Faire passer le message de confiance avant tout !
Face à des situations qui nous déplaisent, il n’est pas toujours facile de se concentrer sur le message que nous voulons faire passer à nos enfants. Et pour moi, ces derniers temps, un des messages les plus importants, c’est celui de la confiance. Je tiens à montrer à mes enfants que j’ai confiance en eux. Confiance en leurs capacités, confiance en leurs progrès. Parce que je suis persuadée que c’est ce regard confiant qui les aidera justement à grandir.
Or, nous avons eu l’occasion cette semaine d’avoir une vraie conversation à ce sujet avec mon mari. Je pense que notre situation est commune, et vaut la peine d’être partagée.
Le contexte
Notre fils Léon voulait apporter son camion Mack à l’école, avec des voitures dedans. (Oui, ce même camion dont nous avions déjà discuté ce matin où j’avais su garder la tête froide !).
Normalement, on n’a pas le droit d’apporter des jouets à l’école. Mais la maitresse utilise un système de récompenses du comportement (que je déteste). Et ce système prévoit que lorsque l’élève s’est bien comporté dans la semaine, il gagne quelque chose, comme par exemple, le droit d’apporter un jouet.
Nous sommes donc à peu de jours de celui où Léon pourra apporter un jouet, et il veut apporter son camion. Seulement voilà, Nicolas (mon mari) est contre cette idée. (J’ajoute qu’elle ne m’emballe pas non plus, mais nous allons en reparler…)
Alors, au départ, ça se passe comme cela : Léon est tout excité, et nous explique qu’il va apporter son camion et ses voitures à l’école ! Nicolas se tourne vers lui, et annonce « Je ne suis pas d’accord. »
Oups… voilà notre Léon qui déchante d’un coup ! Il a même envie de quitter la table…
Nicolas se rend vite compte de sa maladresse, et rattrape le coup, de sorte que nous puissions discuter calmement de la question du camion.
Analyse parentale…
Quel est le problème en fait ? Pourquoi ne sommes-nous pas enchantés par cette idée du camion ?
Premier et deuxième niveaux de réponse
Parce que nous avons peur, à l’idée d’un partage groupé en cours de récréation, que l’une des voitures soit perdue. D’autant plus que Léon prévoit d’y inclure certaines des nouvelles voitures de son frère !
Mais ce n’est peut-être pas tout…
Le lendemain, lors de notre balade sur la plage, je pousse Nicolas à aller plus loin dans sa réflexion. Il dit que d’une certaine façon, il veut protéger Léon de la tristesse que lui engendrerait la perte d’une voiture. Il veut également protéger Anatole qui a probablement dit oui sans en mesurer le risque. Ce ne serait pas juste qu’Anatole perde une voiture dans l’affaire.
Enfin, il veut également s’épargner la scène qui s’ensuivrait si l’un d’eux perdait une voiture…
Un raisonnement qui ne tient pas vraiment debout !
Hum… il y a donc aussi une dimension toute personnelle. Qui se comprend très bien. Il est naturel de vouloir éviter les difficultés, non ?
Or, être parents, bon sang, c’est déjà bien assez difficile !
Seulement, cela marcherait s’il était possible que l’enfant ne veuille pas apporter les voitures, donc ne les perde pas, ce qui éviterait qu’il pleure de les avoir perdues !
A l’inverse, si nous l’empêchons d’apporter les voitures, nous nous éviterons les pleurs liés à une éventuelle perte de voiture, mais nous devrons de toute façon faire face à l’opposition préalable à cette décision purement arbitraire. Donc, je doute que ce soit vraiment plus facile en fait…
Et surtout… le message derrière notre réaction
Le véritable problème est là, selon moi.
En effet, en communiquant de façon si ferme, quel message fait-on passer ?
Celui que nous ne lui faisons pas confiance !!! Nous prévoyons d’avance qu’il va perdre des voitures.
Je sais bien que ce n’est pas vraiment un manque de confiance en lui, en l’occurence ; plutôt en ses camarades… Mais je l’entends un peu comme le « tu vas tomber ! ». Avertissement qui montre bien le peu de confiance en notre enfant que nous avons, et qui, de plus, ne va certainement pas l’aider à avoir confiance en lui…
Au pire
Que peut-il arriver de pire, en fait ? Qu’il perde effectivement des voitures. Bon. Finalement, il n’y a pas non plus péril en la demeure…
Donc, cette analyse menée, on peut s’interroger vraiment : qu’est-ce qui est le plus important pour nous ? Pour moi, la réponse est claire (et finalement, pour Nicolas également) : montrer à notre fils que nous lui faisons confiance, et l’aider à grandir dans la démarche.
Comment transformer cette difficulté en opportunité ?
Etrangement, je pense que la lecture qui m’a le plus aidée dans cette circonstance, face à mon fils de 6 ans, c’est celle de la discipline positive pour les adolescents. Probablement parce que je viens de le terminer enfin (après une pause de plus d’un an), et que ce que je suis en train de lire trouve toujours un écho dans ce que je suis en train de vivre…
L’encourager à envisager les conséquences
Oui, notre fils n’a que 6 ans, et n’a peut-être pas réfléchi à ce qu’il pouvait advenir de ses voitures.
Notre rôle de parent sera donc de l’aider à y réfléchir. Et de l’encourager à envisager les différentes possibilités, afin de prendre sa décision en connaissance de cause.
Nous lui demandons donc :
« Comment feras-tu pour ne pas perdre des voitures à l’école ?
– Avant de partir de l’école, je compterai si elles sont toutes là, et je demanderai qu’on me les rende.
– Resteront-elles tout le temps dans ta classe ?
– Non, elles viendront à la récréation.
– Et à la récréation, y a-t-il des enfants qui ne sont pas de ta classe ?
– oui, les autres classes aussi.
– Alors, comment feras-tu si quelqu’un qui n’est pas de ta classe a gardé une voiture ?
– Aïe… »
Là, il y a une pause. Il réfléchit. C’est le moment où il pourrait décider, si la difficulté l’emporte sur le plaisir d’apporter son camion, qu’il vaut mieux le laisser à la maison. Mais ce n’est pas le cas.
« Je vais bien regarder qui prend des voitures, et je les compterai à la fin de la récréation. »
Cette fois, nous savons qu’il sait à quoi il s’expose, qu’il a réfléchi à la conduite à tenir. Sa décision n’est donc plus impulsive, elle est réfléchie.
Reste une précaution
Si sa décision est claire, il faudrait quand même s’assurer que son petit frère a bien compris ce à quoi il s’exposait également.
Nicolas s’en assure : « Je vois que tu as des idées pour t’assurer de revenir avec tes voitures. Malgré tout, il se pourrait que l’une d’elles soit perdue. Je m’inquiète un peu du fait que tu emportes des voitures qui ne t’appartiennent pas, surtout les nouvelles d’Anatole. Il faudrait bien vérifier avec lui. »
Anatole (3 ans), qui n’a pas perdu une miette de tout cet échange, est clair : « En fait, je veux pas que tu prends mes voitures. » (en langue originale -à son âge, on maîtrise mal le subjonctif) – Eh oui, lui n’a pas l’excitation de jouer avec à l’école pour compenser le risque !
Pas de problème, Léon décide qu’il ne prendra pas les nouvelles voitures d’Anatole.
Nous soutenons la décision
Maintenant que nous avons bien tenu notre rôle en l’aidant à réfléchir aux précautions à prendre, c’est l’heure de nous effacer, et de simplement soutenir la décision de notre fils.
(Et j’en profite pour rappeler que soutenir les décisions, c’est également aider nos enfants à être autonomes !)
Ainsi, nous lui montrons vraiment que nous lui faisons confiance. Que nous savons qu’il est capable de se tenir à tout ce qu’il vient de décider et de revenir avec toutes ses voitures.
C’est en tout cas une opportunité pour lui d’essayer.
Et si cela ne marche pas ?
L’échec est possible bien sûr. Parce que pour réussir, il faut également se tromper. Parce que l’apprentissage passe par l’expérience, qui est bien plus porteuse de leçon que le fait de ne pas faire, finalement ! Car, là encore, je garde en tête ce qu’en dit Jane Nelsen : l’erreur est une opportunité d’apprentissage !
Pour moi, l’apprentissage se ferait ici sur deux niveaux différents.
L’organisation, et les précautions pour ne pas perdre de jouets
Evidemment, cette histoire aurait pour résultat d’encourager Léon à prendre plus de précautions la prochaine fois qu’il voudrait apporter un jouet quelque part.
Il conviendra alors de réfléchir avec lui à ce qu’il aura pu se passer. Car les possibilités sont multiples !
Il peut avoir oublié les précautions à prendre sur le moment, parce que trop excité par le jeu, ou parce qu’il y aura eu trop d’enfants autour de lui. Parce que cela aurait été trop précipité, parce qu’il pensait à autre chose à la fin de la journée…
Ou bien il pourrait avoir bien pensé à tout ça, mais avoir eu des difficultés à faire face à certains enfants qui ne voudraient pas l’écouter. Ou ne s’être rendu compte de rien !
Dans tous les cas, il pourra en tirer une leçon ! Peut-être celle de ne pas apporter un jouet qui se « découpe » en tant de bouts à l’école. Peut-être de mieux surveiller. Peut-être un pense-bête à mettre en place, ou bien demander de l’aide à la maîtresse, que sais-je ?
Quelle que soit la conclusion, je suis convaincue que cet apprentissage vaut bien une voiture perdue, non ?
L’expérience émotionnelle
Quelles qu’en soient les raisons, si Léon revient avec moins de voitures, il sera triste. C’est presque sûr. Et il faudra effectivement faire face à sa détresse à ce moment-là.
Il va de soi que nous ne lui dirons pas « ce n’est rien, juste une petite voiture », parce que ce serait nier le sentiment.
Et ce ne sera pas non plus le moment de lui dire « Je te l’avais bien dit ! »… Je sais, ce sera difficile de se retenir, parce que, bon sang, on le lui aura bien dit ! Mais ce n’est pas ainsi que nous l’aiderons à grandir. Il le sait bien que nous le lui avons dit… Et se sent déjà assez mal comme ça ! Il ne me semble pas nécessaire de remuer le couteau dans la plaie. Il vaut mieux se re-focaliser sur la confiance que nous cherchons à transmettre, et basculer, lorsque l’émotion se sera calmée, sur l’analyse évoquée ci-dessus. Ainsi, nous lui enseignons que l’on apprend de ses erreurs, et qu’on peut s’ajuster, pour réussir la fois suivante !
Mais alors… nous aurons échoué à le protéger de ce sentiment désagréable ?
Oui, et heureusement. Parce qu’il y a bien quelque chose qu’il ne faut pas oublier de se répéter régulièrement : les sentiments désagréables font partie de la vie.
Ne vaut-il pas mieux qu’il l’expérimente lors de la perte d’une petite voiture que plus tard, face à des choses bien plus difficiles à digérer ? Qu’il vive le fait que cette émotion arrive, se vit, puis s’en va…
Finalement, c’est bien ce type d’expérience qui lui enseignera la résilience !
Et en vrai… que s’est-il passé ?
Ah ah ! Ce qu’il s’est passé a peu d’importance dans cette histoire, en fait !
Il me semble que l’important, c’est de mener toute cette réflexion, toute cette analyse qui nous aide à être de meilleurs parents pour nos enfants.
A faire nos choix en sachant ce que nous cherchons à leur transmettre.
Cependant, lorsque j’ai raconté cet épisode à une amie, cette question lui brûlait les lèvres, ce que je comprends !
Alors voilà, je vais satisfaire votre curiosité : Léon est rentré de l’école avec son camion, et toutes ses voitures. Et quand nous lui avons demandé si cela avait été difficile, il nous a répondu que « pas du tout ».
Comme quoi, finalement, ça valait la peine de lui faire confiance, non ?
Tout simplement… J’adore!! Mais j’ai eu peur je tu ne nous dises pas ce qui c’était passé réellement aux voitures de Léon !!
Ah mais j’adore aussi! En fait, je reprends tout le commentaire précédent, parce que moi aussi je t’ai trouvée très très MECHANTE de prétendre ne pas vouloir satisfaire notre curiosité dévorante. Hitchcock en puissance, va!
Je trouve ton analyse passionnante, et la manière graduelle dont Nicolas et toi amenez Leon à se questionner et à prendre ses décisions très inspirante.
Et je te rejoins à fond sur l’expérience émotionnelle: c’est vraiment là un point essentiel sur lequel le parent (positif, ou pas) a vite fait de s’égarer: accompagner son enfant dans ses émotions, c’est très différent (et parfois plus difficile à vivre pour le parent aussi) que lui épargner ces émotions…
Et c’est là où la parentalité positive se retrouve parfois avec de la mauvaise presse : mal comprise, on entend « oui, c’est à cause de ça que les enfants d’aujourd’hui ne connaissent pas la frustration ». Et pourtant, si, il ne s’agit pas de leur épargner les frustrations de la vie, mais de leur apprendre à la gérer. Et pas qu’en théorie, mais bel et bien en pratique aussi !!
Ahah ! Je vous reconnais bien là les filles !
Merci pour le commentaire sur l’analyse Gwen, à moi aussi elle m’a plu !
et oui pour la frustration. Pas toujours facile de trouver le bon equilibre en parentalité positive, mais ce qui est clair, c’est qu’accompagner les émotions ne signifie pas les éviter. Ce qui n’est facile ni pour eux, ni pour nous !
Oh j’adore !
Merci Coralie pour ce beau partage d’expérience, je te rejoins tout à fait dans ta réflexion !
Je n’en doute pas, Floriane… Je sais que nous sommes tres en ligne sur ce genre d’approche, et que tu sais complètement lire entre mes lignes.