ce qui l’intéresse lui-même dans ce qu’il apprend, et brodons à partir de là !
L’interêt du travail formel dans l’apprentissage
Dans notre présentation, je crois qu’un autre point est important : celui que l’apprentissage ne se limite pas au fond.
Oui, lorsque mon enfant apprend sa leçon de géographie, il comprend de quoi est constitué un paysage. Mais il apprend également comment apprendre.
Je m’attache à passer du temps sur ce point.
Que l’enfant voie bien que le “devoir” est l’occasion pour lui de mieux se connaitre, de chercher quelle méthode lui correspond mieux, à lui.
Il n’est peut-être pas utile d’appliquer à la lettre le conseil de la maîtresse, qui dit qu’il faudrait relire la leçon trois fois chaque soir, mais il est utile de chercher ce à quoi il est lui-même sensible.
Vaut-il mieux qu’il lise, qu’il écrive, qu’il chante, qu’il dessine ?
Apprendre une leçon devient un travail de scientifique : je teste, j’essaye, je constate, j’essaye autre chose… Aujourd’hui, les cahiers de mon fils sont souvent agrémentés de dessins qui l’aident à retenir les points saillants !
S’éloigner parfois du formel
L’apprentissage ne se fait pas que de manière formelle. Les exemples d’unschooling sont clairs sur ce point. Oui, certains parents font le choix de sortir complètement leur enfant du système scolaire, et de ne pas suivre un programme.
Ils suivent les envies des enfants, et témoignent du fait que les enfants apprennent au passage !
Sans aller jusque là, j’ai eu la chance de faire pendant plusieurs mois l’expérience de l’école à la maison avec mon fils Léon, 7 ans à l’époque.
Tout ce qu’il a appris pendant cette période-là est assez incroyable. Mais pas seulement sur un plan académique. Il sait maintenant coudre et cuisiner, par exemple.
Quant à toutes les expressions sorties d’Astérix… je ne les compte plus !
Quelques conseils pour encourager l’apprentissage ludique
Certes, dans la vie quotidienne, il n’est pas suffisant de se contenter de cet apprentissage informel. Nous vivons dans une société qui est ce qu’elle est, dans laquelle on ne contrôle pas tout, et, à moins de faire des choix drastiques, il va bien falloir s’adapter.
Comment faire en sorte que cet apprentissage soit le plus amusant possible pour nos bambins ?
Profiter de l’enthousiasme du moment
D’après André Stern, l’enthousiasme est l’engrais du cerveau.
Donc, si l’on veut être sûr que notre enfant s’amuse, l’idée est de partir de ce vers quoi son enthousiasme le porte.
Alors, il sera investi, impliqué dans l’activité, et apprendra bien mieux !
Exemple vécu
Mon fils Léon a toujours bien aimé les drapeaux. Il nous était déjà arrivé d’en fabriquer certains, soit en collant des bandes de papier de couleur, soit en coloriant.
Lorsque j’ai eu plus de temps avec lui, j’ai commencé à lui parler de l’Europe.
Je ne l’ai pas fait en parlant d’accords commerciaux. J’ai commencé par piocher dans ce qui lui plaisait : les drapeaux !
Nous avons commencé à chercher et dessiner les différents drapeaux d’Europe.
Peu à peu, nous les avons placés les uns par rapport aux autres comme les pays qu’ils représentaient.
Ensuite, je me suis aidée d’un livre super : Les drapeaux du monde expliqués aux enfants pour apprendre avec lui d’où venaient les couleurs de ces drapeaux.
En tirant ainsi ces couleurs, on a pu basculer sur de la géographie (le bleu de la mer sur le drapeau estonien), l’économie (le jaune des blés sur le drapeau de l’ukraine), l’histoire (les couleurs du drapeau francais, l’outil de navigation du drapeau portugais..)
Et voici comment, en partant de l’enthousiasme de l’enfant, on se retrouve à apprendre encore et encore… Résultat : il a appris plus vite que moi !
Certes, quelques mois plus tard, je constate qu’il n’a pas tout retenu ; mais je sais que cela reviendra vite, car il en a eu une première approche intéressante pour lui !
Encourager encore et encore la manipulation
Pour un enfant, rien de mieux que de toucher et de manipuler pour apprendre.
Les écoles le comprennent de mieux en mieux et commencent à introduire du matériel physique dans les cours de maths, par exemple.
On est cependant encore bien loin de ce qu’il est possible de faire.
Maria Montessori l’avait pourtant constaté : la manipulation et la répétition sont déterminants dans l’apprentissage.
Cela rend les notions concrètes, et l’enfant est réellement impliqué, sollicitant des parties de son cerveau qui ancrent encore ce qu’il découvre.
Autre exemple vécu
Récemment, mon fils Anatole, en CP, s’est mis à me poser de plus en plus de questions de mathématiques, surtout autour des nombres et des additions.
J’ai donc décidé, pendant les vacances, de lui consacrer un peu de temps sur le sujet. (En plus, ça a été l’opportunité d’un moment particulier fort agréable !)
Ainsi, nous avons aligné des cailloux. Oui, des cailloux !
D’abord, en lignes de 10, une par une, et en comptant les cailloux un par un. On a pris le temps, caillou après caillou de dire :
“52, c’est 5 barres de 10, et 2 cailloux tout seuls, donc ça s’écrit 5-2”
jusqu’à arriver à 100.
Là, on a pu constater qu’on avait un carré. Un carré de 100.
Alors, quand on a continué, il a été beaucoup plus simple de comprendre qu’on ne passait pas de 199 à 1000, parce qu’en ajoutant un caillou à 199, on avait 2 carrés ! Il était donc beaucoup plus clair pour Anatole qu’on arrivait à 200 !
Je lui ai fait des petits tas ensuite, qui représentaient les autres carrés que nous pourrions construire (je n’ai pas eu le courage de tous les faire, caillou par caillou), et nous sommes allés jusqu’à 1000.
Maintenant, il sait que 1000, c’est 10 carrés !
Et ça lui a tellement plu que depuis, il continue à creuser la notion d’additions, à se poser des colles à lui-même, et à y prendre plaisir.
Broder…
En général, tous les parents sont contents de voir leur enfant s’enthousiasmer pour quelque chose, et seraient donc ravis d’encourager ainsi l’aspect ludique de l’apprentissage.
Seulement voilà, la crainte principale que nous avons en tant que parent à se limiter à ces approches, c’est celle de ne jamais voir surgir certains sujets qui nous semblent fondamentaux.
Que se passe-t-il par exemple si mon enfant ne pose jamais de question de grammaire ?
Bien sûr, c’est une possibilité.
Je dirais qu’on peut commencer par leur faire confiance. Les enfants traversent des périodes de motivation pour certains sujets, et il vaut mieux profiter de ces motivations pour ces sujets là que de vouloir coller à un rythme uniformisé pour tous.
Dans les écoles Montessori, c’est plus simple de suivre ce principe, car l’enseignement se mesure par cycle de 3 ans. L’enfant a donc plus de temps pour piocher dans les différents domaines, sans avoir besoin de terminer un programme imposé à l’année.
Pour s’adapter au système dans lequel notre enfant est instruit, il faudra peut-être faire preuve de plus de créativité pour l’encourager parfois à aller voir au delà de ses interêts premiers.
Cela peut se faire par petites touches.
Lui proposer des activités en lien avec les notions que l’on voudrait enseigner, et voir s’il accroche.
Essayer d’éveiller son interêt sous un aspect ludique, même si cela prend plus de temps, sera toujours plus efficace à long terme que vouloir lui imposer d’apprendre.
Car l’apprentissage au forceps non seulement fonctionne peu, mais enseigne surtout qu’apprendre n’est pas un plaisir ! C’est franchement dommage…
Avantage secondaire : en cherchant comment éveiller l’enthousiasme de votre enfant, vous développerez votre créativité !
Tout ce que le jeu leur apprend d’autre
Pour conclure cet article, j’aimerais recopier cet extrait de Tous les enfants sont doués, de Pr Gerald Hüther et Uli Hauser :
“[…] les facultés humaines complexes suivantes : contrôler ses impulsions, supporter la frustration, planifier une action, évaluer les conséquences de ses actes, se mettre à la place d’autrui, assumer des responsabilités et diriger son attention sur quelque chose de précis.
Ces facultés déterminantes, les enfants ne les acquièrent que par l’expérience personnelle, en résolvant des problèmes et en relevant des défis. […]
Elles n’apparaissent pas sur ordre, elles ne peuvent pas être enseignées. Les enfants ne peuvent acquérir ces compétences – déterminantes pour tout leur vie à venir – qu’en pensant et en agissant par eux-mêmes, en découvrant et en réalisant par eux-mêmes. Et c’est là où la plupart des adultes le soupçonnent le moins que cela se produit le plus : dans le jeu. C’est en abordant de façon ludique les problèmes que les adultes, volontairement ou non, leur posent, que les enfants se préparent à la vie. C’st en jouant qu’ils acquièrent de nouvelles facultés, font leurs expériences les plus importantes.”
Alors, êtes-vous inspiré ?