Un positionnement variable sur la question de discipline
La discipline est au coeur du débat, dès que l’on aborde la parentalité. Et les livres sur le thème de l’éducation ne sont pas tous en ligne. Certains prônent une autorité forte du parent, tandis que d’autres parlent de coopération… Comment savoir qui croire ?
Pour beaucoup, face à des comportements difficiles de nos enfants, il faut renforcer la discipline. Sous-entendu : une discipline stricte, autoritaire. Ainsi, si de nombreux pays ont légiféré contre les violences physiques des parents envers leurs enfants, d’autres – dont la France au moment où j’écris – autorisent encore un parent à taper son enfant !!
Et il y a ceux – dont je fais évidemment partie – qui s’y opposent fortement. Ils prônent une plus grande écoute de l’enfant. Un autre type de relation entre l’enfant et l’adulte.
Et dans le fond, beaucoup de parents sont mécontents de la manière dont ils cherchent à imposer de la discipline chez eux. Un sondage de 2002 en Angleterre révèle que 79% des parents qui donnent des fessées à leurs enfants le regrettent ensuite. (Et comment ne pas le regretter quand on se rend compte de l’impact de nos gestes…)
Pourtant, face aux problèmes de mensonges, de violence, d’alcool, de tabagisme, d’abandon des études… la réaction la plus classique reste de chercher à durcir encore l’autorité. On s’entête à employer des méthodes qui, au vu de l’augmentation de ces problèmes, n’ont clairement pas fait leurs preuves !
Difficile alors de savoir sur quel pied danser !! Je m’imagine en fait que la majorité des parents comprend que ces méthodes ne les mèneront pas loin, mais qu’ils ne savent simplement pas comment faire autrement…
Etrange d’ailleurs. En restant toujours sur l’exemple de la violence physique : notre pays a légiféré il y longtemps contre le fait que les enseignants tapent les élèves. Cela nous semblerait aberrant aujourd’hui que notre enfant rentre à la maison en disant que son instituteur l’a tapé ! Nous pensons donc que les enseignants peuvent trouver des alternatives pour faire régner l’ordre dans une classe de 30 élèves ? Pourquoi en ce cas les parents auraient, eux, besoin de la fessée chez eux ??
Afin d’avancer dans le débat, je soulève cette question : comprenons-nous bien ce que le mot discipline signifie ?
Jane Nelsen, par exemple, n’hésite pas à mettre ensemble les mots de discipline positive. Et quand on lit ses livres, cela prend tout son sens.
Il existe donc une autre forme de discipline, qui s’éloigne de la notion d’autoritarisme à laquelle elle est souvent associée.
Comprendre la discipline, c’est ce à quoi s’attache Thomas Gordon dans la première partie de son livre Eduquer sans punir. Car il existe différents types de discipline et d’autorité.
Le nom « discipline » et le verbe « discipliner »
Revenons aux origines…
Un disciple, au départ, c’est simplement un apprenant, un élève.
Et la discipline n’a pas forcément de connotation de contrôle de l’un sur l’autre. La discipline d’une équipe évoque plutôt l’ordre, le respect des règles.
Le problème vient du fait que, comme l’écrit Thomas Gordon : « On présume souvent que la seule façon d’imposer la discipline à la maison et à l’école consiste à discipliner les enfants ».
Or, « discipliner » signifie « soumettre quelqu’un, un groupe, à l’obéissance, à un ensemble de règles qui garantissent l’ordre dans la collectivité où il se trouve. Soumettre donc. Et pour cela, imposer, et punir.
Seulement voilà : si l’on discipline le groupe, on n’atteint pas pour autant la discipline, on ne l’atteint en fait que tant qu’on est là pour la contrôler. Prenons une classe face à un professeur qui discipline fermement. Enlevons le professeur de la classe. La discipline y règne-t-elle toujours ??
Il semblerait en fait que discipliner ne soit pas le meilleur moyen d’inculquer une discipline…
Influencer ou dominer
Comme le disaient les auteurs de Parents respectueux, enfants respectueux, il n’y a pas de doute que nous avons une influence sur la vie de nos enfants, ainsi que, d’une manière indirecte, sur ceux qu’ils rencontreront dans leur vie. La question est de savoir quel type d’influence nous choisissons d’avoir.
Thomas Gordon distingue ici « la discipline instructive qui s’efforce d’influencer les enfants, et la discipline restrictive, qui cherche à les dominer. »
Si un enfant fait quelque chose par peur d’être puni, il n’est pas influencé, il est dominé. Exercer une influence est bien plus complexe. Et demande un vrai changement de posture, car plus nous dominerons, moins nous serons en mesure d’influencer comme nous le voudrions !
Pour encourager les enfants à modifier leurs comportements de leur propre initiative, il nous faut donc renoncer aux méthodes restrictives.
Je sais, pas toujours facile…
L’enseignement de l’auto-discipline, plutôt que de la discipline imposée, est pourtant bien à ce prix-là.
En fait, la question n’est donc pas la discipline, mais bien la manière de l’encourager. Et voila pourquoi le sous-titre du livre Eduquer sans punir est « enseigner l’autodiscipline aux enfants ».
Parce que tout est là : notre objectif est que la motivation pour la discipline dont va faire preuve l’enfant soit interne, non externe.
Les multiples sens du mot « Autorité »
Selon Thomas Gordon, il existe 4 types d’autorité :
1- L’autorité fondée sur l’expérience
On parle alors d’autorité acquise : c’est en effet l’expérience d’une personne, sa compétence qui lui donne autorité sur un sujet. Alors, son entourage va s’adresser à elle, et écouter son opinion.
Cette remarque me fait penser à une discussion que j’ai eue récemment avec mon mari et mon grand fils. Je venais de voir une vidéo incitant à ne pas faire confiance aux autres, mais plutôt de vérifier les informations reçues par nous-mêmes. Or, je ne suis qu’à moitié d’accord : je pense qu’il est effectivement des points à vérifier, mais surtout qu’il s’agit d’apprendre qui nous pouvons croire sur quel sujet. Et s’adresser à la bonne personne !
Il s’agit bien alors de respect de l’autorité fondée sur l’expérience…
Adultes et enfants respectent ceux qui possèdent une compétence particulière, et n’hésitent pas à solliciter leurs conseils. Ce type d’autorité est inoffensive, et toujours vue positivement.
2- L’autorité fondée sur la position
Cette autorité découle, comme son nom l’indique, de la position de la personne, de ses responsabilités.
Ce type d’autorité est reconnu et accepté par tous : le pilote indique à l’équipage ce qu’il doit faire, le conducteur demande à ses passagers de s’attacher.
Dans une famille, les membres peuvent demander à celui qui fait les courses d’inclure des produits spécifiques dans sa liste. Il y a alors accord sur le partage des responsabilités.
Cette autorité fondée sur la position est généralement bien acceptée, tant par les adultes que par les enfants. Nous respectons les personnes qui l’exercent, et n’hésitons pas à suivre leurs instructions.
3- L’autorité fondée sur des ententes informelles
Dans une famille, nombreuses sont les ententes informelles qui impliquent que l’un soit en charge de certaines choses, et l’autre d’autres. Lorsque nous ne suivons pas ces accords informels, il en découlera des attitudes qui relèvent de notre responsabilité. Ainsi, si mon fils traine après l’école, il me téléphonera pour me prévenir.
Celle-ci est probablement à rapprocher du cas précédent, les rôles étant par essence plus variables. Les instructions seront cependant acceptées sans problème.
4- L’autorité fondée sur le pouvoir
Cette fois, nous parlons du pouvoir positionnel, que nous avions déjà évoqué à la lecture de Arrête d’embêter ton frère, laisse ta soeur tranquille.
Malheureusement, c’est souvent à ce type d’autorité que se réfèrent les parents et éducateurs qui souhaitent le « respect » des enfants, imposant leur pouvoir par le biais de punitions et de récompenses, assortis de tous leurs effets nocifs…
Or, les enfants (comme les adultes) ne respectent pas l’autorité fondée sur le pouvoir. Les adultes usant de ce type d’autorité attendent en général une obéissance aveugle, et encouragent plutôt la résistance.
Faut-il user de notre autorité ?
J’aime bien cette distinction entre les différents types de pouvoir que fait ici Thomas Gordon, parce que cela bouscule un peu les idées reçues.
En effet : la parentalité positive lutte contre l’autorité fondée sur le pouvoir. Comme il s’agit, pour certains, de la seule autorité qui soit, la conclusion qui s’impose est que la parentalité positive encourage à ne plus avoir aucune autorité face à nos enfants. (Notez que j’ai bien écrit « face à » nos enfants, et non « sur » nos enfants. Car j’ai bien basculé d’une relation verticale à une relation horizontale…). Ce n’est pourtant pas le cas. Nous gardons bien une autorité. Seulement pas celle fondée sur le pouvoir. Nous préférons développer auprès de nos enfants une autorité qu’ils respecteront.
Si notre relation est bonne (de l’importance de la connexion), nos enfants chercheront nos conseils et voudront connaitre nos valeurs.
Et nous bouclons ainsi la boucle avec la notion précédente d’influencer plutôt que de dominer…