Dans un couple, on n’est pas toujours complètement en ligne sur tous les principes éducatifs. C’est normal, on a des histoires différentes, des expériences différentes, et ça nous influence, qu’on le veuille ou non ! Selon le contexte et le cheminement de chacun, ces désaccords prennent plus ou moins de place. Oui, il y a régulièrement des ajustements à faire, c’est normal. Et des différences qui persisteront aussi : nous sommes différents et c’est ok. Mais parfois, ces désaccords sur l’éducation prennent trop de place dans le couple. Les tensions parentales impactent l’ambiance familiale. Et ce, même quand le couple lui-même va bien ! « Notre couple conjugal fonctionne… c’est notre couple parental qui dysfonctionne. » m’écrit une maman dont je garderai l’anonymat.
Moi, je crois très fort que quand le couple conjugal fonctionne, il y a la matière pour réussir à parler des désaccords sur l’éducation.
(Note : vous l’aurez compris ; je ne parle pas ici du cas des parents divorcés, de gardes partagées, ni du cas d’un couple qui ne va pas bien indépendamment des enfants, auquel je conseillerai plutôt d’aller voir un thérapeute conjugal)
Sauf que je sais que « dans la vraie vie », ça reste compliqué. Parce qu’il y a là beaucoup d’émotionnel. Parce qu’on a tellement envie de convaincre l’autre qu’on se retrouve vite à jouer au jeu de « j’ai raison », sans bien écouter ce que dit notre partenaire…
Que s’est-il passé ? Comment est-on passé du couple qui fonctionne ou couple qui se dispute sur la manière de « gérer » les enfants ?
Et surtout… est-il possible d’aborder ces questions sereinement ?
Devenir parents
Le « couple conjugal fonctionne » parce qu’il s’est formé avant de devenir parents.
Souvent, la question des principes éducatifs n’a même pas clairement été évoquée avant de se présenter concrètement.
Alors, ensemble, en devenant parents, on essaye de s’ajuster, de trouver une manière de faire qui correspond aux deux.
On teste, on ajuste, on est souvent démuni, parce que parent s’apprend surtout sur le tas…
Bien sûr, il y a toujours des moments où on n’est pas tout à fait d’accord, où on n’a pas la même interprétation des choses, ou la même posture.
Mais on avance quand même ensemble. On se pose des questions, on échange, et peu à peu, on avance.
Dans beaucoup de couples, ça s’arrête là.
Pour vous qui êtes ici, cependant, ce n’est pas le cas.
Une posture qui change
Parfois, il y a d’autres facteurs que la seule expérience qui font évoluer les pratiques…
L’un des parents se forme
Quand j’ai commencé une formation Montessori, ça a pas mal fait évoluer mon approche de la pédagogie.
C’est probablement ce qu’il vous arrive aussi, sur le plan éducatif :
si vous êtes arrivé.e sur ce blog, c’est que vous cherchez à vous renseigner sur l’éducation positive.
Vous cherchez à évoluer dans vos pratiques parentales.
Que ce soit parce que vous vous sentez débordé.e, ou parce que vous êtes inspiré par ce que vous avez lu sur le sujet, vous êtes là parce que vous voulez bouger.
Le problème, c’est que vous êtes peut-être seul.e à bouger.
Or, déjà, bouger, soyons honnête, ce n’est pas facile…
Alors si en plus, à côté de nous, on a quelqu’un qui continue à employer des méthodes dont vous essayez de sortir, ben clairement, ça ne vous aide pas !
C’est rigolo comme, en l’écrivant comme ça, on voit déjà le côté un peu « injuste » de notre posture… Vous le sentez ?
Grosso modo, on a décidé de changer, on a du mal à le faire, et on en veut à l’autre, qui n’a rien demandé, de ne pas bouger en même temps…
Le temps passe et le décalage se creuse
Cependant, vous n’en êtes peut-être plus là :
peut-être que dans les premiers temps, vous avez su faire preuve de patience, comprenant que votre partenaire, qui ne lisait pas / ne se formait pas, ne puisse pas évoluer comme vous.
Seulement vous espériez qu’au fur et à mesure de vos partages, de vos changements, il (ou elle) commencerait à évoluer aussi.
Vous vous sentez maintenant fatigué.e, et déçu.e.
Vous aimeriez sentir un peu plus d’alignement, et plus de soutien…
Éduquer son partenaire
Voici que peu à peu, vous vous retrouvez dans le rôle du donneur de leçons.
Vous lui expliquez tout ce qu’il (ou elle) ne fait pas bien, ce qui ne convenait pas, pourquoi ça ne convenait pas, etc…
Vous vous posez en sachant.e, et dans le fond, vous l’êtes !
Vos arguments s’enchainent : « Il faut accueillir avec bienveillance… », « Et les neurosciences… »
Malheureusement, non seulement vos messages ne passent pas, mais ils mettent plutôt l’autre sur la défensive…
Chez vous, ça se transforme en ressentiment : « S’il ne veut pas que je lui fasse la leçon, il n’a qu’à se former, lui aussi ! »
(Note : pour des raisons de légèreté d’écriture, j’écris cette phrase au masculin, alors que ça pourrait être dans l’autre sens…
Notons quand même que je l’ai à peu près toujours entendu dans ce sens-là, ce qui pourrait donner lieu à une autre discussion, sur la place des femmes dans l’éducation des enfants… Pourquoi ce sont si souvent des mères et non des pères que je retrouve dans mes formations ? Oh, on pourrait passer du temps là-dessus… mais c’est une autre histoire…)
On peut tout à fait comprendre ce ressentiment !! Et en même temps… en même temps, quand on aborde la conversation avec ressentiment ET avec cette posture de donneur de leçons, agrémentée en général de pas mal de reproches… bizarrement l’autre se met sur la défensive et notre message ne passe pas.
La posture et le rôle de chacun
J’ajouterai que ce clivage prend d’autant plus de place quand chacun cherche à « contrebalancer » ce qu’il juge « trop » chez l’autre.
Le cas classique : l’opposition bienveillance / fermeté.
Pour sortir de cette opposition, il faut déjà être au clair avec les principes de parentalité bienveillante…
Vous avez lu Filliozat et cherchez à développer des relations respectueuses, mais n’êtes pas encore au point (et c’est normal) sur comment poser vos limites sans punitions…
(cela dépend surtout de comment vous « êtes tombé dans la marmite » de l’éducation positive)
Vous pourriez probablement vous rejoindre sur des notions de « cadre bienveillant » ou d' »autorité positive ».
Seulement voilà : comme vous êtes encore en apprentissage, votre partenaire vous juge parfois un peu « trop » dans la bienveillance, et il craint une bascule dans la permissivité ou le laxisme.
Cela l’encourage à se montrer plus autoritaire que ce qu’il serait spontané. Il compense. Il remplit son rôle.
Le problème, c’est que cela crée l’effet inverse chez vous : à votre tour de compenser cette façon d’éduquer qui ne vous convient plus par une approche bienveillante, parfois à outrance…
La Discipline Positive parle d’allier fermeté et bienveillance, mais dans votre couple, des rôles parentaux se sont insidieusement mis en place, et c’est l’un ou l’autre en fonction du parent… et ça n’aide pas !
D’où vient vraiment le conflit ?
Si j’écoute ce que dit la CNV (Communication NonViolente), les conflits ne sont généralement pas au niveau des besoins, mais des stratégies.
Ce qui veut dire que si vous parveniez à discuter de vos besoins profonds, vous pourriez probablement vous entendre, vous comprendre, et apporter de la douceur et plus de connexion entre vous, même sur ce sujet délicat de l’éducation de l’enfant.
Seulement, pour répondre à ces besoins que vous avez chacun, vous êtes probablement particulièrement attachés à certaines stratégies. Et ce sont ces stratégies qui s’opposent, et qui créent le conflit !
Un exemple
Illustrons cela avec un exemple classique pour les personnes qui sont dans mes formations. La situation est réelle, mais je vais prendre un couple fictif pour l’illustrer.
Considérons donc la famille de Caroline et Julien.
Dans la famille de Caroline et Julien, le coucher est compliqué.
Leur fille de 4 ans se relève une fois, deux fois, trois fois (vous connaissez le coup : une fois pour boire, puis pour faire pipi, puis parce qu’elle voulait un dernier bisou, etc…)
Les parents sont tous les deux usés…
Caroline a à coeur d’accompagner sa fille en douceur. Elle pense fondamentalement que c’est la meilleure manière de contribuer à son épanouissement. Elle prend donc sur elle pour ne pas se mettre à crier, et la raccompagne chaque fois dans sa chambre en lui disant gentiment, avec espoir :« Tu ne sors plus, hein ? ».
Julien tient à poser ses limites, à avoir un temps pour lui (et pour Caroline et lui) après le coucher des enfants. Il intervient : « Ça suffit maintenant ! Si tu sors encore de la chambre, tu n’auras pas d’histoire du soir demain. »
Les échanges entre eux ressemblent à :
« Tu la laisses te mener par le bout du nez ! »
« Tu es trop dur avec elle ! »
Clairement, les méthodes s’opposent…
Mais, nous qui sommes extérieurs à ce couple, et surtout, libres des émotions qu’ils ressentent à ce moment-là, on sent bien que ce couple n’est pas forcément opposé en termes de besoins fondamentaux…
Est-ce que Julien n’aspire pas également à de la douceur dans la famille ? Est-ce que Caroline n’a pas également besoin d’un temps seule et/ou en couple ?
Probablement que si ! Seulement, ni l’un ne l’autre ne voit de piste pour concilier ces besoins…
N’empêche : s’ils parlaient de leurs besoins, plutôt que de se reprocher les méthodes employées, est-ce que vous pensez que la conversation se déroulerait de la même manière ?
Il serait temps de mettre du « nous » dans cette relation : ce n’est pas « mon enfant », mais « notre enfant » (ou « nos enfants »), ce n’est pas seulement « mes besoins », mais « nos besoins ».
Manque d’écoute
Malheureusement, dans notre histoire, les deux parents sont fatigués.
Ils n’ont pas l’énergie et la disponibilité d’écouter calmement les besoins de l’autre, pour les décoller de la stratégie employée !
Comme l’illustre bien Apprentie Girafe : « La plupart des conflits viennent du fait que chaque partie a désespérément besoin d’écoute mais qu’aucune n’a les moyens d’en donner. »
Et les choses se passeraient réellement différemment si
1- vous aviez les moyens d’offrir de l’écoute (pensez à votre réservoir !)
2- vous saviez comment on écoute vraiment (malheureusement, ça, j’ai découvert qu’on ne l’avait pas appris !)
Comment se sortir de ces conflits de couple ?
Bon. Vous comprenez mieux à présent d’où viennent ces conflits, et peut-être que cette histoire de besoins et de stratégies vous a permis d’entrevoir la lumière au bout du tunnel…
En fait, cette notion d’écoute pour sortir du conflit, c’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.
Vous pouvez sortir du conflit !
La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez faire en sorte que les choses changent. Vous pouvez remettre de la communication dans votre couple.
Une communication bienveillante, comme celle que vous développez déjà avec vos enfants. Parce que dans le fond, la communication avec les enfants, c’est la même chose que la communication avec n’importe qui : si on apprend à mener avec eux un dialogue bienveillant, pourquoi ne pas le faire également avec son conjoint ?
Donc, si vous lisez entre les lignes, c’est une double bonne nouvelle :
Le premier aspect, c’est qu’il est (le plus souvent) possible de changer cette dynamique !
Le deuxième aspect, c’est que, comme dans les conflits avec les enfants, vous n’avez besoin de convaincre l’autre d’aller voir quelqu’un ou de se former pour faire bouger les choses.
Vous aurez quand même besoin qu’il (ou elle) soit d’accord pour échanger, mais ça… il y a également des manières de faire qui vous permettront de mettre les chances de votre côté !
La mauvaise nouvelle, c’est que c’est encore à vous de faire le boulot.
Et oui, je sais, vous faites déjà pas mal de taf en vous formant à l’éducation !
Votre pensée interne (et je cite des vrais mots que j’ai reçus d’une maman !), c’est probablement : « j’en ai marre d’être la seule qui cherche, qui se documente, qui se pose des questions et qui guide tout le monde. »
J’entends.
Je reçois ce sentiment d’usure avec beaucoup d’empathie et de douceur.
J’imagine bien que vous aimeriez avoir plus de soutien, plus de partage, dans cette démarche.
Seulement voilà… la réalité, c’est qu’il ne fera pas la démarche de se renseigner.
Alors que choisissez-vous ?
D’attendre qu’il change magiquement, au risque, si la magie ne se produit pas, d’avoir un couple en crise, ou de mettre les chances de votre côté pour sortir de ces conflits, pour échanger et apaiser ces tensions ?
A vous de voir…
Invitez l’autre à échanger
Si vous choisissez de mettre vos compétences au service non seulement de la famille, mais aussi de votre couple parental, ça va passer par un échange avec l’autre.
Ces échanges, ils ont lieu de toute façon. Sauf que souvent, on les subit plus qu’on ne les choisit.
La manière dont ça se passe, c’est qu’on fait fasse à une situation avec les enfants qu’on a envie de gérer de manières complètement différentes, et qu’on se retrouve à se faire des reproches, exactement comme dans l’histoire de Julien et Caroline ci-dessus.
Ce n’est certes pas un échange constructif, mais c’est bien un échange ! Que vous subissez et qui ajoute à la tension quotidienne…
Et si vous décidiez d’appréhender les choses autrement ?
Quelques conseils pour cela :
- Evitez les échanges « à chaud ». Nos émotions nous font trop souvent dire des choses que nous regrettons ensuite…
- Prévoyez un moment spécifique (ainsi, vous devenez acteur de vos vies : échanger sur le sujet devient un choix, plus une nécessité du moment)
- Parlez de ce que vous ressentez
- Invitez sans imposer
Ce que ça pourrait donner : « Je me sens triste de nous voir en conflit alors que je suis sûre que dans le fond on a les mêmes objectifs. Est-ce que tu serais ok pour prévoir un moment pour échanger à ce sujet ? »
Clarifiez préalablement ce qui se passe pour vous
Nos choix en matière d’éducation des enfants, c’est le résultat de toute une vie interne.
Notre histoire d’abord, notre expérience passée et présente, notre apprentissage, ce dont on se nourrit au quotidien, nos croyances, nos valeurs, nos aspirations.
Alors, avant d’aller juger l’autre, soyons bien clair sur ce qui se joue en nous.
Qu’est-ce qui est important ? Pourquoi nous sommes heurté.e par certaines attitudes de l’autre ?
Ecoutez, écoutez, écoutez !
Phase fondamentale d’apaisement : l’écoute.
C’est celle qu’on zappe le plus, et c’est pourtant celle qui apportera le plus de résultat.
C’est contre-intuitif : c’est justement parce qu’on ne sera à ce moment-là PAS à la recherche du résultat que ce résultat pourra ensuite émerger.
Le lien d’abord. Le résultat ensuite.
Thomas d’Ansembourg
Je ne vous encouragerai jamais assez à aborder la conversation avec une posture de « curiosité ravie » comme le disait mon premier formateur en CNV.
Cela demande 2 choses : l’intention d’écouter ET l’emploi des méthodes d’écoute active.
Alors, vous pourrez réellement vous ouvrir au monde de l’autre pour que la magie du lien agisse.
Parlez de ce qui vivant en vous
Ensuite seulement, vous pourrez parler de vous.
Avoir d’abord veillé à la connexion aura mis plus de chances de votre côté pour avoir en face une oreille bienveillante.
De vos aspirations, de vos rêves, de ce que vous avez envie de vivre !
Partez d’une énergie positive pour transmettre votre élan…
Co-créez l’éducation de vos enfants
C’est ce qui vous permettra enfin de vous rejoindre pour co-créer votre parentalité.
(encore merci à Apprentie Girafe pour ses illustrations si parlantes !)
Dans le fond, vous avez le même objectif : des enfants heureux, et une famille épanouie !
Programme d’accompagnement : « Comment parler des désaccords éducatifs dans le couple ? »
J’ai conscience que ces conseils peuvent sembler brefs…
Je sais qu’entre la théorie et la pratique, il y a souvent un pas.
C’est comme tout : ça s’apprend !
Pour cela plusieurs méthodes, et parfois la présence d’un tiers peut aider.
Que ce soit pour de la médiation, ou un simple conseiller conjugal (dont le rôle, entre écoute, reformulation, et coaching, est surtout celui de facilitateur de dialogue)
Je ne vous invite pas pour cela à rejoindre mon programme « Comment parler des désaccords éducatifs dans le couple ? », parce que c’est maintenant trop tard !
Je vous encourage cependant à reprendre les étapes que je vous propose, et à creuser à votre tour sur les principes de communication non violente pour apprendre à être plus à l’écoute de vos ressentis et de ceux de l’autre, afin de pouvoir aborder les choses de manière ouverte et empathique.
Certes, cela demande de l’investissement (en argent et en temps), et en même temps, si ça peut vous permettre d’éviter ces conflits récurrents (qui mènent parfois, je l’ai vu, à une séparation…), ça en vaut la peine, non ?
Si vous sentez que vous avez besoin de soutien pour cette démarche, écrivez-moi à coralie@les6doigtsdelamain.com :
il se peut que je relance ce programme… et si ce n’est pas le cas, je propose aussi des accompagnements, en individuel ou en couple !