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Il règne souvent une grande confusion entre ces termes, qui désignent pourtant des concepts différents. Il y a bien une différence entre sentiment et émotion, entre sensation et sentiment ! 

Certes, il s’agit de recevoir tant les émotions que les sentiments, mais cela reste intéressant de savoir de quoi l’on parle. Surtout dans un contexte dans lequel l’intelligence émotionnelle est de plus en plus considérée et encouragée.

Je vais donc vous parler ici des émotions primaires, de ce qui provoque les émotions, de comment reconnaitre les sentiments, de sensations corporelles, etc…

Note : Cet article est le premier de ma série d’extraits de « La grammaire des émotions« , formation de l’école d’Isabelle Filliozat (EIREM) .
(Ces explications ne remplaceront pas les expériences émotionnelles vécues pendant le stage, mais à défaut, elles permettent d’en approcher l’aspect informationnel.)

Sensation

Commençons par le plus simple : une sensation est quelque chose que l’on ressent physiquement : le coeur qui bat, la gorge nouée, les larmes aux yeux, les mains moites, les tremblements…

Ces sensations sont des informations, et notre corps ne ment pas. La question est de savoir si nous sommes à l’écoute de ces sensations.
(Je me souviens de mes premières séances de méditation guidées. Je ne savais pas dire ce que je sentais, et j’ai d’ailleurs toujours du mal à le faire !)

Dans notre vie, nous ressentons des tas de sensations qui ne sont pas liées aux émotions !
Par exemple, quand je cours, j’ai le souffle court et j’ai chaud, pas vous ?

Mais il y a également des sensations qui sont réellement les réactions physiologiques déclenchées par des émotions, et elles ont été étudiées.
Je vous les retranscris un peu plus bas, après vous avoir expliqué ce que sont les émotions…

Emotion

Une raison d’être

L’émotion a une fonction. Une vraie fonction bio-régulatrice.
Il n’y a pas d’émotion positive et d’émotion négative ; il y a une réaction émotionnelle à une situation.

Voyons comment elle fonctionne, afin que vous puissiez décoder tout le processus émotionnel.

Les différentes phases d’une émotion

Une émotion (é – extérieur + motion – mouvement : un mouvement vers l’extérieur) est une réponse brève à un stimulus extérieur. Elle ne dure pas plus de 2 minutes.

La situation dans laquelle nous sommes joue le rôle de déclencheur, ou de stimuli, et notre corps libère des hormones qui correspondent à cette situation : c’est la charge.

Ces hormones dépendent de l’émotion, car a une raison d’être, une fonction bio-régulatrice, pour permettre une réaction spécifique.

Alors, notre corps se prépare à réagir, se mobilise, c’est la tension.

Enfin, une fois le danger écarté, ou la situation (ce qui a déclenché l’émotion) solutionnée,  le corps a besoin de revenir au calme : c’est le moment où l’émotion doit être exprimée, sortie, c’est la décharge.

Comme la décharge est l’expression de l’émotion, c’est la seule partie qui se voit. On a donc parfois tendance à confondre l’émotion avec sa seule décharge.
Or, la décharge, surtout chez les enfants qui n’ont pas encore développé leurs capacités d’auto-régulation, est parfois désagréable à entendre.
Voilà pourquoi certains parents ne laissent pas les enfants exprimer leur émotion.
Voilà pourquoi certains parlent encore de « contrôler les émotions », avec l’idée en fait de les refouler.

Seulement, le fait d’interdir cette décharge n’éliminera pas l’émotion elle-même dans ses premières phases : la charge et la tension.
Si la décharge n’a pas lieu, le corps reste en tension, et sous stress, ce qui aura probablement des conséquences plus néfastes !

L’expression des émotions n’est pas nécessairement inappropriée, et elle aide à se remettre de ces émotions…

Note : parfois, les émotions ne sont pas réellement cohérentes avec la situation. Ou que l’intensité de l’émotion soit disproportionnées.
Ce sont dans ce cas des réactions émotionnelles parasites, des émotions complexes pour lesquelles je vous invite à lire l’article spécifique.

Un nombre limité d’émotions

Les émotions désignant bien ces signaux d’alarme brefs, et nécessaires, elles ne sont en fait pas nombreuses.

En fonction de la littérature, le nombre de ces émotions varient, mais les variations en sont limitées.

En fait, on retrouve toujours les émotions « de base », ou émotions fondamentales :

  • la joie
  • la tristesse
  • la colère
  • la peur

auxquelles, selon les auteurs, on peut ajouter tout ou partie des émotions suivantes :

  • le dégout
  • la honte
  • l’amour
  • la surprise

(Dans la liste de la formation de « la grammaire des émotions » de l’EIREM, donc selon Isabelle Filliozat, seule la surprise ne figure pas, car elle n’a pas besoin d’être suivie par une décharge. Je ne me permettrai pas de donner pas mon point de vue sur ce détail, qui me dépasse encore…)

On pourrait croire que ce nombre limité permet de facilement reconnaitre ses émotions, mais ce n’est pas si facile… car il arrive aussi que plusieurs émotions se mélangent !

Enfin, comme nous allons le voir, les émotions peuvent également évoluer en sentiments.

Sentiment

Question de durée

Le sentiment s’installe plus dans la durée. Il n’est pas dépendant d’un stimulus extérieur, d’une situation précise.

On peut ainsi se sentir confus, tendu, désorienté, léger, embarrassé, jaloux, enthousiaste… Le sentiment peut être simple ou complexe (un mélange d’autres sentiments, ou découlant du refoulement d’une émotion), et sa durée peut varier du tout au tout. (Toute la vie parfois !)

Reconnaitre ses sentiments

Bien sûr, une fois qu’on a dit ça, on comprend mieux qu’il est plus difficile de mettre des mots sur nos sentiments.

Nommer une émotion est une chose, nommer un sentiment est plus subtil.

Cela demande en fait un certain entrainement, et je ne peux dire ça sans évoquer la possibilité d’une vraie démarche d’auto-empathie

Note : si vous sentez, comme moi, que nommer vos sentiments peut vous aider, vous pouvez vous procurer mes cartes sentiments, et mener les activités proposées autour du vocabulaire émotionnel avec vos enfants.

Sentiments mêlés

Attention : L’une des choses que l’on apprend en CNV – et vous le verrez dans le livre de Marshall Rosenberg, Les mots sont des fenêtres – est que certains termes que nous prenons pour des sentiments, parce que nous avons pris l’habitude de les exprimer en commençant par « je me sens », sont en fait des sentiments mêlés, c’est à dire qu’au lieu de simplement décrire comment nous nous sentons, nous y cachons un jugement, ou une interprétation de la volonté de l’autre.
Ainsi : je me sens « abandonné » (= Tu m’abandonnes), je me sens « incompris » (= Tu ne me comprends pas), je me sens agressé… ne sont pas des sentiments !!

Les émotions peuvent aussi être des sentiments

Je vous entends d’ici : « Mais je peux aussi me sentir triste sur une plus longue durée ! ».

En effet, les émotions peuvent aussi être à la source de sentiments. Ou plutôt le sentiment peut-être lié aux émotions, en étant un prolongement de l’émotion.

Je crois que l’exemple qui l’illustre le mieux est celui de l’amour : nous pouvons ressentir de l’amour (sentiment), en continu – ou presque ! – pour notre conjoint. Mais, au moment précis où celui-ci nous regarde dans les yeux, en nous disant « je t’aime », la chaleur que nous ressentons est le signe de l’émotion d’amour ! Elle est bien différente ! Et cette émotion, en effet, est brève…

Le lien entre émotion et sensations

Lorsqu’une émotion envahit notre corps, celui-ci réagit, et nous avons alors des sensations qui y sont liées.
Des études ont été menées pour faire le lien entre ces sensations et les émotions.

Connaitre le lien entre les deux peut nous aider à mieux comprendre nos émotions, en écoutant notre corps (comme si c’était facile…).

Les sensations habituelles liées aux émotions

Les voici, telles que décrites dans la formation de la EIREM.

Peur : accélération cardiaque, sensation de froid, chair de poule, mains moites, pâleur…
Colère : accélération cardiaque, sensation de chaleur, poings serrés, tensions dans la mâchoire, sourcils froncés…
Tristesse : baisse du rythme cardiaque, baisse de l’énergie, pleurs
Amour : chaleur dans la poitrine, détente dans tous les corps, rosissement du visage…
Joie : respiration ample, élan dans tout le corps, envie de sauter, pleurs !
Dégoût : lèvre supérieure retroussée, nez plissé, nausée…
Honte : chaleur, augmentation rythme cardiaque, yeux baissés…

Reconnaitre les émotions par leurs manifestations

Vivre nos émotions, c’est forcément en sentir les effets.
Comme quand je sens mes joues rouges au moment où je fais face à ma peur.

Non seulement ces manifestations peuvent être des indices pour nous (plutôt que de me raconter que je n’ai pas peur), mais cela donne un signal aux autres.
C’est une manière qu’a mon corps d’extérioriser mes émotions.

Et c’est vrai dans l’autre sens : parfois, c’est l’expression faciale de l’autre qui m’informe d’une émotion qu’il aurait plutôt essayé cacher…

Les raisons fonctionnelles de nos émotions

Comme écrit plus haut, chaque émotion a sa raison d’être. Elle a une fonction bio-régulatrice.
Avancer dans la compréhension des émotions, c’est aussi voir ce qui peut se cacher derrière.

Finalement, c’est cette fonction de l’émotion qui explique le concept même d’émotion !

Quand et pourquoi ressent-on des émotions ?

Reprenons encore une fois la liste des émotions, et voyons quand elles peuvent intervenir, et pourquoi elles sont là.

Peur
quand : danger
fonction : assurer sa protection

Colère
Quand : frustration, blessure, un peu d’injustice
fonction : restaurer son intégrité, établir ses limites, restaurer la relation

Tristesse
Quand : séparation, perte
Fonction : accepter, faire le deuil

Joie
Quand : rencontre, succès, liberté
Fonction : réunir, favoriser l’apprentissage, donner sens à la vie

Dégoût
Quand : injustice, viol
Fonction : restaurer la justice, avoir conscience de ses valeurs, rejeter – se purifier

Amour
Quand : intimité
Fonction : se sentir relié, nourrir l’attachement

Honte
Quand : humiliation, rejet
Fonction : éviter de blesser autrui, être accepté dans le groupe social

Ce que ces raisons m’apprennent

J’aime penser que cette liste m’aide à mieux comprendre mes émtoions.

Ce qui est sûr, c’est qu’elle m’aide à intégrer l’idée que les émotions ont une vraie raison d’être.
Je comprends donc mieux que lorsqu’on ressent des émotions, l’idée n’est pas de les contenir ou de les refouler, mais bien de les entendre.
Cela ne signifie pas forcément qu’il va falloir verbaliser nos émotions, mais au moins, si on veut pouvoir réguler ce qui se passe en nous, on peut commencer par les reconnaitre. Et cela demande de vraies compétences émotionnelles.

Si ce sujet vous intéresse, et que vous voulez en savoir plus sur toutes ces émotions, je vous suggère

L’interêt de faire la différence entre émotion et sentiment

Au delà de l’aspect satisfaisant (pour moi en tout cas) de savoir de quoi l’on parle, on peut se poser la question de la pertinence ou du moins de l’interêt de savoir distinguer émotion, sensation, et sentiment…

Accueillir

Partons de ce dont on parle le plus en éducation positive : l’accueil des émotions.

Le principe d’accueil et d’écoute, que j’ai découvert d’abord en lisant Faber et Mazlish, est valable aussi bien pour les émotions que pour les sentiments.
Nul besoin de faire la distinction pour se mettre à l’écoute de ce qui est vivant chez l’autre.

En Communication NonViolente, cette distinction n’est d’ailleurs pas faite non plus – toute émotion ou sentiment étant considéré comme l’indice d’un besoin nourri ou non nourri.
J’ai même assisté à un séminaire animé par Thomas d’Ansembourg où la question lui était posée, et visiblement, la différence n’était pas claire pour lui.

Le temps de pause

Là où cette différence peut cependant nous aider dans notre démarche, c’est dans l’approche de la décharge de l’émotion.

Quand on comprend que les comportements liés à l’émotion ne sont pas l’émotion elle-même, on peut alors s’intéresser à d’autres expressions émotionnelles.

Ce que beaucoup appellent « gérer ses émotions ». Oui, la « gestion » des émotions concerne réellement les émotions, pas les sentiments.
Celles qui arrivent suite à un stimulus, et qui ne sont pas là pour durer.

C’est une bonne nouvelle : ça veut dire que, à défaut d’autre chose, le temps au moins permettra d’apaiser les choses.
D’où l’importance du temps de pause quand on se sent débordé.

Et ça, en tant que parent, ça me semble bien utile de l’avoir compris, tant pour nos propres émotions que pour celles de nos enfants !