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Arrête d’embêter ton frère : compétence 4 – Résoudre les problèmes

Et voici enfin la 4è et dernière compétence clef présentée comme fondamentale par Elizabeth Crary dans Arrête d’embêter ton frère, laisse ta soeur tranquille.

(Tout comme dans le résumé du chapitre précédent, je conseille aux lecteurs de commencer par lire l’article du livre, en lien ci-dessus, avant de s’attaquer à cet article-ci.)

Compétence relationnelle n 4 : Résoudre les problèmes

Je trouve ce chapitre très intéressant : en plus d’étapes de résolution de problème, il s’étend sur le pouvoir, les différents types de pouvoir, et comment on peut les utiliser. De même que dans le chapitre précédent, lorsqu’on parlait d’émotions, il était suggéré d’aider les enfants à développer leur vocabulaire émotionnel, de même ici l’auteure suggère d’aider les enfants à identifier les différents types de pouvoir exercés dans les différentes situations.

Nous nous intéresserons donc d’abord aux différents pouvoirs, puis nous entrerons concrètement dans

  • les étapes pour résoudre un problème
  • les étapes pour aider les enfants à négocier
  • les étapes pour faire face au pouvoir destructeur

Avant d’arriver dans la partie du chapitre qui présente, comme dans les autres chapitres, les étapes du parentage STAR face à des exemples précis.

Cette partie du chapitre sur les pouvoirs est tellement riche en informations que j’avais presque envie d’en faire un article à part entière. Je le ferai peut-être d’ailleurs un jour. Pourtant, l’auteure a bien choisi de le mettre dans ce chapitre, alors je vais respecter cette démarche et le présenter ici.

Ce que les enfants ont besoin de savoir sur le pouvoir

Pour savoir de quoi l’on parle, il s’agit d’abord de différencier les différents types de pouvoir.

Selon Elizabeth Crary, il existe 2 sortes de pouvoir :

  • le pouvoir positionnel
  • le pouvoir personnel

Comme son nom l’indique, le pouvoir positionnel dépend de notre position dans la relation : les parents ont un pouvoir positionnel sur leurs enfants, les profs sur leurs élèves, les patrons sur leurs employés… C’est un pouvoir sur les autres.

Le pouvoir personnel est le pouvoir qu’a chaque personne sur elle-même. C’est notre pouvoir personnel qui nous permet d’agir et de réagir, en fonction des options à notre disposition.

Ainsi, on a tous un pouvoir personnel, même si certains ne l’utilisent pas, et certains ont un pouvoir positionnel.

Ensuite, bien sûr, il existe différentes manières d’exercer son pouvoir, différentes formes que peut prendre le pouvoir :

  • le pouvoir coercitif
  • le pouvoir de persuasion
  • le pouvoir coopératif

Le pouvoir coercitif : c’est quand on a le pouvoir d’obliger quelqu’un à faire quelque chose, par notre position, ou notre taille physique ! Ca peut être sain (comme lorsqu’un adulte rattrape l’enfant qui allait traverser la rue), ou être néfaste (quand on frappe par exemple). Dans tous les cas, il cause de la peur et du ressentiment.

Le pouvoir de persuasion : cette fois, on obtient ce qu’on veut, mais par des méthodes plus douces (flatterie, récompenses, coudoiement…) . Là encore, ce pouvoir peut être employé de manière saine (quand on persuade un malade de prendre ses médicaments par exemple), mais il peut être destructif, car il peut avoir pour effet de détruire l’estime de soi de celui qui a été manipulé.

Le pouvoir coopératif : Le pouvoir coopératif est un pouvoir partagé. Les besoins de chaque personne sont considérés. C’est évidemment celui dont on cherche à développer l’usage dans la fratrie !

Il est important de noter que
1- personne n’a un contrôle absolu. Eh oui, les enfants vont faire face à des situations qu’ils ne peuvent pas contrôler, et ce n’est pas toujours évident à accepter…
2- On a toujours le choix. En effet, on n’a pas toujours le contrôle sur la situation, mais on on contrôle la manière dont on y répond. Là réside notre pouvoir personnel.
3- Les solutions rapides risquent de se retourner contre nous. C’est également ce point qui nous aidera à diriger les enfants vers le pouvoir coopératif : parce qu’ils vont se rendre compte que l’usage d’un pouvoir coercitif, par exemple, risque de se retourner contre eux… (Si mon fils arrache le jouet de son frère, son frère hurle, et je vais intervenir pour rendre le jouet à celui qui l’avait…)

Le rôle des parents 

Nous ne reviendrons jamais assez dessus: les enfants apprennent énormément en nous observant ! Il s’agit donc de modeler notre attitude sur celle que nous voudrions qu’ils adaptent : montrons-leur comment nous négocions avec notre conjoint, n’utilisons pas le pouvoir coercitif face à eux (Bien sûr, ça peut marcher à court terme, mais c’est aussi ce qu’ils apprendront à utiliser dès qu’ils seront eux-même en position de le faire… On est ici au coeur de la parentalité positive : que voulons-nous enseigner à nos enfants ?) !

Soyons clair sur qui a du pouvoir positionnel sur les enfants (l’ainé en a-t-il sur le plus jeune par exemple ? Ca dépend des familles, peut-être des moments. Quelle que soit la situation, il est bon que ce soit clair pour tous…), sur les règles qui sont négociables et celles qui ne le sont pas. (Chez nous, le port de la ceinture dans la voiture n’est pas négociable par exemple). Beaucoup de règles négociables peuvent être discutées, mettant en jeu un pouvoir coopératif !

Enfin, on peut aider les enfants à s’y retrouver dans tous ces types de pouvoir et leur utilisation en les exerçant à les observer. Ca peut être dans une situation réelle, observée, ou dans des histoires… Il est clair que le Renard de La Fontaine, flattant le Corbeau pour parvenir à ses fins fait appel au pouvoir de persuasion… On peut même les encourager à broder : « Qu’aurait-il pu essayer d’autre pour obtenir ce qu’il voulait ? »

Cette faculté d’analyse de la situation les aidera, lorsqu’ils feront face à une situation problématique, à savoir si le problème n’est que le problème, auquel cas ils feront appel aux étapes de résolution de problèmes présentées ci-dessous, ou si le problème est le pouvoir, auquel cas ils auront besoin de compétences spécifiques pour faire face aux pouvoirs destructeurs, qu’on va voir plus loin.

(Je vous avais bien dit que c’était un chapitre riche !!)

Les étapes pour résoudre un problème :

Deux remarques préalables :
Les étapes suggérées ici ressemblent de très près à celles du parentage STAR. La seule différence est la première étape (Stop et mise au point) divisée ici en 2 points : Se calmer et Identifier le problème.

Ces étapes ressemblent également à celles proposées par Faber et Mazlish , avec pour différence que ces dernières insistent sur l’expression des points de vue. Il faut dire que c’est une situation un peu différente : Faber et Mazlish s’intéresse à la résolution d’un problème entre parents et enfants, il est donc nécessaire que chaque point de vue soit clair. Elizabeth Crary s’applique, elle, à décrire les étapes que peut suivre un enfant seul pour essayer de résoudre un problème face à son frère ou sa soeur qui l’embête…

1. Se calmer
Avant de pouvoir se mettre à réfléchir à des solutions, il faut être en mesure de ne pas se laisser emporter par sa colère…

2. Identifier le problème
Une fois que l’enfant est calme, il peut essayer d’observer la situation pour comprendre ce qui ne fonctionne pas. Par exemple : « Je voudrais voir mon film et elle veut jouer avec moi… »

3. Trouver des idées
C’est le moment de trouver plusieurs idées (exactement comme quand c’est le parent qui réfléchit) : « Je peux.. aller demander de l’aide à maman; jouer avec elle devant le film; lui prêter mon nouveau livre en attendant que le film se finisse, lui proposer de voir le film avec moi… »

4. Agir concrètement
L’enfant peut alors choisir ce qu’il va essayer de faire. Ca demande de juger les idées. Par exemple « Je ne veux pas lui prêter mon nouveau livre, elle risque de l’abîmer. » Puis de choisir laquelle on va suivre. « Je vais lui proposer de voir le film avec moi. »

5. Revoir et corriger
L’enfant évalue le résultat. Si ça ne marche pas, il passe à l’idée suivante, jusqu’à ce il trouve la bonne. Et il peut ensuite se sentir fier de lui, parce qu’il a réussi à résoudre la situation !

Les étapes pour aider les enfants à négocier

Cette fois, la résolution du problème se déroule entre 2 enfants. Au début, il conviendra probablement que les parents soient facilitateurs, le temps que les enfants intègrent eux-mêmes ces étapes, et soient en mesure de les mettre en application. Il s’agit uniquement de les accompagner, leur donner le cadre. Au fur et à mesure, ils deviendront de plus en plus autonomes dans cette démarche.

1. Proposer aux enfants de tenter de résoudre ensemble le problème.
« Asseyons-nous et voyons si vous pouvez trouver une solution ensemble. »

2. Aider les enfants à recadrer le problème en restant neutre
« Toi, tu voudrais… et toi, tu voudrais… Comment pouvez-vous vous organiser de manière que chacun d’entre vous soit heureux ? »

3. Encourager la quantité d’idées
Comme dans le cas précédent, avant d’arriver à une bonne solution, il ne faut pas hésiter à être créatif. A ce stade, ça peut être des idées farfelues, peu importe, c’est le nombre qui aidera à trouver une idée qui marchera. Piège : essayer de résister à la tentation de suggérer des idées. Je sais, c’est dur… Le problème, c’est que les enfants risquent de penser que leurs idées sont moins productives que les nôtres et perdre l’envie de participer. Alors que justement, on veut leur enseigner à adopter cette démarche sans nous !

4. Aider au processus de choix, et vérifier que la décision soit satisfaisante pour les 2 enfants.
« A ton avis, quelle idée conviendrait le mieux à la fois pour toi et pour ton frère ? », puis à l’autre enfant « Est-ce que l’idée de ton frère te convient ? » Si la réponse est négative, on continue jusqu’à trouver un accord.

5. Revoir la décision avec les enfants
« Est-ce que l’idée que vous avez essayée a marché ? Est-ce que vous avez le sentiment que c’était juste pour chacun de vous ? »

Et voilà, encore une fois, en tapant ça, je réalise que, comme dans le cas de la résolution de problème entre frères et soeurs proposée par Faber et Mazlish, je rate systématiquement la dernière étape !! J’ai du mal à penser à revenir dessus une fois qu’on est passé à autre chose, il faudrait vraiment que ce soit un effort conscient !

Comme quoi, on a beau se le dire, on met bien du temps à progresser… Une nouvelle occasion de s’en rendre compte, de se féliciter de ce qu’on fait déjà et ne pas se sentir coupable. Nous sommes sur un chemin, et on avance, peu à peu. C’est ce qui compte.

Dans quelques mois peut-être, je relirai cet article, et je me rendrai compte que cette étape est à présent intégrée à ma manière de faire…

Les étapes pour faire face au pouvoir destructeur

Faire face au pouvoir destructeur est très difficile, et les enfants auront besoin d’aide.

1. Se recentrer
D’abord, il s’agit de garder la maîtrise de soi, ce qui est déjà un défi. L’auteure liste ici des idées diverses : « respirer profondément, compter jusqu’à 10, regarder par la fenêtre, imaginer l’autre personne couverte de boue… ».

2. Clarifier la situation
Simplement remettre les faits à plats, aider l’autre à se concentrer sur la situation en posant des questions.

3. Définir ses souhaits
On exprime ici ce qu’on l’on voudrait qu’il se passe, afin que ce soit clair pour tous. (Note perso : ces étapes me font rudement penser à la CNV – Communication Non Violente – . Et c’est bien ce dont il s’agit, n’est-ce pas ? Finalement, quelqu’un qui cherche à utiliser un pouvoir néfaste est en plein dans la communication violente !)

4. Requérir une action
Il s’agit ici de préciser ce qu’on attendrait de l’autre, en étant spécifique (on est encore dans la lignée de la CNV). J’ai bien écrit « attendrait », au conditionnel : c’est une demande, pas un ordre, sinon l’on n’obtiendra rien.

5. Revoir ses choix
A ce stade, 3 possibilités : Négocier, Bouger, Chercher de l’aide.
La négociation est évidemment signe de réussite : on a pu faire face au pouvoir néfaste de l’autre, on lui a permis de voir notre point de vue sur la situation, et à le faire entrer à notre table de négociation, celle où l’on va utiliser le pouvoir coopératif !
Bouger est un abandon : ça ne fonctionne pas, je m’éloigne de la personne. (Pas un échec cependant : on a quand même fait face !)
Demander de l’aide, enfin, est également pour l’enfant une manière d’utiliser son pouvoir personnel face au pouvoir néfaste auquel il fait face. Dans le cas d’un harcèlement par exemple. un enfant ne peut pas y faire face seul, et il faut qu’il sache identifier les situations dans lesquelles il devra demander de l’aide.

Dans le concret, qu’est-ce que ça pourrait donner ?
Prenons le cas où Camille  détruit la tour de Léo. Comment peut-il réagir face au pouvoir néfaste de sa soeur ?
1. Se recentrer : Léo peut respirer profondément et penser « Je peux décider de la manière dont je vais répondre. »
2. Clarifier la situation : « Tu as fait exprès de détruire ma tour. »
3. Définir ses souhaits : « J’aimerais que tu gères tes problèmes toi-même plutôt que de m’en faire subir les frais. »
4. Requérir une action : « Est-ce que tu veux bien m’aider à reconstruire ma tour ? » (Camille : « non ! »)
5. Revoir ses choix : essayer de bouger : « OK, je vais aller la construire dans ma chambre. »

Pas mal, hein ? Si on arrive à enseigner ces compétences à nos enfants, on aura bien avancé !!
Pour être honnête, je m’en sens assez loin…

Il est quand même précisé qu’évidemment, toutes ces compétences demandent du temps pour être développées. Pour référence, Elizabeth Crary estime qu’un enfant développe en général entre 3 et 6 ans ses capacités de résolution de problèmes. Il ne commence qu’après à être capable de faire face au pouvoir destructeur…

Utiliser le parentage STAR
(Pour savoir ce qu’est le parentage STAR, voir cet article)

Comme pour les premières compétences (l’appartenanceles limites, et les émotions), l’auteur applique la méthode STAR à des exemples, en gardant bien en tête la compétence à développer, et l’étape de développement de l’enfant.

Je vais encore une fois développer ici un des exemples (qui correspond à celui illustré du point de vue de l’enfant dans la partie « Les étapes pour résoudre un problème » ci-dessus.)
Yoann, 9 ans, regarde un film, tranquillement. Erica, 4 ans, s’approche de lui et lui chatouille les pieds. Il lui demande d’arrêter, elle continue ; il cache ses pieds, elle cherche à le pousser, tombe et se cogne…

S : Stop et mise au point
Yoann et Erica se disputent souvent autour de la télévision. Ils ont besoin d’apprendre à régler ensemble leurs conflits. Il va falloir leur enseigner à négocier.

T : Trouver des idées
Eviter les problèmes : je peux inviter un ami d’Erica pour qu’elle joue avec lui.
Enseigner de nouvelles compétences : Je vais introduire le processus de résolution des problèmes avec un livre sur le sujet, et en discuter avec eux.
Donner le choix entre 2 options : « Si tu veux quelque chose, tu peux négocier, ou attendre. »
Remarquer les améliorations : « Yoann, tu as réfléchi à une façon de réagir quand Erica t’a poussé les pieds, j’ai remarqué ça. »  –  « Erica, tu as demandé à Yoann si tu pouvais t’asseoir à côté de lui, c’était une bonne idée. »
Reconnaître les émotions : « C’est frustrant quand quelqu’un t’embête quand tu veux te concentrer. »   –  « Erica, tu te sens ignorée. Tu aimerais que Yoann joue avec toi. »

A : Agir concrètement
Erica a 4 ans. Elle est assez grande pour commencer à utiliser la négociation. Je vais les aider à utiliser le processus de résolution de problème pour trouver une solution.

R : Revoir et corriger
Pendant une semaine, je vais observer les progrès.

Avant de terminer ce résumé, j’ajouterai une note de l’auteur, qui me semble importante :

Parfois, les parents ont un fort besoin de contrôle. Quand ce contrôle est trop développé, les enfants peuvent croire qu’ils n’ont pas de pouvoir personnel.
Il faut donc bien faire en sorte de leur en laisser.

D’autre part, pour les aider à se respecter, insistons sur l’utilisation respectueuse du pouvoir, avec des règles positives. Ne sommes-nous pas bien au coeur de l’éducation positive ??

Retour à l’article du livre.

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