« T’es pas gentille ! » – Pensons-nous ce que nous disons ?

“T’es pas gentille” dit ce papa à sa petite fille.

J’ai entendu ça il y peu, dans une librairie. La scène semble anodine, mais elle m’a marquée. Justement pour ce côté anodin.
Car j’étais là depuis un moment, et j’ai vu pourquoi, exactement, le papa faisait ce commentaire à sa fille.
Et j’accorde volontiers le bénéfice du doute à ce papa : si je lui demandais de juger honnêtement si le comportement de sa fille signifiait qu’elle n’était pas gentille, il changerait probablement de formulation. Mais même si je suis parfois tentée, ce n’est pas ma place, ce papa ne me demande rien et ne sera certainement pas réceptif à une quelconque intervention (même si parfois je me sens comme un devoir d’invervenir…).

Mais je m’interroge : comment en sommes-nous arrivés là ?
Je veux dire, depuis quand faisons-nous ainsi des commentaires sans vraiment y réfléchir, sans se demander ce que l’on est vraiment en train de dire ? Depuis toujours, ou est-ce notre société trop bousculée qui a fait ça ? Comment devenir conscient de la portée de nos mots ?

Enfin, je vous raconte.
La petite fille a environ 4 ans.
Elle est accompagnée de ses deux parents, qui choisissent un livre pour elle.
Ils sont donc dans un moment où ils ont du temps, et ont envie de faire plaisir à leur fille.

Je les croise tout d’abord au moment où le livre est choisi. C’est un livre qui devrait faire des sons, il n’en fait pas. La petite fille ne comprend pas.
“C’est parce que je ne l’ai pas encore acheté.” dit sa mère. Visiblement, cette explication n’est pas claire…
Même le père la regarde perplexe. A un adulte, la mère donne une vraie explication : “Tu sais, il faut retirer la languette qui empêche de fonctionner avant.” Ah oui.
Je pense : “Tiens, c’est dommage de ne pas avoir saisi l’occasion d’expliquer cela à sa fille, ça l’aurait surement intéressée !”, et je m’éloigne.

Nos chemins se croisent à nouveau au moment où nous quittons l’étage jeunesse en sous-sol pour remonter au rez de chaussée.
La petite fille observe un étalage. Les livres sont beaux, ils sont intéressants.
Bien sûr, en théorie, tous les parents aiment que leurs enfants s’intéressent aux livres, et ceux-là ne font certainement pas exception à la règle puisqu’ils sont venus là pour lui en acheter un !
J’imagine bien une scène où le papa s’agenouille à son côté, et qu’ils observent les livres ensemble, commentant ceux qui ont l’air chouettes, et pourquoi…
Mais ce n’est pas le moment.
Le papa appelle. Et répète : “tu viens ?”.
La petite fille ne réagit pas.
Il menace : “Je repose le livre ??”
La petite fille le regarde, je suppose qu’elle ne comprend pas bien le lien… et hésite.
Alors le papa commente : “T’es pas gentille !” avant de lui prendre le bras pour la tirer vers l’escalier.

Toujours ce temps, qui nous presse, et que nos enfants ne saisissent pas…

Dans Les lois naturelles de l’enfant, Céline Alvarez explique que le cerveau de l’enfant possède un million de milliers de connexions de neurones, soit trois fois plus que l’adulte ! Car il est prédisposé à apprendre. Toute expérience, toute observation, crée une connexion. Il crée en fait, accrochez-vous bien, 700 à 1000 connexions par seconde !! C’est plus tard que l’élagage a lieu pour ne garder que ce qui est utile, et cela explique pourquoi nous en avons moins que lui.

Si ce papa pouvait garder cela en tête, il pourrait observer les livres avec sa fille, laisser son cerveau faire ses connexions, avant de lui prendre doucement la main pour remonter. Il pourrait lui demander de lui dire quand elle sera prête à prendre l’escalier.

Seulement ce papa ne sait pas. Et ne se pose pas la question.

Je ne le blâme pas, il n’est pas différent de beaucoup d’autres, il a été élevé comme cela, et il n’en est pas conscient.

C’est justement pour lutter contre cela que j’écris ce blog ! Pour que nous soyons de plus en plus nombreux à devenir conscients, à nous interroger, à prendre du recul.

C’est une attitude au quotidien, et ce n’est pas facile !
Il y a à peine 3 jours, j’ai fait une réflexion désagréable à mon fils de 15 ans, pour me faire la remarque 5 minutes plus tard que je n’aurais probablement pas parlé de la même manière à, disons, mon frère ! Devenir conscient, c’est la clef ! Un peu plus chaque jour, pas à pas.

En attendant, ce papa dit à sa fille « T’es pas gentille ! », sans même y penser, et moi je reste là, en espérant qu’elle ne le croira pas…

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2 réponses
  1. Do
    Do dit :

    Oui je trouve ça tellement triste de se heurter à son enfant parce qu’on ne le comprend pas. Parfois ça m’arrive évidemment mais c’est ma préoccupation numéro un, le comprendre, c’est l’intérêt d’être parent pour moi, si je n’avais pas pensé qu’il y avait du chemin à faire dans ce sens je n’aurais même pas eu envie de devenir maman…

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    • Coralie
      Coralie dit :

      Oui, mais ce n’est pas toujours simple d’en avoir conscience. On reproduit tant d’attitudes qui se sont ancrées en nous sans même s’en rendre compte..
      Effectivement, essayer de comprendre l’autre est une vraie clef pour mieux communiquer. C’est être curieux de l’autre pour ne pas l’aborder avec nos seuls envies et besoins en tête, mais également les siens !

      Répondre

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