Pourquoi doit-on lutter pour quitter le parc, à l’heure de rentrer ?

Sortie d’école, passage au parc. Puis, 18h, c’est l’heure de rentrer. Mais les enfants ne l’entendent pas toujours de cette oreille… Il semble que partir du parc ne soit pas le moment le plus facile, ni pour les parents, ni pour les enfants. Doit-on vraiment lutter pour quitter le parc ?

La semaine dernière, le temps était beau, et j’ai décidé de faire un tour par le parc avant de rentrer chez moi. Là, je me suis posée dix minutes sur un banc. Mais cette heure de départ du parc a été difficile pour moi. Maintenant que j’ai avancé sur le chemin de la bienveillance, il devient de plus en plus dur d’assister à certaines scènes de luttes entre parents et enfants…

J’ai été ce jour-là témoin de deux épisodes, coup sur coup. Deux épisodes qui m’ont marquée. J’ai même pris des notes de ce que j’entendais. Laissez-moi vous raconter aujourd’hui le premier d’entre eux.

La scène elle-même

La maman est assise sur un banc, en train de remettre ses chaussures à sa petite, d’environ 4 ans. Pendant ce temps, sa fille ainée, 6 ou 7 ans, court sur l’herbe devant. Seulement, cela n’est pas au goût de la mère, qui voudrait que la grande reste assise.

« Graciela, viens ici !
Viens ici maintenant !
Viens ici ou je vais perdre confiance en toi…
Graciela !!! »
Tandis que la maman s’égosille, la fille court, sans répondre, et s’éloigne.

Jusqu’au moment où la mère, à bout, se lève, laisse la petite, et court attraper la grande, qu’elle attrape par le bras pour la ramener au banc.

Tout en revenant vers ledit banc, elle lui commente : « Graciela, je ne suis pas contente ! Regarde ta soeur, elle reste bien sur le banc, elle ! Combien de fois ai-je dit ton nom ?? Tu as perdu le privilège d’aller au parc demain… »

La fille s’assied donc sur le banc, mais ne cesse d’avoir un comportement « agaçant » : elle touche sa soeur, tire la plante à coté, se lève et se rassied, etc… Tandis que la mère la reprend de manière permanente : « Arrête Graciela. Fais-le doucement. Ton comportement ne me plait pas. Donne la main à ta soeur. »

Finalement, les chaussures sont mises, et les trois se lèvent, en se tenant la main, pour aller jusqu’à la voiture, garée à 20 m de là, juste au bord du parc.

Mes pensées pendant cette scène

Je m’interroge. Vraiment. J’ai l’impression que cette lutte-là n’a vraiment aucune raison d’être !! Qu’elle aurait pu être très simplement évitée. Parce qu’après tout, quelle nécessité d’avoir la grande assisse à côté de la petite pendant le temps des chaussures ?

J’aurais très bien vu la même scène avec la maman mettant les chaussures à la petite, et la grande courant juste devant (devant étant déjà hors des jeux, donc la grande savait qu’elles partaient), puis, au moment où les chaussures sont mises, un simple appel de la maman, du type « Graciela, ça y est, on y va ! », qui aurait indiqué à Graciela que la course pouvait finir devant la voiture. (Aucune rue à traverser, ni rien…).
Bon.

Et même si, pour une raison qui m’échappe, la mère ne voulait pas de ce scénario, on peut penser à des améliorations dans la communication.

Imaginons par exemple un « Graciela, tu peux venir avec nous s’il te plait, j’aimerais qu’on parte ensemble dès que j’ai terminé avec les chaussures ? ». Cela aurait sûrement plus encouragé Graciela que « Viens ici maintenant ! », non ?

Et si ce n’était toujours pas le cas… Cet épisode. Ces trente secondes pendant lesquelles Graciela fait passer le plaisir de courir devant l’injonction de sa mère signifient-elles vraiment que sa mère va « perdre confiance » en elle ? Ou est-ce que, comme souvent, la mère dit des choses qu’elle ne pense pas vraiment ?

Je continue…

La mère finit par aller chercher sa fille. Il y a encore une chance de se reconnecter, de choisir de ne pas s’entêter sur une voie dont on sent bien qu’elle va mal finir. Il est possible de rattraper la fille et de lui dire : « Ecoute, je vois que tu as très envie de courir. Seulement, ça me complique les choses. Ta soeur est sur le banc, et j’ai besoin que tu restes à côté, pour ne pas avoir à te chercher. Tu peux m’aider en faisant ça ? »

Mais non. Cette mère choisit de dire plutôt « Regarde ta soeur ». Ce qui, inévitablement, contribue à créer de la rivalité dans la fratrie. J’imagine très bien ce qu’il se passe à ce moment-là dans la tête de Graciela : « Ah ben oui, celle-là, évidemment, elle fait tout bien, et après, maman se fâche contre moi.. » Aucune complicité. La petite, d’ailleurs, peut penser qu’elle n’a rien à voir dans cette histoire, et préfèrerait qu’on ne parle pas d’elle. Ou bien, elle peut en déduire qu’elle est plus digne d’amour que sa soeur qui se fait passer un savon, et qu’elle vaut mieux qu’elle. Que d’ailleurs sa soeur l’énerve, parce qu’à cause d’elle, elle risque d’être également privée de parc le lendemain. Ce qui n’aidera pas non plus leurs relations.
Bon.

Je ne suis pas surprise, ensuite, que Graciela continue à « chercher les ennuis ». Maintenant que j’ai l’oeil exercé, je vois le besoin derrière le comportement. Elle n’a évidemment aucune envie de coopérer, mais plutôt de se venger. Elle ne se sent en aucun cas écoutée, mais plutôt rejetée… tout ça parce qu’elle courait dans l’herbe.

Et pourtant, ça aurait pu être si simple…

Aucun jugement

Voilà, les filles sont parties. Et je reste là, avec mes interrogations. Je ne juge pas cette maman. J’observe seulement. Je vois tout ce qui aurait pu être fait différemment. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Probablement parce qu’elle ne sait pas comment. Parce qu’elle n’a jamais eu l’occasion de tomber sur un écrit, ou quelqu’un, qui l’a encouragée à réfléchir autrement, à remettre en cause certaines de ses méthodes, de ses principes parentaux. Elle pense, comme beaucoup, que lorsqu’un parent dit à un enfant « Viens ici, maintenant ! », l’enfant doit obéir. Un point c’est tout.

Il est également possible que cette maman ait été fatiguée. Qu’elle n’avait pas l’énergie qu’il aurait fallu pour se reconnecter quand cela a commencé à dériver.
Dans ce cas, peut-être aurait-il mieux valu ne même pas passer par la case parc ?
Parce que finalement, le passage par le parc ne l’aura pas aidée à retrouver de l’énergie, à re-remplir un peu son réservoir d’amour, mais aura en fait eu l’effet inverse. Ce qui n’augure rien de bon pour la fin de la journée après le retour à la maison…

Il y a quelques années, j’aurais pu être cette maman. Je me félicite d’avoir pu avancer sur le chemin de la parentalité positive, et évoluer dans mes relations avec nos enfants.

Je me demande comment je pourrais approcher cette maman, dans ce parc, pour lui dire qu’il existe un autre chemin. Qu’il est possible de faire autrement. Cela me semble impossible, et pourtant, je sais que je suis capable de l’aider. C’est délicat. J’aurais aimé que quelqu’un m’aide lorsque je vivais ces scènes-là, je crois.

Elle est partie sans que je ne dise rien, et en me laissant avec cette interrogation… et celle de savoir si elle déciderait finalement de retourner au parc le lendemain !

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