Faut-il “forcer” les enfants à participer aux tâches de la maison ?
Je ne vous apprends rien : dans une maison, les tâches sont nombreuses. On aimerait que nos enfants y participent, mais en même temps, on voudrait ne pas les “forcer”. On se sent tiraillé… en fait, il faudrait qu’ils aident spontanément, ce serait l’idéal !
Oui, mais arrêtons de fantasmer… Qu’ils participent spontanément ne se fera pas !
En revanche, on peut probablement les y amener, peu à peu.
Pour moi, il y a ici plusieurs questions dans cette question :
1- Est-il important qu’ils participent ?
Ce n’est pas important, c’est fondamental ! Eh oui, on touche ici aux besoins fondamentaux de l’être humain (du moins selon Adler, et franchement, plus j’apprends, et plus je suis en ligne) : Appartenir et Avoir de l’importance.
Avoir de l’importance, c’est, entre autres, se sentir capable et utile. On a tous besoin de ça ! Quand quelqu’un fait quelque chose pour moi, je suis sensible à l’attention, mais s’il ne me laisse rien faire, je reçois le message qu’il pense que je ne suis pas capable ! Alors, comme je ne supporte pas cette idée, je vais interpréter autrement le comportement des autres, je vais progressivement intégrer l’idée que je n’ai de l’importance que lorsqu’on s’occupe de moi, et je vais de moins en moins en faire…
Si, au contraire, on me laisse en charge de certaines tâches de la maison, c’est qu’on me fait confiance, c’est qu’on sait que j’en suis capable. J’ai une responsabilité et je m’en acquitte. Au début, peut-être pas avec succès, mais chaque erreur est une opportunité d’apprentissage… Peu à peu, nourri par un environnement bienveillant, je vais m’améliorer, je vais mettre en place une routine, je vais montrer à mon entourage qu’on peut compter sur moi ! Et ça, ça me rend plus fort !
D’ailleurs, en laissant l’enfant contribuer, on fait d’une pierre deux coups, parce que ça répond aussi en partie à son besoin d’appartenance : il trouve ainsi aussi sa place dans la famille. Celle-ci fonctionne, entre autres, grâce à lui !
Premières étapes à franchir donc : premièrement, être convaincu qu’il est bon pour eux de participer ; deuxièmement, changer son vocabulaire pour transmettre cette nouvelle conviction : ils ne participent pas aux tâches de la maison, ils contribuent au fonctionnement de la famille !
2- Quel modèle leur donne-t-on en faisant pour eux ?
Quand on fait pour les enfants, on peut ressentir plusieurs choses.
Le plaisir de donner de notre temps, oui, mais aussi du ressentiment pour ce qu’ils nous “obligent” à faire, et puis de la frustration de ne pas être considéré(e) (notre temps n’est visiblement pas valorisé…). Ainsi, je vois beaucoup de mamans qui ne se sentent pas bien dans le rôle de celle qui fait tout, qui aimeraient bien que les enfants les aident, et qui accumulent du ressentiment pour tout ce que ces derniers ne font pas… Mais l’ont-elles vraiment communiqué avant ?
En fait, ces mamans n’ont pas vraiment su poser leurs limites. Ont-elles seulement compris qu’elles ne respectaient pas leurs limites d’ailleurs ? On l’a déjà vu : on n’a pas appris à écouter nos sentiments, à identifier nos besoins… Comment pourrait-on les communiquer si on n’en a même pas conscience ?
Seulement voilà : en donnant ce modèle-là à nos enfants, on ne leur enseigne pas non plus à poser leurs propres limites !
Parce que les enfants copient ce qu’ils voient, évidemment. Alors, si on leur montre qu’on trouve normal de se laisser dévorer par leurs besoins, au détriment des nôtres, ils recevront qu’il est normal de se laisser dévorer, et risquent fort de reproduire le modèle. Il leur sera probablement plus difficile de faire face à un ami envahissant, de faire respecter leur espace ; en un mot, ils ne sauront pas non plus faire respecter leurs limites.
A l’inverse, si nous leur donnons l’occasion de prendre en compte nos limites pour adapter leur propre comportement, nous leur enseignons le respect de l’autre (en l’occurence, de nous !) et ça aussi, c’est fondamental !
D’ailleurs, si les enfants se mettent à contribuer, notre reconnaissance nous encouragera à les respecter plus à notre tour, et nous entrerons dans un cercle vertueux, où le respect de l’autre pourra enfin remplacer le ressentiment ; avec les conséquences que l’on peut imaginer sur l’ambiance à la maison !
3- Comment faire pour les y inciter ?
Les deux premières questions traitaient des raisons que nous pouvons avoir d’encourager nos enfants à contribuer.
“J’ai deux raisons, dont chaque est suffisante seule.” aurions-nous pu dire, à la manière de Cyrano de Bergerac…
Maintenant, comment ??
Je crois qu’arrivé à ce stade, parfois, sans même qu’on s’en rende compte, la moitié du chemin est faite. Pourquoi ? Parce que si nos enfants participent peu, c’est probablement parce qu’on leur a demandé sans y mettre le coeur, justement parce qu’on ne voulait pas les “forcer”. Maintenant qu’on est convaincu du bien-fondé de la démarche, nos demandes vont avoir plus de poids, ne serait-ce que par leur sincérité.
Je vois 2 manières de commencer réellement :
Celle qui est la plus coopérative, qui cherche à les inclure et à leur donner l’opportunité de constater nos besoins pour leur donner l’envie de contribuer sans qu’on ait à les forcer du tout, c’est la réunion de travail. (suivre le lien pour savoir comment la mettre en place). C’est vraiment la solution à privilégier !
Une réunion familiale au cours de laquelle on leur présente la liste des choses qui doivent être faite dans la maison, et on leur demande en quoi ils veulent contribuer.
Quand chacun choisit, c’est souvent très efficace ! Ca a très bien marché chez nous.
Il y a cependant des familles dans lesquelles les enfants ont tellement l’habitude qu’on ne leur demande pas de participer qu’ils ont du mal à voir le besoin de l’autre. Ils ne reçoivent pas la pose de la limite, parce qu’ils ne savent pas ce que c’est ; et ils sont peut-être déjà dans le cas où ils croient qu’il faut qu’on s’occupe d’eux pour qu’ils aient de l’importance.
Avec ces enfants-là, il faudra y aller peu à peu, et effectivement les « forcer » au début, pour pouvoir rétablir la trajectoire, et le message !
Pour cela, on peut commencer par les tâches qui « leur appartiennent ». Ce que je veux dire par là, c’est : si cette tâche n’était pas faite, à qui cela poserait-il problème ?
Si le problème est vôtre (ex : rangement du salon), ils n’auront pas d’autre motivation que la prise en compte de votre besoin, ce qui est justement ce qui leur pose problème pour l’instant.
Si le problème est leur (ex : linge sale dans le panier), alors on peut s’en servir pour les sensibiliser à la question de la prise en compte du besoin de chacun, en installant des conséquences naturelles !
La conséquence naturelle, c’est ce qui advient lorsque nous ne faisons rien.
Ainsi, s’ils ne mettent pas leur linge au panier à linge, et que nous n’intervenons pas sur ce point, le linge ne sera pas propre. Et ça, ce sera bien leur problème.
Attention : il n’est pas question de se mettre à faire ça du jour au lendemain, sans les avoir prévenus ! Nous allons communiquer avec nos enfants.
Nous leur dirons : « Tu sais, j’ai réalisé que je devais souvent ramasser les vêtements sales par terre dans ta chambre, et je trouve que ce n’est pas mon rôle. Je voulais donc t’informer du fait que dorénavant, je ne laverai que les vêtements qui seront dans le panier. Il sera de ta responsabilité de les y mettre si tu veux des vêtements propres. » On peut même ajouter (surtout si les enfants sont jeunes) : « Penses-tu que tu t’en souviendras, ou as-tu besoin d’aide pour réfléchir à un système qui te permettra de ne pas oublier ? »
Et ensuite, il faut s’y tenir !! C’est à dire :
– ne pas ramasser le linge qui est par terre, bien sûr.
– ne pas remplacer ça par un rappel constant du fait qu’il y ait du linge par terre. On rappelle le principe : c’est devenu LEUR responsabilité. On peut respecter la courbe d’apprentissage en le leur rappelant une fois les premiers jours, et ensuite, on laisse arriver la conséquence. C’est important qu’ils s’en rendent compte, ça les aidera à grandir !
– s’il arrive un jour où ils n’ont plus de caleçon, ou de short de sport, ne pas résoudre pour eux. L’attitude à adopter sera : « Je suis désolée pour toi que tu n’aies plus de caleçon, j’espère que tu vas trouver une solution. » et s’en aller…
– résister à l’envie d’enfoncer le clou : « Je t’avais bien dit que tu devais mettre ton linge au panier !! », ils s’en sont déjà rendu compte. On peut recevoir la difficulté, simplement, et se focaliser sur le futur : « Mince, tu n’as plus de short… Non, je ne peux pas le laver vite, tu connais la règle que nous avons mise en place. Je comprends que tu sois déçu ! Je suppose que la prochaine fois, tu ne l’oublieras pas. »
Une fois que l’équilibre dans la maison évolue, que les enfants participent plus aux tâches qui les concernent, et qu’ils comprennent ainsi mieux le concept de responsabilité, nul doute qu’ils seront plus ouverts et plus réceptifs à la réunion de travail que nous évoquions plus haut !
Et petit à petit, ce foyer verra se développer plus de respect pour le rôle de chacun.
interessant ton article et je suis tout a fait d’accord. Aux Us les enfants ont des « chores » et c’est vraiment « normal » pour eux de participer aux taches de la maison. j’avais essaye de mettre en place la meme chose mais ca n’a pas trop reussi avec le tableau des taches. j’ai donc plutot adopte la methode du si c’est pas lavé c’est que c’etait pas dans le panier a linge . ca marche mieux
Merci Delphibe pour ton commentaire. Il est effectivement normal que les enfants participent, parce que c’est l’apprentissage de la vie en communauté. Et ça peut aller plus loin que leur propre linge dans leur propre intérêt…
Si le tableau des taches ne fonctionne pas, peut être peux-tu juste leur demander de choisir une action dans une liste de « chores » que tu auras préparée ? (Ca n’a l’air de rien, mais rien que des choses comme : les réserves de papier dans les différents toilettes, ça facilite si quelqu’un d’autre y pense pour toi..). Chez nous, les grands sont également en charge d’un diner par semaine. C’est valorisant pour eux, et une vraie aide pour moi !
Totalement en ligne avec toi !
J’avoue que pour la partie linge sale, ce n’est pas encore au point chez lors. Je flanche souvent à la dernière étape en cherchant une solution…
Sinon, on expérimente quelque chose ici: les « capitaines de soirée ». Notre deuxième ne supporte pas l’autorité (elle peut ranger sa chambre si elle a décidé de le faire mais il n’y aura pas moyen de lui faire ramasser un papier si on lui demande). Du coup, à tour de rôle, le capitaine de soirée doit organiser les tâches et s’assurer que tout le monde soit à l’heure et participe…
A suivre !
Marrant cette idée de « capitaine de soirée » ! Raconte un peu… D’où ça vient ? Comment l’avez-vous mis en place au début ? Est-ce que ça marche sans problème « d’autorité » entre les filles ?
Ah oui effectivement c’est un chouette article !!
Je trouve la réflexion sur les deux premiers points effectivement très pertinente, car ce n’est qu’une fois qu’on est convaincu de l’apport réel d’une telle participation qu’on peut ensuite développer les stratégies (et la persévérance) nécessaires pour avancer dans cette voix.
Sans cela, il reste toujours un soupçon de mauvaise conscience à la « nan mais je les embête par flemme de faire les choses en fait, et comme là je finis par avoir la flemme des les embêter, autant laisser couler » qui vient torpiller le truc.
Depuis que j’ai lu Nelsen, ma perspective a effectivement complètement changé et je vois la rentabilité des efforts investis dans le fait de me « faire aider » !
Hihihi, en revanche, on voit que tu écris ce billet avec ton expérience de maman ayant déjà des enfants grands : il s’agit chez toi de changer la manière dont les choses se passaient jusqu’à présent. Du coup, pour moi avec mes petits, je voudrais creuser, en plus, les manières dont on peut introduire cela dès le départ.
Ah, et je précise que la notion de capitaine de soirée m’intrigue également; je crois avoir lu quelque chose d’approchant quelque part, et je serais ravie d’en savoir plus sur la manière concrète dont une maman peut avoir mis cela en place !
Merci Gwen de ta perspective ! Je note le commentaire, et chercherai à creuser ce point-là ! (ou partagerai ton propre article quand tu en auras écrit un sur le sujet…)
Cependant, ne crois-tu pas que tu pourrais commencer de la même façon : une petite réunion avec une liste (restreinte) de choses à faire dans la maison, en leur demandant à quoi ils voudraient contribuer ?
Merci pour ton article ! Mais une question que je me pose toujours et à partir de quel âge on peut faire ces réunions? Mes enfants sont petits encore, et participer les amuse énormément (et j’en profite car je sais que l’amusement aura une fin… je le vois chez ma fille). Mais je me vois mal avec ma fille de 4 ans faire une réunion… sauf si… peut-être le présenter en mode jeux ? Mais du coup mon petit de 2 ans va se sentir exclu… tu peux m’éclairer là dessus? Merci !!!
On dit qu’à partir de 4 ans justement, ils peuvent commencer à assister aux réunions.
Au début, cela peut être tres simple. Du type : « C’est le jour de notre réunion, voici le planning de la semaine, on voudrait prévoir quelque chose, une question à te poser.. ». L’idée, c’est d’en prendre l’habitude doucement.
Les reunions de famille commencent toujours chez nous par un tour de remerciements.
Ta question me renvoie au fait que je n’ai toujours pas fait d’article là dessus, et je devrais !