6 bonnes raisons de ne pas taper son enfant

L’éducation traditionnelle a encore du mal à s’éloigner des VEO (ou Violences Educatives Ordinaires) – taper les enfants, les humilier…
Le débat soulevé en France par la proposition de loi “anti-fessée” (qui recouvrait en fait bien plus que la question des fessées) montre bien l’intensité de la polémique sur le sujet.
Les parents voudraient pouvoir employer les méthodes qui leur conviennent avec leurs enfants ! Avec parfois cet argument phare : “J’ai pris des fessées quand j’étais petit, je n’en suis pas mort…”

Ok. Je vois l’idée… mais si on la poussait ?
Considérons un homme qui donne une claque à sa femme. Finalement, juste une claque… elle n’en sera pas morte !
Est-ce que du coup, c’est ok ? Est-ce qu’on rejette toute loi contre les violences en jetant les droits des femmes comme les droits des enfants à la poubelle ?

Je me perds, je m’enflamme, et vais donc de suite m’interrompre pour me recentrer sur l’objet de cet article !

Il est évident que ce « je n’en suis pas mort » ne veut pas vraiment dire ça.
Je sais que l »ambition des parents, même de ceux qui défendent certaines violences faites aux enfants, va au delà de leur survie, j’en suis convaincue.
Ce que je devine, c’est que cela signifie : “Je ne m’en porte pas plus mal.”
Or, je ne pense pas que l’on puisse affirmer cela.

Peut-on vraiment mesurer l’impact de ces punitions corporelles sur la confiance en soi, sur la faculté à prendre des risques, à essayer ?
Sur la manière de percevoir le rôle de l’autorité, de l’obéissance ?
D’ailleurs… le parent qui dit cela est devenu quelqu’un qui considère qu’il est normal de taper un enfant…

Aujourd’hui, sans me lancer dans la défense d’une éducation sans violence, je voudrais simplement vous présenter 6 bonnes raisons de ne pas taper son enfant.

 1. Taper son enfant lui fait mal

Rien que ceci devrait être une raison suffisante !
Il est rare qu’un parent ait vraiment envie de faire mal à son enfant.
Nous aurions même plutôt l’élan de nier leurs moments douloureux, d’où notre tendance à nier leurs sentiments difficiles.
(ce qui, de façon surprenante, est l’un des premiers points sur lesquels on évolue quand on s’intéresse à la parentalité positive)

Pour cette fois, écoutons-nous, et épargnons-leur une douleur venue directement du parent.

A cette idée, certains répondent au contraire que c’est le but : s’il a mal, il n’aura pas envie de recommencer ! C’est toute la « vertu éducative » du procédé…
Oui, mais cela crée une vraie détresse pour l’enfant. Sa famille est théoriquement l’endroit où il se sent en sécurité.
Il a une grande confiance en ses parents, en particulier pour ce qui est de le protéger.
Si ses parents le frappent (en précisant même parfois que c’est « pour son bien » – comme dans le cas d’autres maltraitances), comment l’enfant peut-il vraiment ressentir de la sécurité, fondamentale pourtant pour qu’il donne le meilleur de lui-même ?

C’est tout le principe du développement d’un attachement sécure.
Malheureusement, même des parents aimants utilisent ces moyens ordinaires pour faire en sorte que leur enfant leur obéisse.
C’est peut-être votre cas, et si vous êtes là, c’est déjà un sacré pas !

 2. Cela lui montre que frapper est un acte autorisé

L’éducation passe majoritairement par l’exemple. Nos enfants reçoivent bien moins ce que nous leur disons que ce que nous faisons.

Ainsi, taper sur la main d’un bébé est malheureusement la meilleure manière de lui enseigner que taper fait partie des options possibles…

Si nous frappons l’enfant qui se comporte “mal”, il n’y a pas lieu d’être surpris du fait qu’il se mette lui-même à frapper son camarade qui ne se comporte pas comme il le voudrait. C’est ce que nous lui avons enseigné.

Note : il existe des alternatives dans nos réactions face à l’enfant qui tape.

Le terme « frapper » peut vous toucher, et que votre réaction interne soit de l’ordre de « il y a quand même une différence entre frapper un enfant et lui mettre une petite fessée… »
Et je peux comprendre votre approcher. Donner des fessées est tellement une violence ordinaire qu’il est difficile de le percevoir autrement. Et oui, il y a différents degrés dans la violence, je l’admets.
(c’est tout le principe de cette violence dite ordinaire)
Pour autant, cela reste une violence physique.
– Je vous conseille à ce sujet la lecture de « La fessée », d’Olivier Maurel, dont j’aimerais vous faire un jour un résumé… –
Si on s’ouvre à une petite fessée, pourquoi ne pas s’ouvrir à une « petite claque » ?
Ou en tout cas, il faudra bien comprendre que notre enfant ne fasse pas forcément la différence quand, à son tour, il utilisera la violence face à ceux qui n’auront pas le comportement adéquat…

Je préfère donc avoir un message clair, et pour lui et pour moi : toute forme de violence est à éviter ; on ne doit jamais taper. Point.

 3. Taper un enfant rompt notre relation avec lui

Lorsque nous tapons l’enfant, nous rompons le lien affectif. Il se met automatiquement en position de repli, de rancoeur, de colère.
Il aura évidemment encore moins envie de coopérer.

Alors bien sûr, l’idée, c’est de démontrer une forme d’autorité parentale.
Heureusement, il y a d’autre méthodes pour cela.

A une époque, dans les salles de classe, les enfants désobéissants prenaient des coups de baguette sur les doigts.
Les châtiments corporels envers les enfants étaient monnaie courante.
Depuis que le respect des droits de l’enfant ont fait en sorte d’interdire explicitement ces sévices, les enseignants trouvent d’autres manières de fonctionner.

Je sais… certains croient encore que c’est pour cela qu’il y a tant de violence à l’école !
Les études montrent bien pourtant que la violence appelle la violence.
Allez voir les salles de classe dans lesquelles les enseignants s’attachent à créer une connexion avec les enfants (ceux qui suivent les principes de la Discipline Positive par exemple), et vous verrez que ce n’est pas là que vous trouverez le manque de respect si souvent regretté. Est-ce que c’était vraiment du respect, en fait ?

Revenons à la famille. Un des grands principes de l’éducation bienveillante (et dont j’ai bien constaté les effets autant chez moi que dans les familles que j’accompagne…), c’est de se connecter avant de corriger.

Si nous ne cultivons pas le lien avec notre enfant, on voit les chances de coopération s’amenuiser fortement…
Et clairement, la violence quotidienne ne va pas dans le sens du lien !
(Remarque : c’est également vrai pour le fait de crier… et si c’est encore trop dur pour vous, comme ça l’était pour moi il y a quelques années, procurez-vous mes clés pour arrêter de crier)

4. Cela ne lui enseigne rien

Taper l’enfant pour corriger un comportement, c’est axer l’enseignement sur un réflexe pavlovien : “quand je fais ça, ça me fait mal, donc je ne vais plus le faire.”
Ça marche peut-être sur les chiens (encore que, d’après ce que j’ai entendu dire, cette méthode de dressage de animaux soit également en train d’évoluer…), mais dans la démarche, notre enfant ne comprend pas pourquoi le comportement en question est inapproprié.
Il pourra d’autant moins le comprendre que nous éliminons par nos gestes toute possibilité d’y réfléchir : notre tape lui aura donné une distraction mentale. Il ne pensera plus qu’à cela.

(Cette idée de distraction apparait également dans les critiques de la punition par Haïm Ginott, vous vous en souvenez ?
Et on voit le lien avec le titre de cette partie : plus globabement, punir n’enseigne rien, puisque c’est une méthode éducative qui ne s’intéresse pas aux causes derrière le comportement… et il y a en particulier peu de chances que ça calme les choses)

J’en veux pour preuve cet épisode qui nous a permis de constater à quel point une “simple” tape sur la main de son grand-père est encore présente, même émotionnellement, dans l’esprit de notre fils de 3 ans, un an après les faits…
C’est toujours un peu un traumatisme, en fait… en tout cas, c’est resté dans sa mémoire traumatique, alors que la raison de la tape a, elle, disparu !

Pour moi, éduquer son enfant, c’est l’aider à grandir, ce qui inclut une bonne partie d’apprentissage.
Quand il ne se comporte pas de manière adéquate, c’est qu’il ne sait sûrement pas encore comment faire mieux.
Le taper ne l’aidera pas à développer d’autres compétences !

 5. Taper encourage au mensonge

Si l’enfant n’a pas compris pourquoi son comportement nécessitait correction (!), il comprend au moins que ce n’est pas à notre goût.
Donc, s’il n’est pas prêt à y renoncer, il s’attachera en revanche à faire en sorte que nous ne soyons pas au courant, afin d’éviter nos gestes brutaux.

Le même principe est valable d’ailleurs pour toute forme de punition. Infliger des punitions à l’enfant, c’est l’encourager indirectement à cacher ce qui pourrait nous déplaire…

C’est alors un vrai choix : faire passer l’aspect « éducatif » d’abord, ou la confiance entre l’adulte et l’enfant.

 6. Cela peut détruire son estime de lui-même

Comme nous le soulignions au point 1, un jeune enfant a une grande confiance en ses parents. Il cherchera souvent à justifier leur comportement.
(C’est d’ailleurs aussi l’une des raisons pour lesquelles certains parents se refusent à changer de méthodes éducatives : ils ne veulent en fait pas remettre en cause ce qu’ont fait leurs parents !)

Donc, une partie de lui-même est en colère, plein de ressentiment, et, en même temps, une autre internalise que si le parent frappe, c’est qu’il le méritait.
Il a donc vraiment mal agi, il est mauvais…

Et c’est alors l’image qu’il aura de lui-même… à long terme !

Remarque : il en va bien sûr de même pour toutes les violences verbales et humiliations.
On comprend mieux pourquoi les approches qui s’intéressent de près au développement de l’enfant veulent interdire ces pratiques, qui ont toujours également des effets psychologiques…
Parents et éducateurs ont en fait une vraie responsabilité !
Et en même temps… nous ne sommes pas des super-héros

Anecdote personnelle :
Mon frère faisait partie du groupe “J’ai pris des fessées, je n’en suis pas mort !”.
En prenant le temps d’y réfléchir ainsi, il ne lui a pas fallu plus d’un quart d’heure pour changer d’avis.
Pour moi, c’est la magie qui nait du fait de mettre de la conscience dans nos pratiques.

Et vous ? Cela vous parle-t-il ?

Note : Pour télécharger une fiche résumé de cet article, il vous suffit de cliquer ici.

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11 réponses
  1. vivreemotions
    vivreemotions dit :

    Bonjour,

    si tous les parents pouvaient t’écouter et comprendre.

    Le fameux « J’ai pris des fessées quand j’étais petit, je n’en suis pas mort » montre que la réflexion est pauvre. Dès qu’on réfléchit, on se rend compte que c’est absurde (cf ce qu’en a pensé ton frère).

    De plus en plus de parents s’intéressent à l’éducation positive et bienveillante, mais il y a un gros problème de prise de conscience au sujet de l’éducation je trouve.

    Je t’encourage à continuer de porter le message en tout cas !

    Merci pour ton article.

    Répondre
    • Coralie
      Coralie dit :

      Merci de ton commentaire ! Je crois que la prise de conscience est forcément un peu lente, et c’est pourquoi je cherche à y contribuer ! J’ai confiance… peu à peu, ça changera !

      Répondre
    • Coralie
      Coralie dit :

      Merci Emma. J’ai déjà vu plusieurs vidéos de Catherine Gueguen. Il est effectivement intéressant de voir que les neurosciences soutiennent ce côté nocif des violences éducatives.

      Répondre
  2. Cathy
    Cathy dit :

    Bonjour et merci pour votre article très intéressant !
    J’aimerais juste vous signifier que votre phrase de comparaison avec l’éducation des chiens est malvenue… parce que justement, comme pour les enfants, on n’éduque passe un chien en le frappant ! Il ne comprend pas non plus ! Ca ne fonctionne pas non plus ! Comme pour l’enfant, le chien a besoin d’amour et de « positive attitude », il ne suffit pas de taper pour que cela rentre 😉
    Mais je sais que vous ne sous-entendiez pas cela et que cela n’était qu’une comparaison de « passage ».
    Bien cordialement.

    Répondre
    • Coralie
      Coralie dit :

      Merci Cathy de ce commentaire ! Je dois dire que je ne connais absolument rien à l’éducation des chiens, et, c’est marrant, j’ai justement eu une conversation il y a 2 semaines avec quelqu’un qui me disait que sur ce plan aussi, les choses évoluaient beaucoup !
      Je vais modifier mon article pour en tenir compte.

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  3. momeverywhere
    momeverywhere dit :

    Une fois, et une seule, j’ai mis une tape sur les fesses de ma fille.
    Elle avait 2 ans. C’est tombé sur sa couche (j’espère que ça a amorti un peu …). J’ai ensuite passé la nuit à côté de son lit, en larmes d’avoir fait une chose pareille.
    J’ai ensuite réaligné drastiquement, en adaptant pour une seule raison, finalement: j’ai mis au monde un être cérébré. Doué de capacités de compréhension.
    J’ai opté pour le discours, parfois ferme (« ça, c’est NON ») dans ses toutes jeunes années, aux conversations élaborées (elle a maintenant 12 ans), afin d’aller chercher les raisons de ses comportements quand c’est nécessaire.
    Résultat ?
    Nous avons une relation qui permet toutes les conversations. Elle sait qu’elle peut tout me dire, dans la limite du respect d’autrui – c’est donc une question de forme et non de fond.
    Je suis particulièrement heureuse de la voir dans ses relations, l’équilibre et le respect qu’elle y met.
    Je me sens parfois un peu seule avec ce principe … mais peu importe. Je tiens la barre.

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  4. Ludivine
    Ludivine dit :

    Merci Coralie pour cet article qui va droit au but et nous donne effectivement de bonnes raisons de ne pas avoir recours à la fessée. Super que ton frère ait été convaincu 🙂 Comme quoi, un peu d’information suffit parfois à changer de regarder sur quelque chose que l’on pratique sans même se remettre en question. J’ai récemment écrit un article « Il n’y a pas de bonne fessée » car je partage aussi ta vision des choses et je souhaite, à mon niveau, faire évoluer les consciences. Dans cet article, je donne des informations quant aux méfaits de la fessée sur le plan cérébral et je propose des pistes concrètes pour élever son enfant sans violence. Voici le lien, pour ceux qui voudraient le lire : https://graines-de-bienveillance.com/il-ny-a-pas-de-bonne-fessee/
    Ludivine, Graines de bienveillance

    Répondre

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