Pourquoi nions-nous les sentiments des enfants ?
Un des premiers pas à faire sur le chemin de la parentalité positive, c’est celui de la découverte des émotions et des sentiments.
Comprendre ce qu’est une émotion, oui, mais surtout, se rendre compte de la tendance que nous avons à les nier. Pas seulement ceux des enfants, ceux de tous. Ou du moins, de nier les sentiments négatifs. (J’utiliserai ici, à tort, les termes sentiments et émotions de manière interchangeable)
Nous n’arrivons simplement pas à les recevoir.
Ainsi, quand quelqu’un nous partage ses craintes, nous lui répondons : « Ne t’inquiète pas, ça va bien se passer ! ». Si notre ami nous partage sa déception, nous lui redonnons espoir : « C’est normal de ne pas réussir tout de suite, ça viendra ! ». Lorsque notre conjoint(e) nous parle de son agacement contre son chef qui a coupé le projet, nous justifions : « Il a sûrement de bonnes raisons pour ça, même si tu ne le sais pas. »
Oui, c’est quotidien… « Ca ne vaut par le coup de te fâcher pour ça ! », « Ne l’écoute pas, il n’y connait rien. », « Il n’y aucune raison d’avoir peur ! »
Seulement voilà, réfléchissons-y : la personne en face se sent-elle réellement mieux quand nous lui suggérons de « ne pas s’inquiéter », ou pense-t-elle plutôt que nous ne la comprenons pas ?
J’en avais déjà été témoin : parfois, on voudrait juste pouvoir s’exprimer et être écouté…
Alors, d’où nous vient cette tendance ?
Pourquoi nions-nous les sentiments de l’autre ?
Parce que nous ne voulons pas qu’il se sente mal, tout simplement.
Il y a quelques semaines, j’ai croisé dans la rue un papa portant sa petite fille de 18 mois, en pleurs. Il lui disait : « non, non, arrête de pleurer, tout va bien. Ce n’est pas grave, ça n’a pas d’importance… ». Pourtant… si elle pleurait, c’est bien que pour elle, ça avait de l’importance, n’est-ce pas ?
Que veut en fait dire ce papa ? Je crois qu’il veut surtout dire « Je n’aime pas te voir mal ma petite fille, j’aimerais pouvoir faire en sorte que tu te sentes bien, tout de suite ! »
Oui, on veut résoudre le problème.
Pourtant, et je crois très important de s’arrêter sur ce point, les sentiments négatifs font également partie de la vie.
Il est illusoire de penser qu’il est possible de ne pas les ressentir.
Si on accepte cette idée, la question est :
Que pouvons-nous faire pour aider nos enfants à les traverser ?
Les nier ? Ou les reconnaître, les laisser en vivre l’expérience, et s’apercevoir d’eux-mêmes qu’ils ne durent qu’un temps ?
Lorsqu’on nie le sentiment de notre enfant, lorsqu’on lui dit qu’il n’y a pas de raison d’avoir peur, ou qu’on lui affirme que ce qui le rend triste n’est « pas grave », on lui enseigne indirectement à ne pas avoir confiance en ce qu’il ressent. On lui enseigne qu’il a tort dans ses sentiments même.
Est-ce possible d’avoir tort dans ses sentiments ?? Non, bien sûr que non ! Nous pouvons nous interroger sur les raisons qui font que nous ressentions les choses plus ou moins fortement, d’où cela nous vient, mais nous n’avons jamais tort de le ressentir ! Le simple fait que le sentiment soit présent est une raison en soi.
En accueillant plutôt l’émotion de l’enfant, on l’aide à l’identifier, on l’aide à se comprendre, à se connaître, à se faire confiance, on l’aide à savoir qu’il sait traverser cette émotion, on l’aide à grandir.
J’aurais aimé apprendre à accueillir mes émotions, moi… Ce serait probablement plus facile aujourd’hui pour identifier mes moments de tristesse, ceux où l’agacement arrive, avant que la colère ne monte…
Et si nous offrions cette capacité à nos enfants ? Celle de vivre leurs émotions en les reconnaissant. Ce qui veut dire que nous n’éviterons pas toujours la difficulté, que nous ne la nierons pas, que nous le laisserons s’exprimer. (et parfois, oui, on en a parlé, ça voudra dire le laisser pleurer…)
Attention, c’est difficile, ce n’est pas le modèle que nous avons reçu…
Y sommes-nous prêts ?
POUR ALLER PLUS LOIN
Si ce sujet vous intéresse, allez donc voir la solution très simple que je vous propose pour apprendre à accompagner les émotions de vos enfants.
Merci ! Quand on s’intéresse à cette parentalité, on le sait tout ça… ou on l’a lu dans des livres très théoriques. … mais ton article résonne vraiment, pour ma part! Alors, juste merci!
Merci de ce commentaire !!
Oui, je comprends très bien ce que tu veux dire : on a déjà lu ça, on l’a compris et on l’applique.
Mais on n’a pas toujours bien pris le recul pour se poser la question du mécanisme contre lequel on lutte, et c’est pourtant probablement ce qui nous aidera le mieux à appliquer ces conseils : les comprendre dans leur fondement !
Et puis, chaque fois qu’on voit à travers un nouveau regard, ça apporte une nouvelle lumière, pas vrai ?
Ravie de résonner chez toi…
Bonsoir Coralie
Merci pour cet article et ton blog de qualité. Je suis jeune papa d’une fille de 1 an. J’ai découvert cette parentalité positive lorsque j’ai réellement commencé à me connaître moi même et a m’ecouter emotionnelement. Je suis si heureux d’avoir ouvert se champ de connaissance. Et je trouve surtout tellement de réponses à mes maux et aux vilolences de tous les jours que nous sommes les 1ers à faire contre nous même et les autres.
A la fin de ce post, tu parles de choses “non reçue” et dans ta réponse de “mécanisme” contre lequel tu dois luter. Peux tu partager plus ta pensée?
Bonsoir Alex.
Merci de ton commentaire.
Bien sur, je peux partager un peu plus. En fait, ma pensée, c’est que cet accueil des émotions ne correspond absolument pas à ce que nous avons appris. Tu parles d’ailleurs du moment ou tu as commencé à « te connaitre toi-même et et à t’écouter émotionnellement ». Eh bien, c’est exactement ça. C’est en s’écoutant emotionnellement qu’on apprend à se connaitre. Et c’est pourquoi il serait fondamental d’accompagner nos enfants vers l’écoute émotionnelle. Sauf que ce n’est pas le modele qu’on a reçu, ce n’est pas ce qu’on nous a enseigné. Or, il est difficile d’enseigner ce que nous ne connaissons pas.
Nous avons appris une autre réponse, et c’est souvent celle-là qui nous vient, automatiquement. Celle de la négation du sentiment. Et c’est un vrai travail de le désapprendre pour faire autrement. Heureusement, le cerveau est plastique, et nous pouvons apprendre à faire autrement. C’est ce que j’ai fait sur ce point. Mais j’ai encore du boulot sur d’autres.. C’est pourquoi je chemine encore, au quotidien !
Je partage tout à fait ce que tu dis. Cette plastique du cerveau est vraiment incroyable. Je l’ai pas mal testé en méditation.
Je peux te demander simple curiosité comment es tu arrivé à ce cheminement?
Les questions d’éducation, et d’accompagnement de l’enfant m’ont toujours intéressée. Ce sont surtout mes lectures qui m’ont marquées. J’ai réalisé en lisant Faber et Mazlish qu’on pouvait faire autrement, et puis j’ai lu encore, elles, et d’autres… Plus j’ai appliqué dans ma famille, plus j’en voyais le bénéfice. Je pioche aujourd’hui encore tout ce que je trouve, j’ai toujours plein de livres et de formations en cours, d’autres en attente, et je crois qu’il n’y a pas de fin à cela. On peut toujours continuer à s’approcher de l’horizon auquel on aspire… Et toi ?
Bonjour Alex,
Bien sûr ! Je suis arrivée là un pas après l’autre… Parce que j’avais envie de changer les choses dans ma famille, d’impulser une meilleure ambiance.
Je l’explique un peu dans cet article :
https://les6doigtsdelamain.com/mais-pourquoi-ce-titre/
Les émotions me sont venues par Faber et Mazlish, et puis, une lecture après l’autre, j’ai appris de plus en plus de choses… (sur le cerveau, Daniel Siegel est une bonne piste !)
Et toi ?
Bonjour Coralie Daniel Siegel exactement! J’ai lu Mindsight qui est absolument extraordinaire sur le fonctionnement de notre cerveau et nos émotions que tu appelles irrationnelles. J’e ai beaucoup souffert, de phobie et de peur panique. Moi c’etait notamment l’avion alors que je me déplace 3 à 4 fois par an en Asie! 13h enfermé et la assise à côté de moi ma peure…cette amie! C’est ce qu’elle devenue au fil du temps. Une émotion un peu plus forte que les autres mais qui reste tout de même une émotion comme une autre. Simplement il m’a fallut du temps pour la reconnaître et l’accepter physiquement. On pourrait aider tellement de gens qui sont enfermés dans cette logique d’évitement (a ne plus sortir de chez eux!). Je me suis sauvé moi même en acceptant mon problème de phobie et en refusant de me laisser guider par elle. J’ai cherché pas mal de temps, on m’a donné des anti dépresseur, anxiolytiques bref du classique pour des cas comme ça mais ça n’aide absolument en rien. J’ai ravalé ma fierté et j’ai vu une psy dans un centre gratuit qui m’a dit ceci: « Tu vas très bien dans ta tête. Et je n’ai pas de solution toute faite à ton problème. C’est à toi de retrouver ton enfant intérieur ». Quand je suis sorti j’étais abattu car je pensais effectivement avoir de ce psy une solution miracle pour retrouver une vie « normal ». J’étais désespéré. Sans conviction, j’ai donc ouvert Google et taper enfant intérieur…et après quelque recherche je suis tombé sur des vidéos de Marshal Rosenberg. Et ce fut une révélation et le début d’une révolution intérieur, de l’ouverture sur un monde (mon monde en fait!) que j’avais complément mis de côté, coupé de mon esprit. Déconnecté complètement. Je me suis donc mis à la méditation, j’ai réécouter mon corps, mes pensées, mes émotions on s’est parlé et écouter, on s’est pris dans les bras en se promettant de faire attention à ne plus se perdre.
Un sacré témoignage.. Merci Alex !
Pour rattacher ce que je dis plus haut à ton article en fait. Si j’en étais arrivé à me déconnecter si loin de moi c’est parce que dans ma famille les émotions on en parle pas parce qu on ne sait pas ce que c’est tout simplement. Les parents de mes parents étaient pareil. Inculte de l’emotion. Je pense au fond que c’est générationnel. Les enfants n’avaient pas le droit d’exprimer leurs différences et individualité. Plus on remonte dans le temps moins il y a la place aux émotions. Plus le monde était violent aussi. Plus la force prédominait. CQFD!
Il est grand temps que le
Masculin laisse la place au féminin, que les émotions s’expriment, que les gens se pardonnent, s’aiment à vivre ensemble. Il est grand temps…
Je suis bien d’accord ! Et je crois que ces émotions sont vraiment à la base de la connexion aux autres également.
Tu as peut-etre vu d’ailleurs que j’ai créé une mini-formation de 15 jours, uniquement sur ce thème ?
Bonjour,
Merci pour ce très beau texte sur les sentiments des enfants. Très inspirant pour mon activité.
Je développe le fil d’Ariane (www.lefildariane.co), l’expérience digitale pour les petits-enfants qui leur fait découvrir les souvenirs de leurs grands-parents. L’occasion de se rendre compte de ce qu’ils ont en commun.
Je serais très intéressé d’avoir votre ressenti sur le sujet !
À bientôt
Stanislas
Coralie,
c’est une des compétences que j’ai développé le plus depuis que je suis maman (5ans) : accueillir les émotions de mon enfant et aussi…les miennes ! Quand je le fais sur moi, j’ai l’impression de me regarder de l’extérieur, comme un zoom arrière dans un film, et quel bien être on ressent !
Bonjour,
Le contenu de cet article touche un point très important. Avec de l’entrainement on arrive à se rendre compte quand on réagit de cette manière là, inappropriée, par automatisme. Et à force de s’en rendre compte (au début c’est difficile, mais après quelques prises de conscience, ça devient plus facile!), l’automatisme finit par disparaître.
Je voulais réagir Coralie sur un point qui me semble très important, car les mots conforment la pensée: je n’utilise plus jamais pour ma part des qualificatifs positifs et négatifs pour parler des émotions et sentiments. J’utilise les qualificatifs agréable et désagréable. Car toutes les émotions et sentiments sont positifs, par définition, ils sont naturels, et ont tous une raison d’être, une fonction !! Et c’est quand on les accepte, quand on les traverse c’est-à-dire qu’on les vit pleinement sans les freiner, et même si sur le moment c’est désagréable (voire pire), alors on rétablit l’homéostasie.
Idem pour les pensées: elles ne sont ni positives ni négatives, elles sont.
Une douleur est une sensation physique désagréable, mais elle n’est pas « négative », puisque que cette sensation désagréable a une fonction (retirer sa main du feu par exemple). Et bien je crois que pour les émotions, les sentiments et les pensées, on doit envisager les choses de la même manière.
Merci pour tout le travail réalisé et visible sur ce blog, le partage d’expérience et de connaissances est un bien commun très précieux.