Pour ou contre la punition ?

Je remonte enfin mes manches pour aborder vraiment la question de la punition. Se faire son avis sur ce point n’est pas toujours évident. Et pourtant, je vais le formuler simplement : êtes-vous pour ou contre la punition ? La première fois que j’ai écrit ici sur le sujet, c’était il y a près de 2 ans, en résumant le chapitre sur la punition de Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent. C’est drôle pour moi de relire cet article, parce que j’y notais que mon mari et moi n’étions pas encore bien en ligne, et que je ne croyais plus tellement à la punition. Depuis, non seulement ma croyance s’est affirmée, mais mon mari est devenu également convaincu ! Nous avons avancé ensemble sur ce chemin. Je vous invite ici à mieux comprendre pourquoi. Tout d’abord, nous pourrions commencer par nous poser la question suivante :

Pourquoi punissons-nous ?

C’est vrai, ça, pourquoi ? C’est étrange quand on y pense : lorsque nous abordions les raisons pour lesquelles nous nions les sentiments des enfants, nous avons parlé de notre tendance à vouloir leur éviter les expériences négatives,  à les protéger de leurs moments de détresse… et pourtant, nous n’hésitons pas à les faire se sentir mal pour les encourager à se comporter bien… bizarre… Enfin, cette remarque mise de côté, je vous encourage surtout à vous retourner sur les cas dans lesquels vous êtes tentés par cette solution. Quels sont les moments où vous avez recours à la punition ? Ayant déjà posé cette question à de nombreux parents, je sais que la réponse la plus fréquente est : « quand je ne trouve plus d’autre solution ». Voilà, tout est là. En fait, punir un enfant, c’est avouer qu’à ce moment-là, on est incompétent ! On ne sait pas quoi faire d’autre, on est désemparé !! Bon. Mais arrivons alors à la question suivante : la punition fonctionne-t-elle ? Après tout, on pourrait dire que si la punition atteignait son but, même si elle n’est pas agréable, elle est nécessaire, et c’est une méthode à employer. Cependant, est-ce le cas ? La punition d’un comportement inadéquat permet-elle de corriger ce comportement ? Oui. Souvent, l’enfant cesse. La punition fonctionne. A court terme. Oui, c’est bien ce que j’ai écrit : à court terme. Parce que finalement, dans la majeure partie des cas, le comportement en question revient. Ou bien, pour que ça continue à marcher, il faut punir plus fort. Et on entre dans un cercle vicieux… Ce n’est pas tout à fait vrai, il est également possible que ça fonctionne à plus long terme si on réagit de façon vraiment forte. Si l’enfant a vraiment peur de nous, et que nos réactions lui font passer le message qu’il ne vaut rien. Du coup, il n’essaye plus, il entre en mode de soumission complète, avec une confiance en lui complètement anéantie. Hum. Je ne peux même pas m’attarder sur ce cas qui me brise le coeur. Revenons donc au cas plus courant de la punition à court terme.
Question suivante :

Que ressent un enfant qui est puni ?

D’abord, évidemment, il est en colère contre le parent qui lui a posé la punition ! Ca lui donne de la rancoeur, ça encourage son désir de vengeance… Je fais ici appel à votre imagination : vous êtes au travail, et vous avez oublié de rendre le document que votre responsable attendait de vous. Il vous en fait le reproche, puis décide que puisque c’est comme ça, vous resterez 1h de plus tous les soirs de la semaine suivante. Comment vous sentez-vous ? Ca vous parait logique, juste ? Ca vous donne envie de mieux collaborer avec lui la fois suivante ? D’un certain côté, un peu, parce que vous avez peur que ça vous arrive de nouveau, mais le ferez-vous de gaieté de coeur ? Essayerez-vous de rendre le meilleur travail possible ? Ou serez-vous tellement rancunier qu’à la première occasion, vous essayerez de lui mettre des bâtons dans les roues ? Mais attention : sans vous faire prendre ! Donc, en plus de la rancoeur et du désir de vengeance, ça encourage aussi un désir de dissimulation !! L’erreur suivante ne sera pas assumée, elle sera cachée, simplement. Nous pouvons donc abandonner nos espoirs d’enseignement du sens des responsabilités… Toute connexion est brisée, et toute démarche de coopération tuée dans l’oeuf… Car, comme le dit Jane Nelsen, il est nécessaire de connecter avant d’enseigner. (Au passage, quelques pistes pour connecter dans cet article) Arrivé à ce stade de la réflexion, normalement, on commence à comprendre que la punition n’est pas seulement inefficace, mais carrément contre-productive.  Mais ce n’est pas fini. Car le raisonnement peut aller plus loin. Marshall Rosenberg (le créateur de la CNV – Communication Non Violente) suggère de se poser 2 questions quand on fait face à un comportement inadéquat de l’enfant : « Que voulez-vous que votre enfant fasse différemment ? » « Quelle motivation souhaitez-vous que votre enfant ait pour faire ce que vous lui demandez ? » Et c’est cette deuxième question clef qui change tout : si la réponse est « la peur de la punition », alors on peut continuer à punir. Toute autre réponse nous aide à remettre la punition en cause, parce qu' »elle l’empêche d’agir pour les raisons que nous aimerions qu’il ait. » Oui, elle l’empêche. Car, comme le disait le Dr Ginott (le mentor de Faber&Mazlish), en le punissant, nous offrons à l’enfant une distraction : au lieu de réfléchir à ce qu’il a fait, il rumine sa colère contre nous ! En fait, la punition est simplement une forme de contrôle extérieur. Nous ne développons pas en punissant la motivation interne mais l’obéissance à la personne qui a le pouvoir. Mais j’ai des raisons de ne pas vouloir d’enfant obéissant, et je ne veux pas leur donner ce modèle de l’usage du pouvoir positionnel. Voilà pourquoi la punition n’existe plus chez nous. Ce qui nous amène donc à la dernière question de cet article, celle que vous attendiez avec impatience :

Sans punition, comment faire ?

D’abord, commençons par discuter du problème. Car parler vaut mieux qu’une punition ! Cherchons à comprendre ce qu’il s’est passé, en leur accordant le bénéfice du doute. Nous aiderons ainsi nos enfants à avancer, en leur enseignant la valeur de l’erreur, opportunité d’apprentissage (comme nous l’avions évoqué quand nous avons exposé les principes adlériens, fondateurs de la discipline positive). Ensuite, si la situation se répète, nous entrerons avec lui dans une démarche de recherche de solution. Vous en trouverez la description dans le chapitre 4 de Parler aux ados pour qu’ils écoutent, les écouter pour qu’ils parlent, et son application ne se limite absolument pas aux ados. (Voici d’ailleurs des exemples qui vous inspireront peut-être : avec Léon, 3 ans, qui nous réveillait le matin avec Léon et Anatole, 5 et 3 ans, pour savoir qui aurait le premier câlin avec les enfants de mon amie, 11 et 5 ans, qui sautaient sur le trampoline) Enfin, si la recherche de solution ne donne rien, ne fonctionne pas (ou pas encore), on pourra penser à mettre les enfants face à leurs responsabilités en imposant des conséquences. Pas des punitions, des conséquences.
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Ainsi, nous éloignant enfin de cette VEO (Violence Educative Ordinaire) qu’est la punition, nous entrerons enfin dans une relation plus respectueuse avec notre enfant, (le respect ne sera plus une notion toute relative), et nous lui passerons le message que nous sommes dans son équipe. Que nous sommes son guide pour l’aider à grandir, et à se développer, comme une personne responsable, et capable de trouver sa propre motivation. Ayons confiance.
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5 réponses
  1. Morand
    Morand dit :

    Bonjour,
    Tout comme vous je ne suis pas pour la punition et en vous lisant je dois bien admettre que la punition pour mon petit de 20 mois n’a aucun effet. Même pas à court terme. Quand il est au coin, il attend sagement et puis voilà, il est capable de refaire droit derrière la même bêtise (ex jeter volontairement par terre la semoule).
    Dans ce cas que me proposeriez -vous comme solution? Pourtant je lui formule les phrases de maniere positive: » mange proprement, tu mets la semoule dans la bouche.  »
    Je lui dis même souvent: voilà maintenant tu as fait l’expérience d’en jeter par terre, maintenant tu arrête de jeter la semoule. Mange proprement.  »

    Autre cas, lorsque l’enfant fait des crises sans raison apparentes, que faire. J’ai beau essayé de lui demander ce qu’il se passe: « tu as faim? Tu veux boire? Tu veux continuer à jouer avec la trottinette?, etc. » Pas de réponse (par un geste ou un acquiescement). Il ne se calme pas et je suis souvent démunie. Je me dis que lorsqu’il saura parler, ce sera sûrement plus facile.

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    • Coralie
      Coralie dit :

      Bonjour,
      Je lis que vous faites bien attention à la formulation positive, c’est déjà un bon point !
      Quand il fait quelque chose comme la semoule, vous pouvez l’accompagner dans la réparation :
      « Bon, il y a de la semoule par terre. Tiens, voilà la lingette, je te montre comment on fait pour ramasser. A toi. »
      Meme s’il ne le fait pas bien, il est important de l’impliquer.
      Si la situation se répète trop, vous pouvez penser à une conséquence plutôt qu’une punition, ce sera déjà un premier pas.
      http://les6doigtsdelamain.com/quelle-est-la-difference-entre-une-punition-et-une-consequence/

      D’autre part, pour ce qui est des crises, ma foi, parfois il y a des choses qui ont besoin de sortir, et il n’est pas toujours nécessaire d’en trouver la raison. En général, on cherche la raison parce qu’on veut résoudre les choses pour eux. Mais dans la vie, on ne peut pas toujours tout résoudre, et ce ne serait d’ailleurs pas forcement une bonne chose : nos enfants ont aussi besoin de faire l’expérience des émotions négatives pour grandir. Je vous conseille de simplement recevoir l’émotion : « Je vois que tu n’es pas bien. » et c’est tout. Parfois ça suffit.
      http://les6doigtsdelamain.com/toujours-la-figure-dattachement/

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  2. bien amicalement vôtre
    bien amicalement vôtre dit :

    Quand je puni mes enfants et que leur dit d’aller au coin, c’est bien souvent car je n’en peux plus et que c’est ma façon de me tranquilliser même si je dois reconnaitre que depuis que je le fais (deux semaines…je suis novice …mes jumeaux de presque 4 ans se tranquillisant et cela à l’air de marcher

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    • Coralie
      Coralie dit :

      Bonjour et merci de ton commentaire.
      Je suis ravie que tu sois tombée chez moi, et j’espère pouvoir t’accompagner..
      Avoir deux enfants de 4 ans doit être épuisant au quotidien, j’imagine, et tu dois régulièrement te trouver dans une situation où tu « n’en peux plus », comme tu le dis, et je le comprends.
      Les mettre au coin peut marcher temporairement, parce que ça leur donne l’espace pour calmer les choses, mais ça développe aussi du ressentiment, qui n’aidera pas à long terme.
      Si tu sens qu’il y a besoin d’une pause, mieux vaudrait que tu dises : « Je vois que vous avez besoin d’être séparés pendant un petit moment, afin que chacun se calme. Lequel de vous veut aller dans la chambre ? », ou bien, suivant les cas, c’est toi qu’il faut isoler ! « J’ai vraiment besoin de plus de calme, et lorsque je vous entends crier ainsi, ça me pese. Je vais aller dans ma chambre 5 minutes. » Ca leur enseigne au passage que tu as également des envies et des besoins dont il convient de tenir compte…

      Je suis allée sur ton blog, et j’ai lu un de tes derniers articles sur les disputes entre tes 2, et j’aurais envie de te donner plein de pistes, si tu es intéressée. Dis-moi…
      Tu peux commencer par lire « Frères et soeurs sans rivalité », il y a de bonnes chances que ça t’apporte beaucoup !
      http://les6doigtsdelamain.com/freres-et-soeurs-sans-rivalite/

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  3. Émilie
    Émilie dit :

    merci Coralie pour cet article. J’y travaille ici, mais dans certaines situations je ne vois pas de conséquence logique ou alors pour moi mais pas pour lui, par exemple le fait de ranger les jouets, s’il ne le fait pas c’est moi qui vais le faire et ça me dérange moi le bazar, pas lui. Idem quand il fait du bruit a table avec sa fourchette. En fait c’est ça, quand ça nous gêne nous (désagrément ou Norme sociale qu’il doit apprendre) comment on fait ?

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